Rédaction
29 November 2019
Plus végétale que jamais, la dernière FIAC était parsemée de sculptures et tableaux épineux (Hugh Hayden à la Lisson Gallery, Guisepe Penone chez Magazzino), de troncs calcinés (David Nash chez Annely Juda Fine Art) et de Totems fleuris (Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua). Des arbres déracinés coulés dans le bronze de Javier Perez aux cylindres d'acier hérissés de branches (en bronze) d'Alicja Kwade,déployés sous le péristyle du Petit Palais dans le cadre des Fiac Projects, jusqu'aux chaises dissimulées en haut de trois arbres du jardin des Tuileries (John Armleder, Furniture sculpture), on aurait pu se croire poursuivi par le motif devenu l'emblème des parangons de vertu de l'anthropocène...
Cesare Leonardi-et Franca Stagi, Carpinus betulus L., dessin original réalisé à l'échelle 1 / 100, 1963-1982 / Exposition "Nous, les arbres", Fondation Cartier pour l'art contemporain |
Loin d'être illusoire, la prolifération des racines, troncs et ramures dans la sculpture contemporaine est bien réelle, comme le montre, à Paris, l'exposition « Le Rêveur de la forêt » du musée Zadkine. Confrontant les grands chantres des mondes sylvestres de l'art moderne (de Raoul Ubac, Picasso ou Brancusi à Jean Dubuffet et Bernard Réquichot) aux artistes contemporains, les sculptures bourgeonnantes de Jean Arp aux hybridations organico-végétales de Laure Provost, les forêts tentaculaires de Max Ernst à l'impénétrable Forêt noire de métal acéré d'Eva Jospin, ou encore, les femmes-troncs d'Ossip Zadkine aux chimères calcinées d'Hicham Berrada, l'exposition prouve que les muses des bois ont de beaux jours devant elles. N'est-ce pas d'ailleurs dans une forêt de conte de fées reconstituée que, lors de la dernière fashion week parisienne, les femmes-fleurs griffées Dior ont défilé ?
Tatiana Trouvé, The Shaman, 2018, bronze patiné, marbre, béton, acier, sable, eau / vue du stand Kamel Mnnour à la Frieze Lonodon 2018 © ADAGP Tatiana Trouvé Courtesy the artist and Kamel Mennour |
Au même moment était installé dans la majestueuse salle hypostyle du palais d'Iéna l'immense sapin coupé en long et évidé de Giuseppe Penone — dont les arbres, tour à tour écorchés ou déracinés, coulés en bronze, garnis de pierres ou rehaussés d'or, se dressent ou gisent en majesté aux quatre coins du monde . « L'arbre est un exemple de sculpture parfaite » affirme l'auteur de ce « ready made » végétal sauvé de la destruction et transfiguré en Matrice de sève. Un hymne à la puissance vitale de l'arbre faisant écho à celui rendu à la Terre, par une vingtaine d'artistes internationaux (dont Andy Goldworthy, Mark Dion, Fabrice Monteiro ou Sigismond de Vajay) dans l'exposition « Gaia, que deviens-tu ? » présentée concomitamment à la Maison Guerlain.
À Paris toujours, alors qu'une émouvante exposition consacrée aux « Arbres de guerre » a fermé ses portes, le succès phénoménal de l'exposition « Nous les Arbres » a conduit la fondation Cartier pour l'art contemporain à prolonger cette exposition-chorale réunissant artistes, botanistes et philosophes de deux mois...
Alicja Kwade, "Reality Slot", 2019, acier et bronze ©kamel mennour / oeuvre présentée au Petit Palais dans le cadre des "Fiac Projects" de la Fiac 2019 |
Loin d'être en reste, les villes de province ont, elles aussi, été contaminées par cette vague verte. Alors qu'à Avignon l'exposition « La Fin des forêts » — au titre emprunté à la future création du chorégraphe Benjamin Bertrand —, plantant, à travers des œuvres d'artistes en résidence, la figure de l'arbre comme « rémanence d'un monde en passe de disparaître », vient de fermer ses portes, c'est jusqu'en septembre 2021 que la Biennale d'art de Rouen nous invite à parcourir sa « Forêt monumentale » clairsemée d'œuvres poétiques et engagées vers la protection de l'environnement et le développement durable...
Ugo Rondinone View of the exhibition "a wall . seven windows . four people . three trees . some clouds... in memory of John Giorno", kamel mennour, Paris, 2019 © Ugo Rondinone Courtesy the artist and kamel mennour, Paris_London |
Mais il faudrait encore parler des villes du monde entier où, de foire en place et musée, poussent les arbres hybridés et souvent décomposés, à l'image de notre société et de cette énorme souche déracinée jonchant un sol défoncé et ruisselant de Tatiana Trouvé présentée actuellement à la galerie Gagosian de Los Angeles, après l'avoir été par Kamel Mennour à la Frieze Art Fair l'an passé... Des arbres d'un nouveau type pour un art mutant dans un monde dystopique et préapocalyptique ?
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