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RoadCo réorganise le travail

EntrepreneuriatStartup

Martin Boonen

07 December 2023

La crise sanitaire du Covid a durablement modifié le monde du travail. Ces remaniements parfois brutaux de l’organisation du travail n’ont pas toujours été bien digérés, par les entreprises, ou par les employés eux-mêmes. Depuis plus de deux ans, la startup belge RoadCo développe des solutions pour aider les sociétés à mettre en place de nouveaux schémas de fonctionnement, à la fois flexibles et performants. Diego de Lichtervelde, cofondateur de RoadCo nous explique tout en détail.

Eventail.be – Comment est né RoadCo ?
Diego de Lichtervelde –
Je suis un nomade dans l’âme. J’ai toujours eu soif de voyages, de découvertes, de mouvements. Avant la pandémie, je travaillais alors dans une très importante structure, la Bank of New York. Pendant les confinements, je me suis retrouvé à travailler deux ans chez moi. Il était très clair à ce moment-là que je pouvais bosser d’où je voulais en fait. Et quand j’ai fait part, après l’épidémie de Covid, à mon employeur de mon envie de plus de flexibilité, j’ai n’ai reçu que des réactions réticentes. J’ai passé un temps important à apporter des réponses pratiques et pragmatiques aux arguments que l’on m’opposait. Malgré tous mes efforts, je me heurtais à un mur. Le groupe pour lequel je travaillais n’était simplement pas prêt à faire évoluer ses méthodes de fonctionnement. De mon côté, en revanche, j’avais donc désormais une batterie complète de réponses à apporter à des sociétés qui, elles, voudraient modifier l’approche de l’organisation du temps de travail en leur sein. Au même moment, j’ai retrouvé des amis, Lina (Benmehrez) et Laurent (Wibaut), qui avaient réfléchi à la même chose de leur côté. J’ai étudié les sciences économiques alors qu’eux sont ingénieurs commerciaux. Laurent est parti en supply chain avant d’être IT Project Manager chez GSK. Lina, de son côté, a fait de la gestion de fonds en entrepreneuriat social. Elle s’est spécialisée dans la mesure de l’impact de ces entrepreneurs sociaux. On s’est retrouvé sur l’envie de créer les organisations du futur qui parviennent à concilier développement professionnel, développement personnel et performance économique. RoadCo est parti de là.

Lina Benmehrez, Diego de Lichtervelde et Laurent Wibaut, travailleurs nomades et fondateurs de RoadCo © DR

– Pourquoi toutes les entreprises ne sont-elles pas prêtes à modifier l’organisation du temps de travail ?
Dans un monde post pandémique, il y a énormément d’entreprises qui peuvent offrir du travail à distance. Parmi celles-ci, la grande tendance est d’aller vers des ce qu’on appelle des hybrid working models. Ces modèles permettent de faire une partie du travail au bureau, et l’autre partie ailleurs, soit au domicile du collaborateur, voire même tout à fait autre part. Pour toute une série d’entreprises, ce sera le modèle adéquat, mais c’est aussi le modèle le plus complexe à soutenir, notamment parce qu’il contribue à réduire la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Il perturbe l’équilibre de la vie des employés, et cela à des répercussions à tous les niveaux d’organisation de l’entreprise. La plupart des sociétés qui ont recours à ce modèle s’y sont lancées dans l’urgence des confinements, sans planification, sans transition. Ensuite, à la fin de la pandémie, il leur a été extrêmement difficile de rappeler tout le monde à la routine quotidienne d’un travail en présentiel comme on l’appelle désormais. Du coup, ses modèles hybrides ont perduré après l’épidémie mais sans que personne ne se pose la question de savoir si cela convenait à tout le monde. Lâchés subitement “dans la nature”, les directions et les employés n’ont pas toujours bien vécu cette nouvelle organisation. Ces sociétés doivent retrouver un équilibre.

Pendant les confinements de la crise sanitaire du Covid, les grands open spaces se sont vidés... pour ne plus se remplir comme avant. © DR/Shutterstock.com

