Martin Boonen
07 November 2024
Parler de la Seine revient inévitablement à convoquer tous les poncifs parisiens. Pourtant, le fleuve emblématique de la capitale française a une vie en dehors de Paris. Loin des tumultes et polémiques nés des Jeux olympiques de cet été, la Seine s’écoule après Paris dans une nature à la beauté insoupçonnée qui, à cette époque de l’année, donne à offrir des paysages ébouriffants. Et pas besoin de s’éloigner trop de Paris pour découvrir cette facette méconnue de la Seine. Nous vous emmenons à Rolleboise, non loin de Giverny, la patrie des impressionnistes, dans les Yvelines, à une bonne heure seulement du cœur de la capitale de l’Hexagone.
© Domaine de la Corniche
Nous sommes ici en Basse Seine, c’est-à-dire, la partie du fleuve en aval de Paris et qui court jusqu’à Rouen. À cet endroit précis, la Seine dessine un paresseux méandre, la boucle de Moisson, entre Mante-la-Jolie et Vernon. À Rolleboise, au sommet de ce louvoiement du fleuve, offrant une vue imprenable sur cette région rurale encore très préservée, se dresse le domaine de la Corniche. Du haut de ce surplomb, on s’émerveille d’avoir l’impression d’être dans un lieu à l’apparence si reculée, alors que le fracas de la ville lumière est en fait si proche. C’est sans doute cette tranquillité voisine de la grande ville qui a convaincu le roi Léopold II d’en faire le refuge à l’amour secret qu’il partageait avec sa maîtresse Blanche Delacroix, alias Caroline Lacroix, dite baronne de Vaughan.
L’histoire raconte que Blanche Delacroix et le roi des Belges se sont rencontrés dans le hall de l’hôtel Élysée Palace à Paris. Blanche a seize ans, le souverain quarante-huit de plus. Léopold, véritablement épris de la jeune femme, la couvre de cadeaux. On connaît bien la villa Les Cèdres à Saint-Jean-Cap-Ferrat, un peu moins le très beau château de Balincourt (dans la Val d’Oise, en Île de France, toujours propriété d’une illustre famille belge), mais moins la belle villa de Rolleboise.
Érigée à la demande du roi en 1908, c’est ce qu’on appelle alors une “folie” : une maison de villégiature ou de réception construite par l’aristocratie ou la bourgeoisie aisée en périphérie des villes. Les folies précédent les résidences de week-end bourgeoises et les villas de vacances du XXe siècle. La folie de Léopold et Blanche surplombe donc ce méandre de la Seine qui contourne la boucle de Moisson.
© Domaine de la Corniche
Celle à qui le Roi avait octroyé le titre officieux de baronne de Vaughan décède en 1948. Léopold, lui, a succombé d’une embolie foudroyante au château de Laeken 39 ans auparavant. Il avait épousé religieusement Blanche, qu’il aimait appeler “Très-Belle”, trois jours avant son décès. Entre-temps, leur folie de Rolleboise avait été vendue et transformée en hôtel en 1924. Cent ans (cette année !) plus tard, la belle villa yvelinoise est toujours un hôtel de standing au confort quatre étoiles.
Le Domaine de la Corniche est de nos jours le port d’attache idéal pour découvrir cette superbe et surprenante région. Il se déploie en cinq implantations qui rayonnent autour du château (l’ancienne maison de Blanche et Léopold). Le château, la villa et la Jeannette offrent de fantastiques vues sur la Seine. Les chambres du spa et de la Forestières profitent, elles, du jardin et de la proximité des infrastructures externes du domaine. Les chambres, vastes et confortables, entièrement rénovées, comme toutes les parties historiques du domaine, respectent l’héritage historique des bâtiments en l’adaptant aux dernières normes de confort. Cette adaptation au bâti existant les rend donc toutes singulières.
© Domaine de la Corniche
© Domaine de la Corniche
Le très moderne et accueillant spa Spaquana offre dans 600 m2 une piscine intérieure équipée de jets massants, un hammam, un sauna, un solarium avec un bain à remous et une salle de fitness. Le catalogue de soin s’adapte à toutes les envies.
À côté de la terrasse du château, la piscine extérieure (fermée à cette saison) n’est pas le pire endroit pour s’extasier sur l’environnement alentour.
Le rez-de-chaussée du château accueille l’élégant bar Léopold. Sous la verrière d’époque, on profite d’un apéritif soigné (des bulles de Champagne ou un cocktail maison par exemple) en profitant très confortablement de la vue sur le fleuve et la belle campagne des Yvelines. Essayez d’y être avant le couché du soleil pour observer en temps réel les ombres s’allonger dans la vallée et la nature se parer d’or et de pourpre alors que le soleil se couche dans votre dos.
