Rédaction
23 October 2017
L'oeuvre fut créée en juillet dernier au Festival de théâtre d'Avignon et c'est maintenant dans la capitale française qu'elle a entamé une carrière qui s'avére fructueuse et surprenante à plus d'un titre. Notamment parce que la pièce est coproduite par un théâtre bruxellois (la Comédie Volter) et un théâtre parisien (le Petit Montparnasse dirigé par Myriam Colombi). Une telle coproduction constitue une véritable rareté dans le paysage théâtral francophone. Ensuite, parce que les deux comédiens principaux, Michel de Warzée et Pascal Racan, sont belges, tout comme le metteur en scène, Jean-Claude Idée.
Les Belges Michel de Warzée et Pascal Racan campent respectivement Winston Churchill et le Général de Gaulle. © Droits réservés |
Une présence belge de cette importance dans un théâtre parisien crée lui-aussi un phénomène pour le moins inhabituel. En outre, la pièce aborde un sujet délicat, susceptible de susciter la controverse, surtout auprès des gaullistes les plus fervents. Le propos : lors d'une entrevue en date du 4 juin 1944, de Gaulle se plaint très amèrement auprès de Churchill de ne pas avoir été mis au courant de l'imminence du débarquement en Normandie. Le Général est profondément choqué de voir les forces françaises complètement tenues à l'écart de la plus gigantesque opération militaire de tous les temps, qui plus est, se déroulera sur la terre de France. Stupeur, incompréhension et frustration de de Gaulle. Explications, justifications et exaspération de Churchill. Le premier ministre britannique a peu de considération pour la France vaincue et collaborationniste.
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En outre, il n'apprécie guère le Général et lui rappelle sans aménité qu'il n'est qu'un chef de gouvernement autoproclamé dont la position ne tient que par la volonté et le soutien financier des anglo-américains. Il va même jusqu'à lui rappeler perfidement que toutes les autorités françaises en place le considèrent comme un officier déserteur condamné à mort. Exaspéré par les protestations et récriminations du Général, le Premier britannique le met en demeure d'accepter toutes ses injonctions sous peine d'être enfermé dans la Tour de Londres. Finalement quelques compromis seront trouvés, non pas pour complaire au Général, mais bien pour assurer une certaine stabilité au futur gouvernement de la France. En ce qui concerne la présence de troupes françaises lors du débarquement du 6 juin, Churchill restera intransigeant et seulement 177 français (sur un total de 156 000 hommes) prendront pied sur les plages normandes ce jour-là.
L'auteur affirme avoir scrupuleusement respecté la vérité historique, ce qui contribue sûrement à rendre passionnante la confrontation entre les deux hommes. Il renforce ces deux géants dans leur dimension humaine. Leur immense personnalité et leurs travers, leurs doutes et leurs convictions sont exprimés avec beaucoup de naturel, loin de toute caricature. Le talent des deux principaux comédiens n'y est pas pour peu. Pascal Racan a la stature et le phrasé de de Gaulle. Il rend émouvants les blessures et l'ancrage des certitudes de cet homme qui n'a peut-être jamais été aussi grand que dans sa solitude londonienne. Michel de Warzée campe remarquablement un Churchill colérique, sûr de lui et de ses convictions, avec ses moments d'exubérance, mais aussi d'anxiété. La mise en scène de Jean-Claude Idée s'avère aussi efficace que précise et imaginative. Après la première représentation, toute l'équipe qui a oeuvré au succès du spectacle a été reçue à souper par l'Ambassadeur de Belgique, Monsieur Vincent Mertens de Wilmars et son épouse, en leur résidence de l'Hôtel de La Marck à Paris.
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