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Martin Boonen

20 June 2024

Eventail.be – Après la boucherie, les ateliers… était-ce l’étape suivante naturelle d’ouvrir un restaurant ?
Hendrik Dierendonk –
Non, absolument pas. Je m’étais même promis de ne jamais ouvrir un restaurant. L’idée a fait son chemin petit à petit. Nous avions un espace libre à côté de la boucherie que nous avons d’abord transformé en lieu de dégustation. En tant que bouchers, nous étions fiers de nos produits et nous désirions les faire goûter, les présenter comme nous le voulions. Et puis nous nous sommes pris au jeu et la formule a évolué jusqu’à l’ouverture du premier Carcasse, chez nous, à Coxyde.

© Amber Vanbossel/Alice Bown Agency

© Dierendonck

– Quelle philosophie se cache derrière Carcasse ?
Notre identité est maintenant claire : cuisiner les meilleures préparations de boucherie de façon à mettre la viande, son terroir, notre savoir-faire, bref : son goût, à l’honneur. C’est pourquoi nous ne proposons pas de frites ou de sauces en accompagnement, mais des bons légumes, à la préparation fine et minutieuse. Ils relèvent la viande, sans lui faire concurrence. Carcasse est tout sauf un steakhouse. Nous voulons aller beaucoup plus loin. Notamment en essayant de casser les préjugés sur certains morceaux ou certaines pièces que l’on consomme moins depuis quelques années, comme la cervelle par exemple. Nous sommes très attachés à notre crédo : cuisiner un animal “from nose to tail” (du nez à la queue, donc l’animal dans son entièreté, pour limiter un maximum le gaspillage alimentaire, ndlr). Il y a sans doute un petit côté pédagogique dans notre démarche. Mais pour autant, nous n’oublions jamais de rester convivial ! Il faut repenser notre façon de consommer la viande, oui, sans aucun doute, mais il ne faut pas tomber dans le travers inverse en intellectualisant la dégustation. Nos clients viennent chez nous surtout pour se faire plaisir et passer un bon moment, pas pour militer.

© Amber Vanbossel/Alice Bown Agency

© Amber Vanbossel/Alice Bown Agency

– Boucher, cuisinier… ces deux métiers se ressemblent-ils ?
Pas vraiment. Mais ils sont complémentaires. Je suis boucher, pas cuisinier. Je sais préparer la viande, mais je laisse le soin à d’autres de la cuisiner. Cependant, je pense que le dialogue entre l’un et l’autre est très riche. C’est l’une des forces, l’un des moteurs de la proposition culinaire de Carcasse. J’ai toujours travaillé avec des jeunes cuisiniers en leur laissant une grande liberté. Timon (Michiels, le chef des deux restaurants Carcasse) est très jeune, il n’a que 27 ans, mais ensemble, nous partageons une même vision pour Carcasse.

© Amber Vanbossel/Alice Bown Agency

– Vous avez réussi l’exploit, en ces temps de végétarisme et de véganisme, de décrocher une étoile avec un restaurant mettant à l’honneur la viande ! Vous vous y attendiez ?
Je ne pensais déjà pas ouvrir un restaurant, alors, décrocher une étoile, vous pensez (rires) ! Nous en sommes très heureux et très fiers, mais cela peut être aussi un cadeau empoisonné. Cela génère son lot de stress. Nous sommes intransigeant sur l’origine de nos produits, carnés, bien sûr, mais aussi végétaux. Tout doit être cohérent. Ces produits, nous ne le surtravaillons pas. Pas question de les dénaturer, de les altérer ou d’en masquer le goût. Le cœur de notre travail, c’est faire découvrir le goût intrinsèque de nos produits. Je pense que c’est cette exigence et la réflexion sur la place du produit dans l’assiette qui nous vaut cette reconnaissance du guide rouge.

© Dierendonck

© Dierendonck

– C’est donc votre approche qui fait la différence ?
Notre approche nous rapproche de l’univers du vin. Quand on déguste un bon vin, pour bien comprendre ce que l’on a en bouche, on s’intéresse au(x) cépage(s) qui le compose(nt), bien sûr, mais aussi au terroir dans lequel les raisins ont été élevé, puis à la façon dont le vigneron les a vinifié. Dans notre domaine, c’est la même chose. Telle race bovine, avec ses qualités propres, élevée à tel endroit, dans tel terroir, puis découpée, préparée, maturée ou pas, de telle ou telle façon, sans parler dans la façon de la cuisiner… tout cela influence le goût. Nous aimerions que nos clients prennent conscience de cette richesse. Nous sommes conscients, bien sûr, que, pour d’évidentes raisons environnementales, de santé publique, ou même de bien-être animal, il faut nécessairement réduire notre consommation de viande. Ou en tout cas, raisonner cette consommation. Et la raison ne viendra que de la compréhension de ce que c’est qu’une viande de qualité, et du coût qu’elle représente. Nous avons une responsabilité en tant que boucher dans cette compréhension de notre métier de la part du grand public. C’est indispensable pour que nous puissions continuer à exercer. Je pense néanmoins que la viande, en tout cas la viande de qualité, va devenir un produit de luxe. La qualité à un coût, et si je le regrette, je ne peux rien y faire. Et d’ailleurs, ce n’est pas l’apanage de la viande : quand on voit le prix au kilo de certaines tomates s’envoler par exemple, on se dit que les meilleurs légumes du marché deviennent eux-aussi luxueux. Mais, d’un autre côté, je constate que les plus mauvais produits alimentaires qui soient, ultra-transformés, dénaturés, trop sucrés, ou trop salés, sont aussi ceux qui sont conçus pour être mangés à l’excès ! Ce qui a un coût aussi, pour le portefeuille, mais également pour la santé !

