Rédaction
22 April 2016
Après des projets aussi divers que des fresques, des collaborations avec Bellerose ou encore des autocollants (ses "persos"), l'artiste-typographe diplômé de La Cambre investit l'ancien QG Solvay à Ixelles. Il y a trois ans, Denis Meyers apprend que le bâtiment (datant de 1886) va être démoli et se dit que c'est une occasion unique de s'investir dans un projet de longue haleine. L'artiste obtient l'autorisation des actuels propriétaires des lieux, les sociétés Allfin et BPI. Il a enfin un vrai "terrain de jeu" se déployant sur plus de 40 000 m2 (dont environ 20 000 ont été peints jusqu'à présent).
Depuis septembre 2015, il vient tous les jours pour remplir les huit niveaux (dont certains en sous-sol) de ses croquis, ses mots et ses phrases qu'il accumule depuis 20 ans dans 150 carnets de dessin. Ses carnets de croquis ne le quittent jamais. Et dans le bâtiment, ils prennent vie sans pré-traçage, en noir et blanc. Denis Meyers crée un véritable parcours à travers l'immeuble à l'abandon. A la bombe ou à l'extincteur, les murs, portes, fenêtres ou radiateurs sont recouverts avec des milliers de mots et de phrases ainsi que de nombreux visages connus ou non, proches de l'artiste ou non. Il y a des verbes aussi. Beaucoup sont à l'infinitif. Haïr, croire, aimer, procrastiner, oser, causer,... Les interprétations et les ressentis se font selon le vécu de chacun.
On ne s'ennuie pas tant l'expérience artistique est intense et variée. Dans une pièce, des photocopies de carnets recouvre les murs et montrent l'évolution du travail au long des années. A d'autres endroits, grâce à des vidéos, on peut voir comment travaille Denis Meyers (qui se considère comme un artisan). On peut presque voir son effort physique (et psychologique). La cave, quant à elle, est remplie de têtes de morts que Denis Meyers dessine quand il en a marre. Cet endroit lui sert de défouloir. L'artiste a laissé quelques pièces à des amis comme Arnaud Kool et Steve Locatelli. Même ses enfants ont peints. Il a également reçu de l'aide de nombreux bénévoles (proches et moins proches) pour déblayer les lieux.
De la naissance de ses enfants aux concerts en passant par une séparation douloureuse et les inconnus dans les transports en commun, tout l'inspire. Remember Souvenir est une vraie catharsis. Denis Meyers ne s'en cache pas. Par pudeur et pour protéger ses proches, il a rendu ses textes les plus noirs ou intimes illisibles en les dispatchant sur différents murs ou en écrivant de manière très serrée. Parfois, les ouvriers du bâtiment ont œuvré sans le savoir à rendre incompréhensible des phrases en enlevant une paroi par-ci et une porte par-là.
Par pudeur, l'artiste a préféré rendre illisible certaines zones... Ici, une partie consacrée à l'intimité familiale © LN |
On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où on va. Le typographaque bruxellois partage cette fabuleuse expérience avec nous grâce à l'asbl Arkadia qui s'est associée pour les visites guidées. Et même si des cinéastes et des photographes comme Sébastien Alouf, Thomas Vanden Driessche et Gilles Parmentier l'ont suivi et qu'un livre et un documentaire sortiront, ce que Remember Souvenir nous propose est tellement inédit qu'il faut le vivre avant la destruction du bâtiment. Rien ne remplace l'expérience, le reste n'est que souvenir.
En espérant que Denis Meyers pourra prochainement faire retentir la bille qui mélange la peinture dans la bombe et enfiler son masque (pour se protéger des odeurs de peinture). Cela lui va si bien.
Remember SouvenirPlus d'infos sur www.remember-souvenir.mePublicité