Sarah Belmont
04 October 2018
The Windy City vient de revêtir son manteau d'automne. L'été semble pourtant résister à Navy Pier, où l'Expo Chicago se déploie sous la forme d'un solide arc-en-ciel. Ressuscité il y a quelques années, à l'instigation de Tony Karman, cette foire d'art contemporain menacée de disparition à plusieurs étapes de son parcours, s'impose de nouveau comme une référence dans le monde de l'art contemporain.
© Justin Barbin/Carol Fox and Associates Public Relations |
Cette renaissance pourrait justifier la tendance qui s'illustre dans les galeries exposantes. Entre Floater 76 de Derrick Adams, portrait d'une femme affalée sur une bouée-flamand rose à découvrir chez Rhona Hoffman, et Mood Tower, dégradé de smileys sphériques qui se dresse au milieu du stand Kavi Gupta, la couleur se veut en grande forme cette année. Tout aussi rayonnantes, ces deux compositions-manifeste mettent immédiatement en liesse.
© Justin Barbin/Carol Fox and Associates Public Relations |
La septième édition d'Expo Chicago « envoie du lourd », pourrait-on dire. L'omniprésence de la sculpture – d'ordinaire le mouton noir des foires - dans les stands, la matérialité de certaines peintures, apportent du poids, une cohérence à l'ensemble de l'accrochage. Chez Peres Projects, Yveando de Donna Huanca présente un relief quasi organique, qui trahit l'intérêt que porte cette plasticienne américano-bolivienne au corps. Non loin, les coups de pinceau de Darrell Roberts dans Open Window (Thomas McCormick Gallery) sont si palpables qu'ils donnent l'impression d'une mer de feu dans laquelle le spectateur meurt d'envie de s'immerger.
Darrell Roberts, Open Window, 2018 © SB |
La matière mise en avant est également textile. Le tissu intervient dans le parcours en tant que tel, soit comme support artistique, ou sujet de création. Chez Grice Bench, deux draps à carreaux recouvrent une planche immaculée. Ils auraient très bien pu être jetés là par quelque femme au foyer pressée de boucler ses tâches ménagères. Cette installation de Margaret Honda s'intitule Big Mr. Elephant. Chez Turiya Magadlela, représentée par Jenkins Johnson, les bas en nylon, qu'elle épingle généralement sur une toile vierge, évoquent une féminité bafouée. À côté, One of the Boys, d'Esmaa Mohamoud (Georgia Scherman Projects), pourrait passer pour une création de mode.
Esmaa Mohamoud, One of the Boys (Red White), 2018 © SB |
Il s'agit d'un maillot de l'équipe des Chicago Bulls augmenté d'une crinoline écarlate. Enfin, d'autres artistes préfèrent le trompe-l'œil. Coral Greed d'Antonio Santin (Marc Straus) ressemble jusque dans ses plis à une nappe provençale. L'illusion est presque parfaite.
Plus que de textile, il est question de texture, pour ne pas dire d'architecture à Expo. La verticalité de l'accrochage frappe d'emblée le regard. Ne sommes-nous pas aux Etats-Unis, le pays des gratte-ciels, et plus particulièrement à Chicago, associée au nom du grand Frank Lloyd Wright ? Quand elles ne sont pas sculpturales, épaisses ou découpées dans des formes inhabituelles, les peintures exposées s'étirent en hauteur. Correspondence de Leon Polk Smith (97 x 153 cm), Four Hundred Years de Raymond Pettibon (131 x 238 cm), According to This de Frances Stark (128 x 228 cm)... La liste est longue. Du côté, des sculptures même élan(cement), qu'il s'agisse des figures longilignes de Jaume Plensa ou du pseudo totem de John Storrs, tous deux chez Richard Gray.
John Storrs, Study in Form No. 1, c. 1923 © SB |
Sans oublier la tour de tambours et de néons d'Iván Navarro (Galerie Templon) dont une autre installation se tient à l'entrée de la foire. Ainsi, au milieu de tous ces rectangles verticaux, la boucle se voit-elle bouclée.
Iván Navarro, Revolution V, 2017 © SB |
En somme, comme pour se donner de la contenance, et s'assurer de son succès, Expo fait la part belle à la sculpture, cette année. L'occasion de prendre, en sus de quelques couleurs, de la hauteur avant la saison 2019, laquelle coïncidera d'ailleurs avec la troisième édition de la Biennale d'architecture de Chicago.
Publicité