© Domaine de la Corniche
L’étage inférieur du château cache une salle de billard et une véritable salle de cinéma accessible aux résidents de l’hôtel. Mais surtout, dans une salle moderne entièrement ouverte sur l’extérieur, se loge le restaurant gastronomique du domaine : le Panoramique. L’établissement du chef Gaëtan Perulli jouit de la même vue que le bar Léopold. Là aussi, préférez réserver votre arrivée avant que le soleil ne soit complètement couché pour en profiter. Mais le Panoramique ne compte pas que sur son paysage pour vous faire passer un moment extraordinaire. La qualité du service de l’équipe en salle s’y emploie aussi avec beaucoup de professionnalisme et de chaleur.
© Domaine de la Corniche
© Domaine de la Corniche
Mais, le plus grand argument du Panoramique, cela reste ses assiettes. Le chef y développe une cuisine française raffinée, très intelligemment et subtilement revisitée. Il y a une vraie finesse dans le travail de Gaëtan Perulli si bien que l’on en vient à se demander s’il ne mériterait pas un peu mieux que l’unique étoile dont l’honore le guide rouge depuis 2018. Nous y reviendrons d’ailleurs dans cet article qui lui est dédié, ici.
Si vous vous demandez, en dehors de la piscine, du spa, du cinéma ou du simple plaisir de cocooner dans sa confortable chambre, comment occuper vos journées dans ce coin encore si rural de France… c’est que vous oubliez que, depuis le Domaine de la Corniche, vous n’êtes qu’à un bon quart d’heure de Giverny, la capitale mondiale de l’impressionnisme. C’est en effet, à Giverny, en Normandie, que Claude Monet, l’un des fondateurs et porte-étendards mondial du style impressionniste, s’était établi et qu’il peint, en ses extraordinaires jardins, certains de ses tableaux les plus célèbres comme sa série Les Nymphéas.
"Nymphéas et le pont japonais", Claude Monet , 1899, 89,5×90cm
Les jardins de Claude Monet, à Giverny © DR/Shutterstock.com
La présence du peintre à Giverny attira de nombreux artistes de nationalités diverses qui contribuèrent eux aussi à faire de ce site un lieu particulièrement emblématique. La route qui vous mène depuis Rolleboise à Giverny vous plonge tout de suite dans l’ambiance : entre pâtures du bocage normand naissant, bois et taillis. Le village de Giverny lui-même est encore très préservé, mais il est devenu un peu à lui seul un musée à ciel ouvert où chaque détail, chaque carrefour, chaque détour n’est plus qu’un prétexte pour évoquer la figure tutélaire de la région. Ce qui ne ne va pas, bien sûr, sans son lot de dérives commerciales. Il faut dire que dans ce petit coin de campagne française, on parle toutes les langues. C’en est même déroutant. Asiatique, slave, américaine… toutes les cultures se retrouvent, se mélangent, se rencontrent pour apprécier ensemble le travail des impressionnistes, inspirés par la campagne givernoise.
Si les jardins et la maison de Claude Monet restent le point d’orgue de cette visite, vous plongeant littéralement à l’intérieur des toiles du maître, vous donnant à apprécier de véritables tableaux vivants, le très beau Musée des Impressionnismes Giverny est aussi incontournable, tant pour ses collections permanentes que pour les expositions temporaires qui rassemblent régulièrement des œuvres et des artistes à la réputation internationale de toutes les époques.
En quittant Giverny et avant de revenir au Domaine de la Corniche pour piquer une tête dans la piscine, profiter d’un massage ou du sauna, faites un petit détour par la petite ville de Vernon, en bord de Seine. Si son vieux moulin pittoresque qui surplombe littéralement le fleuve sur d’anciennes piles d’un pont médiéval disparu ne suffit pas à vous convaincre, peut-être que la terrasse de Blossom, sur les quais, offrant une vue ravissante sur la Seine et sa nature, le fera.
Le vieux moulin de Vernon © DR/Shutterstock.com
Le chef Gabin Rodes, lui-même enfant du pays de la Seine et ancien élève du chef étoilé Florent Ladeyn connu pour son engagement envers les produits locaux, y propose une cuisine bistronomique simple mais très soignée, fraîche et gourmande, particulièrement respectueuse de la qualité des produits qu’il source et sélectionne avec beaucoup de minutie. Ici, c’est bien le menu qui s’adapte – hebdomadairement – aux produits, et non l’inverse. Bières locales, vins nature et boissons naturelles, complètent une carte courte mais redoutablement efficace.
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Entre art, patrimoine historique, gastronomie, ruralité… il y a, sur les bords de Seine, en pleine nature mais tout près de Paris, un véritable art de vivre que l’on ne soupçonne pas, une douceur et une tranquillité qui nous rappelle pourquoi Léopold II et la baronne de Vaughan avait décidé d’y vivre leur amour morganatique interdit.
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