– Que propose RoadCo à ces sociétés ?
Il faut s’intéresser aux besoins réels des entreprises et aux aspirations de ses employés. Il faut comprendre en profondeur leur mode de fonctionnement, les interactions internes et externes avec leur environnement et déterminer quel modèle hybride sera le plus adapté à leur situation. Nous sommes là pour les aider à peaufiner leur workplace mobility. On ne parle pas ici que d’un modèle hybride, c’est beaucoup plus large que ça. Certaines sociétés peuvent par exemple se permettre de passer en full remote (travail à distance intégral), à d’autres, il ne convient pas du tout. C’est pourquoi nous commençons toujours par un travail d’audit très poussé qui doit nous permettre de dresser une sorte de carte d’identité et une cartographie de la société concernée. Cette analyse en 180 questions couvre 10 dimensions d’une entreprise : impact financier, culture d’entreprise, management, politique de mobilité, tech… Une modification de l’organisation du travail à des effets sur toutes les facettes de l’entreprise et il ne faut rien oublier. Souvent les modèles hybrides actuels se limitent à diviser la semaine en deux et à décider du nombre de jours de travail à distance et du nombre de jours de travail au bureau. Mais ça, ce n’est pas du tout un modèle : ça ne guide personne. C’est en fait plus une contrainte qu’une liberté. D’autant plus que la discrétion est laissée aux managers d’organiser cette répartition. Ces derniers ont rarement reçu les formations qui leur permettent d’exprimer leur leadership dans ce genre d’organisations décentralisées et délocalisées car elles demandent énormément d’intelligence émotionnelle. Une fois cet audit, nous pouvons proposer une série de recommandations. Cela va des guidelines pour le management et les collaborateurs sur comment se comporter et interagir en télétravail pour permettre de garder une frontière entre la vie privée et la vie professionnelle, des formations adaptées pour les uns, ou pour les autres, sur les outils techniques et de communication, hardware ou software, utiles ou indispensables, sur des régimes assurantiel pour protéger les collaborateurs quand ils travaillent ailleurs qu’un bureau… J’insiste aussi sur le fait que cette nouvelle organisation doit être mise en place collectivement en impliquant tout le monde dans la construction de cette nouvelle organisation. Pour qu’elle fonctionne, elle doit réunir l’adhésion de tous.

© DR/Shutterstock.com

– Vous proposez même un réseau de co-working mobile ?
Aux entreprises chez qui l’audit a révélé que cela pourrait être profitable, nous proposons des solutions pour co-worker dans des endroits décentralisés pour une expérience “work from anywhere”. Lors des confinements, je me suis plusieurs fois installé à la campagne pour travailler. Je me suis rendu compte que beaucoup de secondes résidences avaient servi de base arrière formidable pour travailler à distance. Si elles pouvaient le faire pendant la pandémie, elles le pouvaient aussi le reste du temps. D’autant plus que, toutes ces propriétés de famille ou patrimoniales, souvent magnifiques et offrant des environnements étonnants, avaient justement du mal à retrouver des modèles de rentabilité pour couvrir ne fusse que leur frais d’entretien. Aujourd’hui, les baux à ferme ou la gestion forestière ne garantissent plus toujours la pérennité d’un domaine familial. Il faut donc trouver d’autres pistes pour dégager de la rentabilité. L’installation de modules de coworking nomade en est une. Ces endroits, en particulier la semaine ou en basse saison (donc, pendant les périodes travaillées), sont vides et donc libres. Pratiquement, nous y installons le temps d’une location tout le nécessaire à des collaborateurs (internet haut débit, imprimante, bureaux, chaises ergonomiques, second écran, catering) pour travailler confortablement être directement complètement opérationnel (ils n’ont plus qu’à brancher leur laptop) mais dans un cadre souvent naturel, relaxant, loin des turpitudes du quotidien et de la routine. Nous avons donc constitué un réseau de maisons ou de demeures capables d’accueillir ces coworking mobiles. Nous avons ainsi des propositions en Belgique, en France et au Maroc.

– Quel est le profil type de vos clients ?
Nous avons un peu de tout. De la PME au groupe international. Mais nous visons en particulier les scale-up. Ce sont des sociétés pour qui la flexibilité est très importante. Tellement qu’il leur arrive parfois d’aller trop vite, de distribuer cette flexibilité de manière un peu anarchique et donc contre productive. D’autant plus qu’en termes de ressources humaines, elles sont de plus en plus confrontées à la génération Z, plus attachée à la flexibilité et au confort de vie qu’aux salaires imposants et aux avantages de toute nature. Cela rend la question d’une nouvelle organisation au travail plus urgente que jamais. Cependant, nous sommes aussi en discussion avec la Commission européenne dont certaines directions générales sont intéressées par nos solutions. Donc, tout d’un coup, nous serions amenés à devenir un partenaire d’une organisation supranationale publique.

© DR/Shutterstock.com

– Où se situe votre marché ?
C’est l’Europe, en fait. Il existe évidemment des spécificités nationales, mais une grande partie des codes du travail, les droits sociaux et la fiscalité sont harmonisés au niveau européen, au nom du Free Movement of Human Resources. Il est donc facile d’adapter notre solution à d’autres pays.

Photo de couverture : © DR/Shutterstock.com

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