Stéphane Lémeret
23 February 2022
Au début des années 1950, les dirigeants de General Motors constatent que l’industrie automobile américaine n’a rien de crédible à opposer à la foule de petites sportives européennes – principalement anglaises et italiennes – qui rencontrent un vif succès aux USA. De ce constat naît un concept de roadster aux lignes séductrices et aux dimensions compactes selon les standards américains : la Corvette. Lancée dans la précipitation en 1954, la voiture est toutefois un peu bâclée. Malgré son innovante carrosserie en fibre de verre, elle est trop lourde pour son modeste 6 cylindres de 115 chevaux, et ses performances ne sont donc pas à la hauteur de la concurrence européenne. Sur les 300 Corvette construites, seules 183 sont vendues la première année.
© Corvette
Chevrolet va vite remédier au problème grâce à une recette très américaine : des moteurs de plus en plus gros. En 1955 arrive le premier V8. Avec 4,3 litres et près de 200 chevaux, la Corvette affiche enfin des prestations réellement sportives. D’année en année, elle se muscle, si bien que la C1 (première génération) terminera sa carrière avec 360 chevaux. Née pour rivaliser avec MG ou Alfa Romeo, c’est aux Jaguar et Ferrari qu’elle se mesure dix ans plus tard, mais pour une fraction de leur prix. La Corvette commence à susciter l’admiration. Lancée en 1963, la C2 capitalise sur ce succès, et poursuit l’inflation mécanique jusqu’en 1966, avec des V8 allant jusqu’à 7 litres et 430 chevaux. Officiellement. Mais certains disent que la puissance réelle frôle les 560 chevaux !
On attend donc beaucoup de la C3, lancée en 1968. Hélas, elle est à la fois victime d’une industrie automobile américaine alors trop sûre d’elle, qui s’endort sur ses lauriers et accumule les retards techniques sur ses concurrents mondiaux, et de la première crise pétrolière, dont découlent de nouvelles régulations. Bref, non seulement son comportement routier ne tient plus la comparaison avec les européennes, mais sa puissance décline drastiquement. Jusqu’à 160 chevaux pour la version d’entrée de gamme, avec pourtant un V8 5,7 litres ! La Corvette, qui rivalisait avec Ferrari et Jaguar, se classe désormais entre une Porsche 924 et une Fiat Spider lors du test comparatif d’un grand magazine américain.
En 1984, la quatrième génération sonne le réveil. Avec la C4, la Corvette retrouve la performance pure. Elle accélère plus fort qu’une Porsche 911 Turbo de l’époque, mais elle dépose toujours les armes aux pieds du premier col montagneux venu. En 1997, la C5 adopte avec dix ans de retard une architecture favorisant la répartition des masses, et la Corvette découvre ce qu’est l’équilibre en conduite véritablement sportive. En 2005, la Corvette C6 est plus aboutie que jamais. Ses ingénieurs ont enfin compris qu’une voiture de sport, c’est autant de raffinement dans le châssis (sinon plus) que de chevaux sous le capot. La C7 de 2014 enfonce le clou. Même un conducteur exigeant doit pinailler pour trouver à redire. Il lui manque peut-être encore un peu de précision, de rigueur. Mais on se dit alors que la prochaine génération devrait y remédier. On ne s’attendait toutefois pas à ça…
Car la C8 a tant révolutionné la Corvette qu’on se demande si c’est encore une Corvette. Certes, elle conserve le gros V8 à l’ancienne (comprenez : grosse cylindrée et pas de turbo), mais celui-ci n’est plus à l’avant, sous un long capot. Il est au centre de la voiture, derrière les occupants, comme dans une Ferrari ou une McLaren ! Et pour l’avoir récemment essayée dans une région vallonnée d’Allemagne, nous pouvons vous le certifier : ça change tout ! La C8 n’a plus à rougir devant aucune concurrente. Elle a la précision, la rigueur, la “communicativité”, la générosité des sensations, le sens du jeu, la boîte double embrayage fulgurante. Bref, elle a tout ce qu’on attend d’une sportive… européenne. Même un intérieur débarrassé du pseudo-luxe rococo américain. Là aussi, c’est sportif et technologique. Ceci est donc une remarquable sportive, à défaut d’être une vraie Corvette. Quoique… Avec ses 482 chevaux, elle affiche des performances et des qualités sportives comparables à celles d’une Porsche 911 Carrera S. Mais à 80 360 euros, elle est… 40 000 euros moins cher. Et ça, c’est typiquement Corvette !
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