Rédaction
19 August 2016
Eventail.be – Pierre Millour, comment devient-on mixologiste ?
Pierre Millour - J'ai appris sur le tas et je participe à des compétitions. Ce sont les cocktails eux-mêmes qui m'intéressent, le gin, j'ai appris à le travailler au Green Lab puisque nous en avons 430 à la carte du bar. Il faut donc les connaitre.
La carte des cocktails est, elle, par contre, saisonnière. J'en élabore une nouvelle tous les trois mois, en travaillant au maximum avec des produits de saisons et si possible locaux et de régions.
Nous avons cette volonté d'essayer de nouvelles choses, d'utiliser des ingrédients inhabituels. Pour l'été : des pêches de vignes, du melon ... et pour l'hiver, c'est surtout de la châtaigne, puisqu'il n'y a que ça (rire). Le printemps et l'été, c'est quand même vachement plus marrant pour les cocktails. On essaie par exemple de ne pas proposer de cocktails à base de fraises en hiver, ou d'aller chercher nos bananes aux Zimbabwé.
- Même si vous en avez plus de 400, ce n'est pas un peu répétitif de ne travailler que le gin ?
- On ne travaille pas que le gin, même si ce n'est pas notre spécialité. On a la chance d'avoir une quarantaine de whiskies et une douzaine de rhums. C'est plus que la majorité des bars à Bruxelles.
Les patrons du Green Lab font vraiment confiance au staff : si on a une demande particulière, ils nous suivent. Du coup, nous avons une vraie liberté pour innover.
- Y a-t-il un alcool qui se prête mieux aux cocktails ?
- Pas particulièrement. Le cocktail classique contient une base acide, une base sucrée, et une base alcooleuse. À partir de cette architecture, tout est possible, avec tous les alcools à plus de 40°.
Les cocktails les plus célèbres, Daïquiri, Whisky Sour, Gin Fizz ... sont en fait construits de la même façon : 5cl d'alcool, 2cl d'agent acidifiant (souvent du jus de citron), et 2cl de sucre.
Quand on prend du gin, ça fait un Gin Fizz, avec du whisky, du Whisky Sour, et avec du rhum, un Daïquiri. Il n'y a finalement que le type d'alcool qui les différencie.
C'est pour ça que je propose, par exemple, un Calvados Sour, sur la même architecture que ces grands classiques, mais avec du calvados. Ca marche vraiment bien.
430 gins au Green Lab, où officie Pierre Millour, mais pas uniquement ! |
- Donc, ce n'est qu'un aménagement de cocktails existants. Y a-t-il encore moyen d'innover vraiment ?
- On peut tout imaginer. S'il faut un agent acidifiant, on n'est pas obligé de sa cantonner à du jus de citron. Tout peut servir, tant que c'est acide. Nous avons, par exemple, imaginé un cocktail avec du vinaigre balsamique pour agent acidifiant. Pour le sucre, on peut utiliser un sirop de grenade (que je fais moi-même), ou un sirop de kriek. Tout est possible. Il y a maintenant des mixologistes qui utilisent des oignons ! Ca devient très intéressant.
- L'univers du cocktail bouge donc !
- À Bruxelles, il y a une vraie scène cocktail qui émerge, portée par des mixologistes créatifs et motivés.
Je pense que les cocktails redeviennent attractifs parce que la société évolue. Les gens veulent boire plus qualitativement, ils s'intéressent plus à ce qu'il y a dans leur verre.
Auparavant, le cocktail, c'était un marché de niche. On les trouvait surtout dans les bars d'hôtel de luxe. C'était quelque chose de chic et de très confidentiel.
Dorénavant, le monde du cocktail s'ouvre beaucoup et les clients sont très intéressés. Cela nous pousse à faire des choses intéressantes.
- Et donc, quel cocktail voulez-vous nous présenter ?
- Peut-être l'une de mes créations. le Sea Fizz. Il s'agit d'une variante du Gin Fizz que j'ai élaborée avec de la sauce soja et un gin espagnol très salin : le Gin Sea, un London Dry Gin qui a la particularité d'être distillé en Espagne. J'y mets aussi un tonic très herbal, au gout botanique. Du coup, le gout est assez prononcé, au contraire du Gin Fizz, plutôt doux. Le Sea Fizz est un cocktail de caractère !
Le Gin Sea, ce London Dry Gin distillé en Espagne qui a inspiré Pierre Millour pour son Sea Fizz © Droits réservés |
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