Rédaction
13 April 2022
© Davis Gerber
Avec ses somptueux jardins qui s’étendent au sein d’une riche végétation protégée et le Rancho Jabalí de l’Hacienda qui fournit la plupart des produits qui y sont servis, cette destination exclusive, avec vingt-cinq suites toutes différentes, a le don d’envoûter. L’histoire de ce paradis des hautes terres remonte à 1879, année de la fondation de l’Hacienda, dénommée alors Santa Cruz, par un immigrant allemand, Don Arnoldo Vogel et son épouse mexicaine, Doña Clotilde Quevedo de Vogel.
Pink moment sur le volcan de Fuego. Sur la gauche, la chapelle San Antonio en pierre de lave. © David Gerber
La fraîcheur des terres, idéales pour les plantations de café Arabica, a permis à Arnoldo de produire son propre café devenu si prisé qu’il fut servi au Waldorf Astoria de New York pendant la Seconde Guerre mondiale. Un magnifique aqueduc en pierre noire volcanique, a été construit en 1904 pour apporter l’eau nécessaire à la propriété et fournir le générateur électrique. En 1913, une éruption du volcan menaça de détruire l’hacienda et ses plantations. Doña Clotilde a prié son saint favori et lui a promis de faire construire une chapelle si l’Hacienda était épargnée. Le “miracle” a eu lieu : la lave a évité cultures et bâtiments, et choisi de longer la rivière El Cordoban. Depuis lors, une statue de saint Antoine, placée dans la chapelle, veille sur le domaine rebaptisé Hacienda San Antonio.
La cour intérieur de l'Hacienda. © DR
Au fil des ans, les propriétaires se sont succédé. L’Hacienda a survécu aux guerres et aux éruptions volcaniques, avant de conquérir le roi de l’étain bolivien, Antenor Patiño, puis son gendre, le magnat franco-britannique Jimmy Goldsmith (1933-1997). Elle est aujourd’hui gérée par sa fille, Alix Marcaccini, qui a su la transformer en un magnifique hôtel, un rêve mexicain qu’elle partage, pour notre plus grand bonheur, avec ses clients privilégiés. “Mon père est arrivé au Mexique parce que le grand-père de ma sœur Isabel, Antenor Patiño, avait construit l’aéroport de Manzanillo, et la route qui y menait, en créant l’hôtel Las Hadas (où a été tourné le film Ten) et parce qu’il a voulu rejoindre mon frère venu travailler au sein de la fédération mexicaine de football. Nous avons commencé à louer des maisons dans la région, à Careyes, chaque Noël. J’étais déjà folle de cette côte mexicaine du Pacifique mais, quand je suis arrivée à l’Hacienda, j’ai eu un réel coup de foudre. Les bâtiments et les terrains appartenaient à Antenor Patiño, qui venait de mourir, et mon père les a donc rachetés aux héritiers en 1989. Il avait vu l’opportunité que lui offrait cette propriété pour mener à bien ses projets écologiques : des terres avec de l’eau et de quoi créer son jardin botanique pour fournir sur place une alimentation biologique. Il était précurseur en ce domaine grâce à mon oncle, Edward Goldsmith, qui avait fondé le journal The Ecologist en 1970. Au départ, j’y venais en vacances mais, après mon mariage, nous y sommes restés toute l’année. Mon mari a géré la propriété tant que mon père était vivant. Des années plus tard, avec ma mère et mon frère Manes, malheureusement décédé il y a deux ans, nous avons repris la propriété.”
Vue sur la Hacienda. © Davis Gerber
Jimmy Goldsmith demande alors à l’architecte français Robert Couturier d’agrandir l’Hacienda. Il apporte une touche européenne classique au projet et, avec l’aide de son collègue Piero Manarat, Couturier ajoute un second étage, portant le nombre de suites à vingt-cinq, avec des plafonds voûtés, des cheminées et des portes-fenêtres ouvrant sur les jardins en forme d’étoile, comme ceux de l’Alhambra en Espagne. Un escalier monumental à balustrade en fer forgé mène à l’étage, où trois grandes suites, du côté gauche, et un toit terrasse, à droite, offrent une vue sur les montagnes et le volcan. Ce complexe de plus de 6000 m² a été confié à Alix Marcaccini pour la décoration intérieure.
© David Gerber
“Mon mari et moi avons modifié les toits. Mon père nous avait donné carte blanche pour les transformer en terrasse avec salon, afin que l’on puisse voir les jardins de chaque côté. Ce sont aujourd’hui la terrasse et le salon Mirador d’où l’on peut admirer les alentours. Au pink moment, ce quart d’heure au coucher du soleil, le volcan, gris toute la journée, prend soudain une splendide teinte rose fuchsia. C’est un rêve !”
