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Udine : le Far East Film Festival fait le grand écart

udine2018

Rédaction

26 April 2018

© DR

Dans une crise de passion adolescente, deux inséparables copines de 15 ans décident de se donner la mort simultanément. C'est le point de départ de The Promise, quatrième long métrage du cinéaste thaïlandais Sophron Sakdaphisit. Le gaillard s'est fait connaître dans son pays comme un maître du film de terreur. Avec la complicité de trois scénaristes, il nous offre ici un récit angoissant dont le ressort dramatique est une trahison.

Les deux teenagers projettent de se suicider au sommet d'une tour en construction dans le centre de Bangkok. Mais au dernier moment l'une d'elles, prénommée Boum, n'ose pas franchir le pas et laisse son amie Ib accomplir le geste fatal.

Nous retrouvons Boum vingt ans plus tard, mère d'une fille appelée Bell qui va fêter son quinzième anniversaire. Comme le pacte de suicide mutuel n'a pas été respecté, le fantôme de la défunte vient hanter l'appartement de Boum et cherche à entraîner la petite Bell dans la mort. La dérobade de la mère dans le passé devrait ainsi trouver aujourd'hui sa punition.

Le grand mérite de The Promise est d'éviter les effets grand-guignolesques des films d'horreur et d'installer au contraire un climat réaliste qui par moments me rappelle un peu un chef-d'oeuvre du genre, The Haunting de Robert Wise (1963). L'histoire se développe dans un contexte urbain contemporain et d'ailleurs la tour (inachevée à cause de la crise immobilière de 1997 à Bangkok) existe bel et bien dans la capitale thaïlandaise : l'édifice en question, la Sathorn Unique Tower, passe pour hanté depuis qu'un Suédois y a été retrouvé pendu en 2014.
En dehors de ses qualités proprement cinématographiques, The Promise – comme bien d'autres films d'horreur présentés ces dernières années à Udine - incite à se demander pourquoi le surnaturel et le paranormal occupent une telle place dans les cinémas thaïlandais et indonésien. La question m'intrigue et j'aimerais rencontrer un expert en anthropologie culturelle pour obtenir quelques lumières sur le sujet (pourquoi, par exemple, le public indonésien raffole-t-il à ce point des histoires de fantômes ? ).


Avec 1987 : When the Day Comes, nous quittons le registre du fantastique pour nous retrouver brutalement dans l'histoire récente de la Corée du Sud. Le film de Jang Joon-Hwang évoque les événements dramatiques qui ont conduit en 1987 au renversement de la dictature militaire. Un étudiant de l'Université de Séoul est retrouvé mort après avoir été torturé par les policiers d'une section spéciale chargée de la lutte anticommuniste. A partir des activités de toute une série de personnages, le réalisateur décrit l'atmosphère de suspicion et de terreur qui caractérisait le régime du sinistre Chun Doo-hwan. Arrestations arbitraires, passages à tabac, disparitions inexpliquées, impunité totale des brigades spéciales chargées de traquer les opposants réels ou supposés : certaines scènes d'une violence souvent glaçante montrent jusqu'où pouvait conduire l'obsession de la menace nord-coréenne (sans qu'il soit question pour autant de nier le danger réel représenté par le paranoïaque Kim Il-sung, père du Grand Leader actuel).


Le film a une dimension chorale, ce qui est plutôt rare dans le cinéma asiatique où l'attention se concentre en général sur des destins individuels. eDès les premières images, une mention précise qu'il s'agit d'une œuvre de fiction – mais basée strictement sur des événements réels. 1987 : When the Day Comes s'ouvre sur la mort d'un étudiant et se termine par le décès d'un autre étudiant, tué par la police lors des manifestations géantes qui ont finalement abouti en juin 1987 au renversement de la dictature et à la naissance d'une société démocratique. Les funérailles de celui qui est devenu un héros national sont représentées ici avec une telle ferveur que le public d'Udine n'y a pas été insensible, faisant une interminable ovation au réalisateur lorsque les lumières se sont rallumées.
Le film a été j'imagine programmé pour coïncider avec la célébration du 30e anniversaire de l'insurrection, mais il a trouvé récemment une résonance contemporaine puisqu'en 2016 la présidente Park Geun-hye, accusée de corruption, a dû quitter le pouvoir suite à d'immenses manifestations populaires qui exigeaient son impeachment. En décrivant la naissance il y a trente ans de la démocratie coréenne, le récit fiévreux de Jang Joon-hwan a trouvé ainsi une nouvelle actualité.

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Le plaisir d'un festival comme Udine tient aussi à l'inattendu. Hier matin nous avons découvert avec ravissement un film qui au départ paraissait pourtant bien improbable : une comédie musicale philippine chantée en tagalog. The Portrait est l'oeuvre de Loy Arcenas, un vétéran (64 ans) du cinéma local. Il s'agit de l'adaptation d'un musical de 1997, tiré lui-même d'une pièce de Nick Joaquin, Portrait of the Artist as a Filipino. L'affaire se passe juste avant la Deuxième Guerre mondiale dans une maison jadis somptueuse du vieux Manille, où deux vieilles filles fauchées, Candida et Paula, cohabitent avec leur vieux père, un peintre génial et dépressif qui n'a plus quitté sa chambre depuis des années.

L'artiste a donné à ses filles son œuvre ultime, un autoportrait dont la vente pourrait rapporter, dit-on, une fortune en dollars américains. Mais Paula et Candida refusent obstinément de se séparer du tableau... Le scénario est habile et plein de rebondissements, la musique excellente et les interprètes féminines (qui ne sont pourtant pas des chanteuses professionnelles) se révèlent d'un bout à l'autre absolument épatantes. On quitte la salle de bonne humeur en se disant qu'il faut décidément venir à Udine pour se voir offrir d'aussi savoureux divertissements.

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