Les amateurs d’architecture connaissent la ville d’Igualada, en Catalogne espagnole, au travers de son cimetière : une entaille de 150 mètres de long, creusée dans le sol et bordée de niches funéraires. Un espace entre deux mondes, celui des vivants et celui des morts, où l’on chemine sous la surface visible du sol tout en restant dans le paysage environnant. Construit entre 1985 et 1994, cette œuvre singulière est une création de Enric Miralles et Carme Pinòs. C’est aussi à Igualada que Ramon Enrich a établi son atelier. Cet artiste catalan partage au moins deux points communs avec le duo d’architectes : une admiration pour l’artiste britannique Richard Long, maître du Land Art, et une œuvre qui fait la synthèse entre architecture et paysage.
Tiucric, de Ramon Enrich, acrylique sur toile, 2021 © DR
Entrer dans son atelier, c’est s’immerger dans un véritable « chaos d’images » : des photos d’architectures y côtoient des maquettes ou de simples formes découpées dans du carton ou du métal, façonnées dans la terre, assemblées entre elles. C’est à partir de cet étrange alphabet visuel que Ramon Enrich compose ses tableaux : des paysages déserts et mystérieux, composés de formes géométriques simples. « Mon langage s’articule toujours autour d’une vision architecturale, d’une simplicité dans la syntaxe des éléments et d’une révision de l’esprit méditerranéen, de la lumière, de la couleur, des rythmes. »
Aicnenimmi, de Ramon Enrich, acrylique sur toile, 2023
Ses tableaux sont emprunts d’une naïveté et d’une innocence qui témoignent de l’ancrage de son œuvre dans l’univers de l’enfance. Certains paysages évoquent des créations de jeux de construction qui auraient été transcrits sur la toile par un virtuose de la couleur et de l’éclairage, avec un sens profond de la mise en scène. « Mes œuvres sont habitées d’une réalité d’adulte mise en scène de manière enfantine. » poursuit l’artiste. D’où la tension perceptible dans ces paysages intemporels et nimbés de silence, mais qui semblent pourtant annoncer l’imminence d’un événement : « Je cherche à capter la seconde de luminosité qui précède une tempête, lorsque le ciel est bas et sombre, mais que le soleil peut encore réussir à percer. »
À la fois séduisant et troublant, le travail de Ramon Enrich agit comme un cheval de Troie : il nous désarme par sa simplicité et nous captive par sa capacité à susciter des émotions et des sentiments métaphysiques. Ramon Enrich est représenté par la galerie d’art contemporain Artistics.
Photo de couverture : Noe Gran de Ramon Enrich, acrylique sur toile, 2021
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