© Dierendonck

– Comme faut-il manger à notre époque alors ?
Je ne suis pas là pour faire la morale à qui que ce soit ou pour dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire, mais j’ai la conviction que, peu importe ce que l’on mange : carné, pescé, végétarien ou végan, l’important, c’est de vérifier la qualité des produits que l’on consomme. Manger végétarien mais avec seulement des plats industriels transformés, n’est bon ni pour la santé, ni pour l’environnement. Mon crédo à moi : veiller à manger équilibré, des produits simples mais de grande qualité dont l’origine et les méthodes d’élevage et de culture sont rigoureusement connues et durables. Et ce n’est pas incompatible avec l’idée de se faire plaisir, au contraire.

Hendrik Dierendonck et le chef de Carcasse, Timon Michiels © Amber Vanbossel/Alice Bown Agency

– Comment avez-vous rencontré le chef Timon Michiels ?
Figurez-vous que Timon est client chez nous depuis sa petite enfance. Il faisait partie de ceux qui, lorsqu’ils accompagnaient leurs parents, repartaient avec un petit morceau de saucisson de jambon offert par la maison (rires). Il a ensuite fait l’école hôtelière et travaillé dans de belles maisons (Le Fox**, à la Panne, Benoit & Bernard Dewitte*, à Zingem, Tickets El Barri*, chez Ferran et Albert Adrià, à Barcelone, au Louis XV***, chez Alain Ducasse, à Monaco, au Hof Van Cleve***, chez Peter Goossens, à Kruishoutem, et puis à l’ambassade de Belgique aux États-Unis). Une place de chef s’est libérée chez nous, et comme il connaissait déjà bien la maison et notre état d’esprit, notre rapprochement s’est fait naturellement. C’est un jeune chef, ambitieux, et surtout, et c’est ce qui m’a beaucoup plu : il est très curieux ! Et ça, en cuisine, c’est formidable.

La salle de Carcasse, à Saint-Idesbald © Carcasse

– Le prestigieux classement “World’s 101 Best Steak Restaurant” vous a placé sur la carte des meilleurs restaurants de viande au monde. Comment vivez-vous cet honneur ?
J’ai toujours eu peur des prix ! On a peut-être parfois plus à perdre qu’à gagner. Nous avons été 4e mondial et meilleur steak européen deux années de suite. Cette année, nous sommes 5e… on pourrait être déçu de perdre une place, mais quand on regarde ceux qui nous précèdent dans le classement, ils viennent de Sydney, Buenos Aires, New-York… Cette reconnaissance est réjouissante et amène à Saint-Idesbald des amateurs de viande du monde entier ! C’est extraordinaire quand même.

© Dierendonck

© Dierendonck

– Le choix de Knokke pour ouvrir un second Carcasse s’est imposé naturellement ?
Quand j’ai ouvert notre atelier à Bruxelles, je voulais montrer à tout le monde que le petit boucher de Saint-Idesbald avait l’ambition et les moyens de proposer quelque chose d’excellent ! C’est un peu le même sentiment qui m’anime à quelques jour de l’ouverture à Knokke. Et puis, je suis un homme de la mer du Nord. Je suis amoureux de notre côte et je suis heureux d’y renforcer notre présence. Le restaurant à Knokke est un peu plus grand que celui de Saint-Idesbald, et il y a un petit comptoir à emporter. La carte, au moins au début, sera la même. Les deux restaurants auront chacun un chef exécutif qui travailleront sous les ordres de Timon qui, lui, passera d’un restaurant à un autre.

Photo de couverture : © Alice Bown Agency

Nature & Jardin

Informations supplémentaires

Restaurant

Carcasse

Adresse

Saint-Idesbald :
Avenue Henri Christiaen, 5
8670 Coxyde

Knokke (ouverture le 27 juin) :
Oosthoekplein, 1
8300 Knokke-Heist

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