Martin Boonen
06 September 2023
Comme la Belgique, la France fait très attention à la question de la surpopulation de gibier. Pour réguler ces populations, les conseils cynégétiques fixent des quotas de prélèvement de gibier par région. Et ceux-ci peuvent être relativement importants sur certains territoires, notamment en Alsace où est né Nemrod.
Édouard Rapp est chasseur et amoureux de la nature. Vianney Baule est, lui, passionné de gastronomie et de cuisine de terroir. Ensemble, ils prennent vite conscience que la viande du gibier chassé dans leur région ne trouve pas toujours le chemin des cuisines des particuliers ou des restaurants autour d’eux, avec, à la clé, un gaspillage alimentaire énorme. “En France, la cuisine de la chasse, du gibier, n’a pas une image très moderne. Elle fait référence à des plats riches, en sauce, qui mijotent pendant des heures. Ou alors, on pense à des plats compliqués et luxueux, ce dont les gens n’ont plus envie. Bref, elle ne trouve plus sa place dans le quotidien des Français” explique Clarisse Vigneron, responsable marketing chez Nemrod. Un bien triste désamour pour ce qui demeure une excellente viande, naturellement bio et sauvage, chassée dans les règles de l’art en respectant scrupuleusement les législations en cours. Pour inverser la tendance, Édouard Rapp et Vianney Baule réfléchissent à un moyen de rendre la viande de gibier plus abordable, plus facile à cuisiner. En résumé : il faut moderniser la cuisine de la chasse.
© Nemrod
Dans l’atelier de Nemrod, avec une équipe d’artisans bouchers , ils réfléchissent alors à des recettes qui peuvent faire changer le regard des gens sur la viande de chevreuil, de cerf ou de sanglier. Leur premier réflexe, c’est de lorgner sur la cuisine de barbecue : simple et conviviale, elle est aux antipodes des clichés véhiculés par la cuisine de la chasse. C’est ainsi qu’à côté des plus traditionnels saucissons et terrines, sortent des ateliers de Nemrod des saucisses de chevreuil, ou des brochettes de sanglier marinées. Des pièces à rôtir à la braise comme des pavés, des cuissots ou des côtes à l’os sont également proposés. Dans la même idée de casser les codes, Nemrod ose même des broches de kebab de gibier ! “En proposant ces broches, glisse Clarisse Vigneron, nous nous tournons directement vers les jeunes qui ont l’habitude de cuisiner cette viande, mais en la réinterpretant, en l’intégrant à notre terroir.”
© Nemrod
Et si le catalogue de Nemrod ne fait pas l’impasse non plus sur des pièces plus nobles à l‘instar des célèbres gigots, rôtis, ou civets, proposer du gibier de cette nouvelle façon permet surtout d’utiliser des partie moins présentables de l’animal et donc, de lutter encore un peu plus contre le gaspillage alimentaire (raison d’exister de Nemrod) sans pour autant renoncer à la qualité et à la saveur de ces viandes. Le tout à des prix démocratiques.
© Nemrod
Mais alors quid de la disponibilité des produits qui dépendent tout de même d’une activité très saisonnière. La saison de chasse au grand gibier s’étend grosso modo (les disparités sont parfois grandes entre les régions) entre la fin août et la fin février. Pas franchement la saison des barbecues… “Ce n’est pas tout à fait exact, nous reprend Clarisse Vigneron. Certaines méthode de chasse comme l’affût ou l’approche (voir notre numéro de septembre où nous revenons en détail sur cette pratique durable et respectueuse du bien être animale, actuellement en librairies et sur tablettes) sont également ouvertes en dehors de la saison hivernale. Nous proposons aux chasseurs de nous remettre leur gibier tout au long de l’année, ce qui nous permet de ne pas interrompre les livraisons.” La responsable du marketing de Nemrod concède tout de même que le gros de l’activité de Nemrod se concentre en hiver.
© Nemrod
En 2022, Nemrod a réceptionné 4 560 têtes de gibier, dont la moitié de sanglier, à laquelle il faut ajouter 37% de chevreuil et 11% de cervidés. Et si Nemrod se cantonne à la viande de grand gibier, il y a une raison : “notre objectif est d’exploiter le surplus de la chasse, or le petit gibier semble bien moins concerné par ce problème” explique Clarisse Vigneron. S’il n’est donc pas prévu de proposer des produits à base de viande de faisan, de canard ou de lièvre, le problème du gaspillage alimentaire de viande de gibier n’est pas réservé à l’Alsace et Nemrod envisage évidemment d’ouvrir d’autres ateliers dans des régions réputées giboyeuses de l’hexagone. Notons que si l’activité de Nemrod se limite, pour le moment, à l’Alsace, ils livrent partout en France et en Belgique en moins de 48 heures.
Une partie de l'équipe © Nemrod
Nemrod a donc inventé une manière simple, ludique et abordable de manger une viande saine, naturellement biologique et sauvage ! N’oublions pas que la viande de gibier est une alternative durable et écologique au désastre alimentaire que représente la viande d’élevage intensif. Il serait peut-être temps d’en remettre un peu dans nos assiettes.
© Nemrod
Nemrod ? Pour ceux qui de se demanderaient pourquoi Édouard Rapp et Vianney Baule ont choisi de baptiser leur activité Nemrod, il s’agit en fait d’une sorte de patronage puisque Nemrod (ou Nimrod en hébreu) est un personnage biblique, réputé grand chasseur et fondateur du premier royaume en Mésopotamie après le déluge. Par extension, ce nom sert désormais à désigner quelqu’un qui aime beaucoup la chasse ou un très habile chasseur. Quant au renard du logo de Nemrod, il fait référence au rusé chasseur qu’est le goupil.
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