Martin Boonen
16 October 2020
De prime abord, l'idée de manger dans un bol fait plutôt penser à l'ambiance moite des gargotes vaguement asiatiques du centre ville, ou a un salade bar vitaminé à la mode, qu'à l'univers d'un chef gastronomique. C'est pourtant bien là le tour de force que réussi le chef Valerio Borriero dans ses cuisines de San Sablon. C'est même le parti pris (insufflé par Sang Hoon Degeimbre à l'ouverture du restaurant) : réussir des préparations de haute volée qui puissent toutes être dégustées à la cuillère, au fond d'un bol. Un écueil pour le chef ? « Pas vraiment. Cela demande toujours une réflexion sur la façon de déguster un plat, mais jusqu'à présent, cela ne m'a jamais empêché de servir ce que je voulais » raconte Valerio Borriero, aux commandes de San Sablon depuis deux ans.
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En passant les portes de l'établissement à l'heure du déjeuner, le décor plait immédiatement. Épuré au niveau du mobilier, végétal dans sa décoration, chaleureux dans ses couleurs et ses matériaux : on s'y sent bien immédiatement. Les moulures des très hauts plafonds cèdent à certains endroits le pas à des pans de murs en briques apparentes. La vitrine laisse entrer largement la lumière.
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Notre regard est attiré tout de suite par les grands bocaux sur le comptoirs de la cuisine ouverte : des préparations sont en train de lacto-fermenter. Le travail sur la fermentation est donc une marotte du chef ?
En apéritif, le chaleureux Sachin Malhotra, maître d'hôtel et sommelier des lieux, nous dirige vers une flûte de champagne de chez Bolieu. Un blanc de blanc à l'équilibre impeccable. Ces jolies bulles sont accompagnées de trois mises-en-bouche. Un maki de pak choi au riz sushi, choux fermenté, condiment ail noir, riz soufflé de Nori, une terrine de pigeonneau, rhubarbe acidulée, épeautre, et un cigare de chèvre fumé à la charcuterie de corail de St-Jacques. Ces trois bouchées jouent sur les textures et les goûts. Mention spéciale au cigare de chèvre qui compile douceur, croquant et assaisonnement détonnant !
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Arrivent les entrées : un maquereau de l'Atlantique Nord, brûlé a la flamme, vinaigrette acidulée au fumet de poisson, betteraves jaunes de la Finca (un coopérative productrice de légumes bio), mesclun de micro-herbes de chez Urbi Leaf (un producteur bruxellois de micropousses en culture verticale), et un carpaccio de veau de chez Lothar Vilz, coulis d'agrumes conservés, betteraves Jaunes de la Finca, et le même mesclun de micro-herbes que pour le maquereau. Ce qui frappe dans les deux préparations : la minutie avec laquelle les goûts s'accordent. Le mesclun, par exemple, apporte une vivante touche d'iode qui vient relever l'assiette entière ! Fameux. Sachin Malhotra verse dans nos verres un Viré-clessé : bourgogne blanc dont le chardonnay donne sa mesure très à propos.
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Le plat, pardon : le bol de résistance est une poitrine confite, accompagnée d'une longe de porc en pastrami et de croquettes de pieds aux graines de moutarde dans un fond de jus tandoori. À nouveau, la délicatesse de l'assemblage des ingrédients fait mouche. Et la maestria se loge, comme souvent, dans les détails. Les graines de moutarde explosent en bouche, petites bombes d'acidité qui viennent équilibrer le gras et le croustillant de la joue. Et quand on y ajoute le croquant des fruits du Bairrada (Portugal) naturel de chez Niepoort qui accompagne ce bol, alors le tableau est complet !
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Enfin, le croit-on ! La tarte aux tomates confites de la Finca, ganache au chocolat noir Guanaja 70% de chez Valrhona, que l'on nous sert en dessert réserve une dernière - très - heureuse surprise ! Le sucre, légèrement acidulé, des tomates confites trouvent une superbe place à côté de l'amertume du chocolat. Quelle association !
On quitte San Sablon comblé. Heureux d'avoir gouté des choses audacieuses mais réfléchies, et surtout, au moment d'entamer l'après-midi, sans la sensation de lourdeur, parfois rédhibitoire, de certains beaux lunchs, fussent-ils gastronomiques. Et comme le service fût rapide, nous avons pu profiter de ce moment sans avoir l'impression d'avoir dû se dépêcher.
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Délicate, légère, gourmande et étonnante, la cuisine du chef Valerio Borriero fait, sans aucun doute, du lunch de San Sablon, l'un des plus intéressants à Bruxelles.
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