François Didisheim
01 June 2022
En 1907, le patriarche, Adolf Sioen, crée à Rumbeke un atelier de tissage. C’est l’âge d’or de l’industrie textile en Flandre Occidentale. Son fils, Daniël, lui succède. C’est le début, on va le voir, d’une incroyable saga familiale. Car, malgré la rapidité de sa croissance, la famille Sioen restera toujours maître à bord.
Reprenons le fil de l’histoire : en 1960, Jean-Jacques Sioen, fils de Daniël, crée sa propre entreprise à Beveren. L’entreprise prospère et produit des tissus offrant l’aspect du cuir pour différents usages. Maintenant, faisons un bond en avant jusqu’en 1977 : l’entreprise s’étant considérablement développée, on procède à une centralisation de la production à Ardooie (ce petit village situé près de Roulers abrite toujours le siège social de la société de nos jours). Cette année-là, l’entreprise emploie quelque 100 personnes dans la confection, 30 personnes dans l’enduction et compte, en plus, une vingtaine d’employés.
Michèle Sioen, manager de l'année en 2017, dans les entrepôts de l'entreprise familiale © Florian Van Eenoo/Photonews
En 1989, l’entreprise continuant de grandir et les exportations connaissant une croissance exponentielle, Sioen s’implante à l’étranger avec des unités de production en France, en Irlande et en Tunisie. Arrêtons-nous en 1996 : il s’agit d’une année charnière pour l’entreprise car elle voit son introduction à la Bourse de Bruxelles. Cette année-là, le groupe réalise un chiffre d’affaires de 85 millions d’euros et emploie 1.500 personnes. L’entreprise va ensuite continuer de grandir, et voler de succès en succès. Et, au décès inattendu de Jean-Jacques, elle sera reprise par Michèle, sa fille ainée, qui sera notamment désignée Manager de l’année en 2018. Elle sera aussi la première femme Présidente de la FEB.
Le grand fait d’arme de Michèle (parmi tant d’autres) est d’avoir sorti son entreprise de la bourse en 2021. Ce fût un challenge incroyable qui se solda par un succès. Un de plus ! Maintenant que vous savez tout sur la famille, pourquoi s’y intéresse-t-on cette semaine ? D’abord, rappelons que c’est une entreprise belge qui réalise plus d’un demi-milliard de chiffre d’affaire par an, ce qui n’est pas si courant… Ce qui l’est encore moins, c’est l’investissement qu’on fait les Sioen… dans le vin ! Une famille, propriétaire d’une multinationale spécialisée dans le textile, qui diversifie ses activités dans les vignes, voilà qui est original !
© DR
La suite, c’est Jacqueline Sioen (la femme de Jean-Jacques. Vous suivez toujours ?) qui l’expliquait à l’époque : « C’est arrivé un peu par hasard à la fin des années 90, un ami de mon mari nous a convaincus d’acquérir avec lui un domaine qui combinait Château Grand Barrail et Château La Marzelle. Nous avons choisi la plus petite parcelle, non loin des prestigieux Figeac et Cheval Blanc (propriété d’Albert Frère et du froupe LVMH, NDLR). Nous avons traité La Marzelle de la même manière que nos autres entreprises ». Mais elle reconnaissait aussi que « un domaine viticole ne se gère pas comme une usine. Le vigneron est tributaire de la météo, du gel, de la grêle, il n’y a qu’une vendange par an, donc une seule occasion d’améliorer son produit. C’est un travail sur le long terme et sur la qualité, parce qu’il n’y a que cela qui compte ».
© DR
La famille Sioen s’est tellement investie avec passion dans cette aventure qu’elle a même eu droit aux éloges du quotidien français Le Figaro : « Le vin a progressivement retrouvé un niveau digne d’un Grand Cru Classé particulièrement réussi, sans que ses prix s’envolent. Cette famille belge a consacré toute son énergie à améliorer la qualité, en rénovant à la fois les vignes, les méthodes, les équipements et le Château lui-même ». Depuis le décès de Jacqueline fin 2020, Jean-Charles Joris, un de ses petit-fils (le fils de Michèle et de Bertrand Joris), a repris les rênes du vignoble avec pour but d’améliorer encore nectar. Et avec le sang qu’il a dans les veines, nul doute qu’il y arrivera !
Publicité