Hacienda San Antonio © Davis Gerber
Hacienda San Antonio © Davis Gerber
Doña Clotilde a visité de très nombreuses haciendas avant de décorer celle-ci. “La partie la plus ancienne est le premier patio avec la réception, les salons et la salle à manger, qui étaient de petites pièces dans les haciendas mexicaines. Autrefois, on y stockait les grains de café, la canne à sucre, ainsi que le matériel nécessaire aux récoltes. Il pouvait exister une grande pièce, mais l’intérieur n’était pas grandiose. Ça a été un projet absolument génial, parce que mon père louait un petit avion qu’il laissait là-bas pendant deux ou trois mois. Quand il était en voyage d’affaires, il m’autorisait à l’utiliser pour voyager à travers le Mexique à la recherche d’objets d’art.”
“En 1994, la construction de l’Hacienda est achevée, rapidement parce que mon père n’allait pas bien et voulait voir le chantier terminé. Ma fille est née en 1994 et je me souviens que je me promenais à travers les suites, avec le bébé dans les bras, en prenant les décisions finales. La partie où elles se trouvent n’existait pas encore. J’ai dirigé la décoration avec Armand Aubéry, hélas décédé peu de temps après, et j’ai choisi tous les tissus, les meubles, les couleurs des murs, parce qu’évidemment je connaissais les goûts de mon père. L’Hacienda était l’endroit qu’il préférait. Le jour où il a vu le résultat, il en est resté bouche bée. Il a passé la nuit et la matinée à appeler ses amis en Europe pour leur exprimer sa joie. J’ai tenu à ce qu’il y ait des objets appartenant à mon père. Les portraits de mes ancêtres décorent le mur d’un salon. Ces empreintes rendent l’Hacienda encore plus chère à mon cœur.”
Les vingt-cinq suites, toutes différentes, offrent une vue sur le jardin, le volcan ou la rivière. Réparties au rez-de-chaussée et à l’étage, elles sont réchauffées par les couleurs vives et les textiles du design mexicain. Chacune ouvre sur une terrasse en pierre volcanique ou des balcons d’où l’on peut profiter de la nature et de l’air frais de la montagne. Mention spéciale aux suites El Armadillo, El Arbol et El Volcano, la préférée de Jimmy Goldsmith. Les tapis de laine ont été réalisés à la main par une famille de tisserands d’Oaxaca. Les tissus et les œuvres d’art, personnellement collectés par la famille, donnent à chaque pièce un caractère distinctif. Les hauts plafonds et les portes-fenêtres invitent l’extérieur à entrer. Les canapés moelleux et les cheminées créent une retraite accueillante pour les soirées plus fraîches. Des ventilateurs en bois, venant d’Indochine et remontés en Italie, rafraîchissent l’air quand c’est nécessaire. Les spacieuses salles de bain ont été décorées par Robert Couturier qui en a dessiné les carreaux. Dans chacune d’elles, on trouve les savons, shampoings et huiles essentielles produits à l’Hacienda.
L’imposante piscine de 35 mètres de long. © David Gerber
Les repas sont organisés, à la demande, dans différents endroits – galerie voûtée, salle à manger, bibliothèque ou toit-terrasse – au son d’un pianiste ou des mariachis. “Miguel Medina, notre chef, mêle viandes, fruits et légumes bios récoltés sur la propriété. Carlos, le maître d’hôtel, veille depuis trente ans sur le bien-être de nos hôtes. Les clients ont aussi à leur disposition une petite salle de sport et la possibilité de massages pratiqués par Urbina, l’une de nos formidables masseuses.” À travers les jardins, des allées pavées de briques cheminent jusqu’à l’imposante piscine de 35 mètres de long, dont le revêtement est composé de céramiques bleues et blanches de Merida. Vous résisterez difficilement à un plongeon dans l’eau non chlorée et chauffée à l’aide de tuyaux en cuivre absorbant la chaleur pendant la journée. Les sentiers mènent aussi au court de tennis, à l’amphithéâtre réservé aux concerts et spectacles ou encore à l’enclos destiné aux charreadas (sorte de rodéos). “J’ai oublié de vous parler de la ‘folie’ que j’ai fait construire dans le jardin, il y a cinq ans : un énorme lapin (mon signe en astrologie chinoise) recouvert de gazon. Je l’ai imaginé pour les enfants, afin qu’ils y jouent et s’y cachent. On a ajouté des balançoires dans les arbres et, de temps en temps, certains clients aiment y organiser des thés ou des événements un peu Alice au pays des Merveilles.”
Mieux encore, les 2000 hectares de végétation offrent maintes opportunités d’évasion, au milieu des figuiers, manguiers, noisetiers, ficus, frênes, pins de Jalisco et papelillos… À pied, à vélo, en quad, on part accompagné des guides Adel et Chito, si prévenants et passionnants. “Les arbres sont magnifiques. Je me souviens qu’une année, après la saison des pluies, j’avais l’impression d’être dans Avatar : avec mon fils, on se promenait, on cueillait des fleurs et on voyait toutes ces plantes qui poussaient sur les arbres. C’était féerique !”
