Bertrand Leleu
05 December 2022
© Millon
Alphonse-Eugène Hubert (1797-1841)
Nature morte, 1839-1840, daguerréotype pleine plaque
Vente du 10 novembre, Millon, Paris,
C’est un véritable coup d’éclat dans le monde feutré du marché de la photographie ancienne que le résultat de ce daguerréotype ! La qualité de conservation et sa provenance pouvait en partie expliquer ce résultat inattendu. Provenant de la collection François Lepage, ancien marchand des puces parisiennes, cette photographie n’avait jamais été montrée au public. Elle accompagnait merveilleusement les autres grandes signatures dans cette vente importante, comme celles de Félix Nadar, Hippolyte Fizeau ou encore Eugène Durieu. On s’aperçoit que le photographe, témoin de son époque, tenait particulièrement à démontrer la qualité de reproduction de son procédé, alors révolutionnaire. Dans ce bazar organisé, on peut en effet reconnaître tissu, marbre, bronze, plâtre ou bois qui prouvaient à chacun la haute fidélité de reproduction de la photographie naissante.
© De Vuyst
Sha Qi (ou Sadji, 1914-2005)
L’intérieur de l’église Notre-Dame du Sablon de Bruxelles, huile sur toile
Vente du 22 octobre, De Vuyst, Lokeren
Qui a dit que les vues d’intérieur d’église ne se vendaient plus ? On en a un exemple frappant avec cette toile signée Sadji, adjugée 100 000 € le 22 octobre dernier. Celle qui, avec la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule et la basilique du Sacré-Cœur, est l’un des bâtiments religieux les plus visités de Bruxelles, a su émouvoir l’artiste chinois. C’est de 1937 à 1946 que Sha Qi (son vrai nom) s’installe en Belgique, notamment pour suivre les leçons d’Alfred Bastien. De cet enseignement, le peintre a gardé un attrait pour les effets de lumière qu’il mêle à des coups de pinceaux expressifs. On connaît surtout de lui des portraits de femmes et des natures mortes, mais beaucoup moins des intérieurs, en dehors de son atelier. On devine ici l’un des vitraux de 15 mètres de haut qui illumine le bâtiment, mais on admire surtout la chaire, parangon du baroque, réalisée en 1697 par Marc de Vos.
© Ivoire Chartres
Märklin, début XXe siècle
Le Léopold II, croiseur mécanique à éperon en tôle
Vente du 12 novembre, Ivoire, Chartres
La firme allemande Märklin est une référence incontournable dans le monde du modélisme ferroviaire. Crée en 1859 par Theodor Friedrich Wilhelm Märklin, elle commercialise d’abord des cuisines pour maisons de poupées, puis progressivement des trains mécaniques et, bien sûr, des rails. C’est elle qui imposera les standards internationaux d’écartement de voie, encore en vigueur aujourd’hui pour les trains miniatures. Ce n’est qu’à partir des années 1895-1896 que l’entreprise fabriquera des trains et bateaux électriques et à vapeur. Elle adapte alors ses modèles aux marchés qu’elle cible. Notamment pour les clients belges, avec ce navire nommé Léopold II, un croiseur mécanique en tôle peinte en rouge, bordeaux et blanc qui arbore douze tourelles, deux mâts et deux cheminées. Celui-ci a sûrement servi dans l’eau de mer, comme l’indique la rouille présente sur sa peinture d’origine.
© Christie's
Georges Seurat (1859-1891)
Les Poseuses, Ensemble (petite version), huile sur toile
Vente du 9 novembre, Christie’s, New York
Tous les superlatifs sont convoqués pour décrire ce tableau, l’une des œuvres majeures de Seurat. Provenant de l’incroyable collection de Paul Allen, elle fut la propriété de pas moins de quinze collectionneurs avant cette vente fleuve orchestrée par Christie’s. Il faut dire qu’après avoir été accrochée dans trente-et-une expositions et illustrée dans plus de cinquante ouvrages, c’est une icône de l’histoire de l’art. Pourtant, on a ici une petite version des Poseuses, actuellement dans les collections de la Fondation Barnes (Philadelphie). Il s’agit d’une version où les couleurs sont plus vives et plus dynamiques, mais le sujet et la technique sont identiques : un même modèle représenté sous trois angles différents se fond en trois grâces, référence au classicisme, mais pose devant Un dimanche à la Grande Jatte, œuvre mère du pointillisme, donc symbole du modernisme. Toute l’histoire de l’art est là, et nous ne sommes alors qu’en 1888…
© Phillips Auction
Gio Ponti (1891-1979) & Paolo De Poli (1905-1996)
Table basse, pièce unique en frêne peint, cuivre émaillé, verre et laiton
Vente du 2 novembre, Phillips, Londres
Datée de 1955, cette table basse est l’une des trois œuvres connues issues de la collaboration de Gio Ponti et de l’émailleur Paolo De Poli. Les deux autres étant une cheminée et une seconde table. Celle-ci, de forme rectangulaire, s’élève de manière profilée et dissimule ainsi l’épaisseur de la dalle de bois massif sous sa dalle de verre. Le décor du plateau ressemble aux projets de piscine conçus par Gio Ponti en tant qu’architecte, par exemple celui réalisé pour le toit du Royal Hotel à Sanremo. Les émaux bleus de De Poli tranchent avec le bois laqué blanc et produisent un effet décoratif lumineux. Le maître disait : “Je déteste les piscines rectangulaires. Les lacs et les rivières sont-ils rectangulaires ? Je veux des piscines pour nymphes, dans lesquelles on plonge du haut des arbres”. Le design, lui aussi, a sa poésie.
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