Christophe Vachaudez
07 August 2023
Née à Bordeaux le 20 mars 1926, dans l’hôtel particulier de ses grands-parents, Élisabeth mène une vie insouciante entre Paris et la capitale de l’Aquitaine où sa famille exerce dans le négoce du vin. Pendant plus de 50 ans, elle possédera d’ailleurs le domaine de Beychevelle qui deviendra sous la houlette de Pierre-François Guestier, bisaïeul de l’intéressée, l’un des plus grands crus du médoc. Précédée par trois frères, Édouard, Philippe et Patrick, elle voit son quotidien basculer à la mort de ses parents dans un accident de voiture, en 1939. Elle n’a que 13 ans. Chaperonnée par une de ses tantes, elle fréquente les meilleures écoles mais la guerre vient vite bouleverser les habitudes.
© DR
Á 18 ans, Élisabeth monte à Paris et loge chez une autre de ses tantes. Elle y fréquente la meilleure société et se lie à Hélène de Breteuil, Charles de Ganay, Nicolas de Vilmorin ou encore Charles de Pourtalès. Les vacances se passent à Arcachon et, un jour, le destin frappe à la porte de la jeune fille. Des Belges, en panne de voiture, viennent demander de l’aide. Parmi eux, elle remarque Elie de Caraman. Les jeunes gens se reverront et après un examen de passage réussi auprès de sa belle-mère Gilonne Le Veneur de Tillières, des fiançailles et un mariage sont envisagés.
© Photo News
Le 18 décembre 1947, elle épouse donc Élie de Riquet, prince de Caraman, de Chimay et du Saint-Empire. Elle reçoit un beau bijou de la reine Amélie de Portugal, très proche des siens. Elle découvre l’arborescence compliquée de l’illustre lignée de son mari et surtout un vaisseau de pierre en bien mauvais état : le château de Chimay. Il porte encore les séquelles de l’incendie de 1935 et nécessiterait bien que l’on se retrousse les manches. Élisabeth n’attend pas trop et s’attaque à la tâche avec énergie. Les portraits des ancêtres lui permettent de mieux connaître la fameuse Madame Tallien, bordelaise d’origine comme elle et figure du Directoire, qui lui inspirera un livre bien des années plus tard. On trouve aussi Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos, qui fit construire le canal du Midi, ou encore la célèbre comtesse Greffulhe, élève de Frans Liszt et figure du tout-Paris. Quant à la tante Ghislaine, qui fut secrètement amoureuse du prince Victor Napoléon, elle officie comme dame d’honneur auprès de la reine Élisabeth. Difficile de trouver panachage plus intéressant d’autant que les archives sont toujours au château, une manne céleste pour l’insatiable Élisabeth qui y remettra un peu d’ordre.
Le château de Chimay © DR
Trois enfants naîtront : Marie-Gilone, Philippe et Alexandra. La Princesse décide bientôt de faire vivre le château en l’ouvrant au public et qui, mieux qu’elle, peut guider visiteurs et curieux, intimidés et surpris de suivre les explications de la maîtresse des lieux. Mais très vite, ils se détendent, la Princesse a le verbe haut et si elle sait être piquante, elle peut aussi amuser son auditoire. Tous sortent ravis, impressionnés, des étoiles plein la tête. Bien avant tout le monde, elle initiera un festival de musique baroque dont la renommée dépassera les frontières.
© DR
Entre 1957 et 1980, il trouvera au théâtre privé du château le plus élégant des cadres. Visiteuse assidue, la reine Fabiola se liera d’ailleurs d’amitié avec Élisabeth de Chimay et lui demandera de l’assister parfois comme dame d’honneur. Le Prince meurt en 1980 et la Princesse continue la bataille et se lance dans l’écriture, publiant La Princesse des Chimères, chez Plon, en 1993, et 17 ans plus tard, La Fin d’un siècle, chez Perrin, cumulant bien d’autres activités. Chevalier des Arts et des Lettres et Commandeur de l’Ordre national du Mérite, la princesse Élisabeth laisse un grand vide en principauté mais aussi un souvenir émerveillé aux nombreuses personnes qui ont eu la chance de la rencontrer.
Publicité