Nous avons escaladé, de bon matin, une petite montagne pour admirer la vue sur le volcan, l’Hacienda et la nature. Là, dans une palapa de bambous, nous avons trouvé un somptueux petit déjeuner. Pour les moins matinaux, des pique-niques sont proposés soit à proximité de la lagune de l’épazote (ou “thé du Mexique”), sur des tapis et coussins moelleux, soit directement sur un deck construit sur la lagune de Jabalí. Il est possible depuis peu de survoler la propriété et de faire le tour du volcan en montgolfière. Les amateurs d’équitation peuvent monter à cheval au cœur d’une somptueuse allée bambous, plantée il y a 132 ans par Arnoldo Vogel, dans les plantations de café et le long des lagunes.
© Davis Gerber
© Davis Gerber
Au Rancho Jabalí, nous avons visité les cajillas (petits ranchs) où l’on fait des fromages, du beurre, des glaces, des confitures maison et des savons. C’est là que l’on extrait les huiles essentielles et torréfie le café. “Pour la petite histoire, nous avons envoyé le maître fromager en France et en Italie, afin qu’il revienne avec de belles recettes pour nos fromages de vache et de chèvre. Nous avons aussi des potagers et des vergers où nous faisons pousser les fruits qu’on ne peut trouver sur la côte, comme les framboises, les fraises, les mûres ou les myrtilles… On produit notre propre miel et des confitures, sans oublier des crèmes pour le corps, des shampoings et des huiles essentielles.”
Mais il est impensable de ne pas longuement évoquer les chevaux du Rancho Jabalí. Jimmy Goldsmith aimait beaucoup monter. C’est Siena Marcaccini, sa petite-fille de dix-huit ans, la plus passionnée d’équitation de la famille, qui a répondu à nos questions à ce sujet. “L’Hacienda possède une soixantaine de chevaux, principalement des quarterhorses originaires des États-Unis, le plus souvent alezans ou bruns, excellents pour travailler avec les vaches et dans les ranchs ; des chevaux de race espagnole ou andalous, et des chevaux frisons des Pays-Bas. De temps en temps, nous réalisons des croisements entre quarterhorses et chevaux espagnols. Nous faisons de l’élevage et quinze à vingt poulains naissent ainsi chaque année. Plus tard, les poulains seront montés par les vaqueros ou par les clients dans le cadre des différentes activités d’équitation, et les pouliches serviront à l’élevage. La moitié de nos chevaux sont des juments qui vivent dans les champs. Les anciennes écuries ne comptent qu’une dizaine de box, mais il est prévu d’ajouter des stalles plus spacieuses, que je viens de dessiner avec une architecte locale, car la propriété a davantage de chevaux qu’autrefois. Ainsi, quand les juments mettront bas, elles le feront dans des box d’une taille suffisante.”
Les balades à cheval organisées par l’Hacienda durent une à deux heures. Abraham, le très populaire cow-boy de l’Hacienda accompagne généralement les clients. Mais notre plus beau souvenir, c’est la charreada qui a été organisée pendant notre séjour. Au cours de ce rodéo mexicain s’affrontent des équipes locales de cavaliers et cavalières revêtus de leur costume traditionnel. On se trouve projeté en plein XVIIIe siècle, fasciné par leur remarquable maîtrise de l’art équestre et du lancer de lasso. La charreada est considérée comme un sport national et a été importée par des domestiques de Salamanque arrivés au XVIe siècle. Elle comporte dix épreuves. L’une s’adresse aux femmes et s’appelle “escaramuza“, les neufs autres sont réservées aux hommes. Contrairement aux rodéos, les seules récompenses des vainqueurs, considérés comme amateurs, sont des trophées.
“En février et mars ont lieu les fêtes de la ville de Colima qui célèbrent vaches et chevaux. On peut alors assister à de nombreuses charreadas, poursuit Siena Marcaccini. Les charros les plus connus au monde se déplacent. Les propriétaires de ranchs et de chevaux descendent à Colima et participent à une calbagata (cavalcade) dans la ville, montés sur leurs magnifiques chevaux et vêtus de leurs plus beaux habits. C’est assez kitsch mais divin, ces femmes avec leurs vêtements de mariachis blancs, ornés d’argent, certaines à cheval et d’autres dans leur carrosse ! Les hommes sont fiers sur leur monture. Un spectacle à ne pas rater si vous venez à cette période.”
Séjourner à l’Hacienda San Antonio se révèle une expérience unique. L’esprit du passé est palpable, dans une atmosphère minutieusement recréée avec tout le confort moderne. La nature y est à couper le souffle. Le ranch, les activités, les repas, tout est patiemment pensé et organisé. Nous en sommes revenus avec un puissant sentiment de bien-être et d’éblouissants souvenirs.
Promenade à la belle étoile dans les jardins de l'hacienda. © Davis Gerber
Adresse
Hacienda de San Antonio
Domicilio Conocido, San Antonio, Comala, 28463 Colima, Col., Mexique
Téléphone
+ 52 312 316 03 00
Réservations
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