Stéphanie Dulout
23 February 2023
Élève de Bourdelle, Germaine Richier conduisit l’avancée de son maître vers une épure et une simplification de plus en plus grandes, jusqu’à sculpter en 1933 une tête ovoïde vide, comme aveugle, dépourvue d’yeux, de bouche et de nez. D’une étonnante modernité, ce buste de bronze laissait présager les audaces dont allait faire preuve, à partir des années 1940, l’artiste. Ainsi sa manière de désaxer les formes, évoquant un nouveau baroque échevelé et écorché. Sa célèbre Chauve-souris en bronze doré (1946) déploie des ailes comme déchiquetées par les vides, ces mêmes vides qui donnent à son Cheval à six têtes l’allure d’une monture infernale ou à sa Montagne (1956) celle d’une caverne ou d’un ventre béant.
Germaine Richier, La Chauve-souris, 1946 © Adagp, Paris 2022 © Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole : photographie Frédéric Jaulmes
Troués, gangrénés, émaciés, ventrus ou évidés, griffus ou acéphales, les êtres fantastiques de Germaine Richier semblent jouer le combat de la matière en pleine métamorphose, entre la forme et l’informe, à travers les vides et les pleins. Tantôt zoomorphes, tantôt anthropomorphes, ces anatomies monstrueuses, incorporant à partir de 1945 des branchages ou des petites souches semblables à des ossements coulés dans le bronze, composent un bestiaire hybride.
“Pénétrant pour la première fois dans l’atelier de Germaine Richier, j’eus l’impression d’accéder à ce monde étrange, après les ravages du déluge atomique”, dira Brassaï. Tel un corps de lave en ébullition, un magma en formation, L’Ouragane, pendant féminin de L’Orage, évoque les corps pétrifiés de Pompéi qui la fascinait. “Malgré son apparence spectrale”, comme habité d’une “force surnaturelle”, “son corps gonflé semble prêt à libérer, à la moindre expiration, toute la violence des éléments.”*
“Mes statues doivent donner à la fois l’impression qu’elles sont immobiles et qu’elles vont remuer”, disait celle qui, parvenue à rendre, dans le bronze, cet “aspect changeant et vivant” fera l’admiration de César et bien d’autres suiveurs. Toute de gracilité et de violence contenue, sa grande Mante religieuse témoigne de cette étrange présence insufflée à la matière, tout comme son Christ d’Assy, chef-d’œuvre de l’art sacré.
* Bénédicte Ajac in catalogue de La Collection du Centre Pompidou, 2007.
Germaine Richier
Jusqu’au 12.06
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou,
75004 Paris, France
www.centrepompidou.fr
Germaine Richier, une retrospective
Du 12.07 au 05.11
Musée Fabre de Montpellier
39 Bd Bonne Nouvelle
34000 Montpellier, France
www.museefabre.montpellier3m.fr
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