Martin Boonen
30 November 2023
Il n’en a pas l’air, mais le vin en canette, cela fait longtemps qu’il existe. Dans un papier qu’il signe pour Sabato, le critique culinaire Jan Scheidtweiler rappelle que l’on en retrouve une première trace “en 1936, année où le viticulteur californien Acampo avait fait figure de pionnier en proposant des canettes de muscatel que l’on ouvrait en perçant des trous dans le couvercle.” Par la suite, de multiples soucis techniques freinèrent sa progression jusqu’au début du XXIe siècle. Certains se souviennent encore qu’en 2004, Francis Ford Coppola lançait “Sofia Mini Blanc de Blancs” : un vin effervescent en canette à boire à la paille pour rendre hommage à sa fille, Sofia, qui venait alors de remporter l’Oscar du meilleur scénario original pour Lost in Translation. Si l’histoire confine à l’anecdote, c’est cependant à peu près à ce moment-là que les vins en canette commencent à avoir du succès… hors Europe.
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États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande… Dans les pays historiquement producteurs de vin, la culture du vin s’accompagne de toute une série de codes dont les amateurs peinent à se défaire. La question du contenant en fait partie. « Nous ne sommes pas un pays néo-consommateur comme les États-Unis. La Belgique et la France ne sont pas très matures sur le sujet, ça fonctionne donc très moyennement. N’oublions pas que le vin, ici, fait encore l’objet d’une ritualisation quasi sacrée” expliquait l’inénarrable Eric Boschman (meilleur sommelier de Belgique en 1988) dans un papier de SoSoir. Mais cela pourrait peut être changer rapidement. Selon les chercheurs de Grand View Research, le marché mondial du vin en canette devrait croître de plus de 13% par an jusqu’en 2028. Et c’est peut être génial, parce qu’en y réfléchissant bien, le vin en canette n’est pas dénué d’atouts.
© Canetta
D’abord, ils sont plus nomades que leur version en bouteille de verre : plus légers, ils ne se brisent pas. Ils sont plus durables : la production d’une canette consomme moins d’énergie que celle d’une bouteille en verre. Leur poids moindre les rend aussi énergétiquement moins onéreuses à transporter et elles sont en outre 100% recyclables.
© Canetta
L’expérience de dégustation peut, elle aussi, tirer profit de ces contenants iconoclastes. Avec une faible inertie thermique, les canettes en aluminium se refroidissent rapidement. Elles conviennent donc bien aux vins à boire frais : les blancs, les rosés et effervescents évidemment, mais certains vins rouges aussi, notamment ceux à base de merlot ou de gamay… Le pelliculage interne des canettes prévient aussi tous les risques d’oxydation et résout la question d’un éventuel goût “métallique”. Leur opacité complète et leur imperméabilité garantit une grande stabilité au vin qu’elles renferment. Isolé de l’air, ils ne bougent plus. Mais alors plus du tout. Or, toute la magie des grands vins réside dans sa lente évolution que le contact avec l’air, filtré par la porosité de l’ancestral bouchon de liège, permet. Avec les vins en canette, rien de tout cela. Exit donc l’aluminium pour les grands crus classés, de Bourgogne, de Champagne, de Bordeaux… qui s’apprécient à leur apogée qu’après des années dans une cave aux conditions de température et d’hygrométrie bien précises. Mais alors, à quels genres de vins sont destinées ces canettes ? On l’a dit, elles profitent à des vins que l’on boit frais, dans leur jeunesse et qui apprécient la stabilité absolue. Elles s’adressent aussi à un public plus attentif au goût du vin qu’à la bourgeoisie de ses codes et à l’image qu’ils renvoient. Mais ne serait-ce pas là l’exact terrain de jeu des vins nature ? Cette constatation, le tandem créatif Luca Pronzato, sommelier, et sa compagne Clara Cornet, la font avant nous en lançant Canetta : une sélection de vins nature présentés en canette.
© Canetta
© Canetta
Ce duo créatif était déjà le fondateur de We Are Ona, une agence d’événements culinaires hors du commun, alors les voir mettre du vin nature en boite leur colle assez bien à la peau. Et pour Canetta, Luca Pronzato et Clara Cornet ont fait attention à ce qu’ils faisaient en sourçant précisément des vins qui se prêtaient particulièrement à la canette. Et cela se voit immédiatement en jetant un œil attentif à la petite boîte d’aluminium au look inspiré des 70’s. Tout en restant parfaitement opaque pour le vin, elle joue au contraire la carte de la transparence avec le consommateur : origine, nature du sol, vinification et élevage, elle dit tout ! Et quand un vigneron accepte de communiquer autant son son vin, c’est qu’il a confiance en son travail. Actuellement, la gamme se compose de vins tranquilles catalans de trois couleurs : rouge (Amós Bañeres – Els Vinyerons), blanc (Laura Brousset) et orange (Francesc Boronat – Tanca Els Ulls). Ces trois vins, très différents, ont en commun la fraîcheur, la buvabilité et une digestibilité qui les rendent très très agréables à boire. Une canette équivaut à un verre et demi de vin et on se surprend à trouver ça un peu court. Pour achever de se convaincre de la qualité des vins de Canetta on peut s’en remettre à la réputation de son unique distributeur en Belgique : le bar à vin spécialiste du vin nature Titulus, qui représente déjà quelques-uns des meilleurs vins nature disponibles chez nous.
Reste alors une question qui fâche : faut-il boire le vin à même la canette ou dans un verre ? Nous vous laisserons juge, mais, comme le dit lui-même : “On ne boit pas son vin directement à la bouteille après tout.”
Photo de couverture : © Canetta
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