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Miranda, l'autre cuisine italienne

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Martin Boonen

10 January 2025

Vous pensiez avoir fait le tour de la cuisine italienne ? Allez voir ce qui se passe chez la fratrie Miranda, au Châtelain, à Bruxelles. Alessandro, en cuisine, et Maria, en salle, y proposent le meilleur de leur cuisine régionale, la Basilicate, en sourçant soigneusement des produits inconnus chez nous, et devenus rares même en Italie. Oubliez tout ce que vous savez de la cuisine transalpine, chez Miranda, vous allez découvrir quelque chose de nouveau et de pourtant rigoureusement authentique.

Depuis une quinzaine d’années, l’offre de cuisine italienne à Bruxelles a explosé. On y trouve désormais de tout : du restaurant étoilé à l’osteria familiale, du bar à pizza napolitaine à la mode à la généreuse et antique trattoria, et puis de la burrata presque partout. Et dans toute cette formidable et enthousiasmante profusion qui fleure bon la tomate, le basilic et l’huile d’olive, Miranda réussit malgré tout un petit exploit : proposer une cuisine italienne vraiment différente de tous les autres établissements plus ou moins ritals de la capitale.

© Miranda/DR

Une cuisine pauvre ?

Longtemps, on a collé à Miranda l’étiquette de la cucina povera, la “cuisine pauvre”, que l’on retrouve dans le sud de la Botte, notamment dans la région de la Basilicate d’où sont issus Alessandro et Maria Miranda, le duo frère-soeur qui dirige le restaurant qui porte leur nom. Mais ce label qui devait être un moyen de se différencier a finalement joué en la défaveur du binôme. Le public a cru voir derrière cette dénomination une cuisine simple, basique et peu coûteuse, plutôt que la déclinaison soignée et bistronomique d’une cuisine ancestrale et traditionnelle, agricole ou rurale, presque rustique, qui a en horreur le gaspillage alimentaire, qui est faite des produits de saison régionaux rares, parfaitement préparés et réinventé par la maestria d’un chef aussi créatif qu’érudit de la cuisine de son pays. Parce que c’est vraiment ça, la cuisine de Miranda.

Alessandro et Maria Miranda © Equinox Light Photo

Pourtant, en entrant dans la salle du restaurant, les surpris avaient eu quelques indices sur la vraie nature de Miranda : la décoration est étudiée, design, épurée et colorée. Les hauts plafonds font apparaître des moulures qui mériteraient d’être mises en valeur.

© Equinox Light Photo

© Equinox Light Photo

À peine installé, Maria vous apporte, en lieu et place du pain, une focaccia maison au levain, et avec elle, jusqu’au fond d’un Chatelain plongé dans l’obscurité hivernale, toute la chaleur de sa région d’origine., C’était le deuxième indice du soin apporté par les Miranda, frère et soeur, à leurs préparations. Les mises en bouche consistent en une petite boulettes frites faites des chutes de la focaccia précitée. Le souci de la récupération, pour éviter le gaspillage alimentaire, est un marqueur de la cucina povera autant que le stigmate d’un bon sens paysan évident et une obsession personnelle de Maria. Ferme, mais moelleuse, leur consistance se rapproche de celle d’une boulette de viande. Avant d’avoir réalisé vraiment ce que nous dégustions, la coupelle sur laquelle elles reposaient était déjà vide.

La focaccia au levain maison de Miranda © Equinox Light Photo

Riche en diversité !

En antipasti, le chef propose ce soir là un tartare de cerf, bagna cauda, figues, chou noir mariné et une parmigiana aux aubergines rouges de Rotonda, pesto aux herbes aromatiques. Le tartare est très délicat, la viande a une mâche soyeuse, le chou apporte une pointe d’acidité contrebalancée par le côté crémeux et onctueux de la sauce. Maria nous propose de l’accompagner avec un verre de Macerato de Vigneti Repetto, un vin orange du Piémont (d’où est originaire la bagna cauda). Un pari audacieux que cette association avec du gibier mais, comme Maria connait la cuisine de son frère et ses vins, il est relevé avec brio.

La parmigiana aux aubergines rouges de Rotonda, pesto aux herbes aromatiques © Equinox Light Photo

La parmigiana, dans son camaïeu de rouge, est belle comme un tableau d’art contemporain. On dirait du Jackson Pollock. Nous dégustons ce soir-là (le 3 décembre) les toutes dernières aubergines rouges de la saison avant qu’elles ne disparaissent d’une carte qui ne sacrifie rien à son exigence de saisonnalité. L’aubergine rouge de Rotonda est une variété d’aubergine étonnante. Originaire de Libye et d’Éthiopie, elle est arrivée en Italie à la faveur des échanges entre la Botte et ses colonies africaines.

Les fameuses aubergines rouges © Equinox Light Photo

Oubliée jusque dans son pays d’adoption, il devient difficile de la trouver même en Italie. En voir à la carte de Miranda illustre bien le souci qu’ont Alessandro et Marie de s’éduquer au patrimoine culturel et à l’histoire de leur cuisine nationale ainsi que leurs efforts pour sourcer les meilleurs produits qui soient.

© Equinox Light Photo

En primi ce soir-là, nous avons le choix entre, des strascinati faits maison, fondue au fromage caciocavallo, poivrons séchés de Senise, citron d’Amalfi, et des cavatelli faits maison, ragoût de gibier, béchamel à la farine mischiglio au four . Les cavatelli al forno sont des pâtes typiques de la Basilicate, la région d’origine d’Alessandro et Maria. C’est l’une des formes de pâtes les plus anciennes connues, surnommée “pâte traînée” en raison du geste effectué pour les façonner : elles sont creusées en les traînant avec un ou plusieurs doigts sur une planche à pâtisserie farinée. Le terme mischiglio indique que la pâte est composée de plusieurs types de farines. On y ajoute souvent de l’orge et des farines de légumineuses au mélange classique de semoule de blé dur. Le passage au four permet à la pâte d’avoir cette tenue si particulière et au fromage de légèrement gratiner ce qui apporte une texture supplémentaire à un plat décidément très savoureux.

© Miranda/DR

Les cavatelli sont, eux, originaires des Pouilles, dans le talon de l’Italie. C’est une région voisine de la Basilicate. Ils sont associés à des poivrons séchés de Senise, un autre produit emblématique de la région d’Alessandro et Maria. Leur peau très fine permet d’accélérer le temps de séchage : une vingtaine de jours suffisent pour éliminer toute l’eau qu’ils contiennent. Ils deviennent alors croustillants, presque cassants. L’odeur et leur saveur sont vraiment uniques. Quant au caciocavallo, c’est un fromage à pâte filée et donc un cousin de la mozzarella. Il provient de lait entier de vaches podolica, une race élevée en pleine nature, presque comme des moutons, dans les régions de la Basilicate, de Calabre, de la Campanie, de Molise et des Pouilles. Peu salé, il a un goût subtil qui permet, dans la recette d’Alessandro Miranda, de ne pas étouffer les saveurs des peperoni cruschi di Senise dont nous venons de parler. Le tout est élégamment relevé d’une pointe de citron pour équilibrer l’ensemble.

Les poivrons séchés de Senise © DR/Shutterstock.com

Le secundo est consiste en une échine de porc braisée, champignons et chicorée sautée. Voir de la chicorée, plante bien connue dans nos régions, dans une préparation italienne peut surprendre de prime abord. En allant dîner chez Miranda, vous apprendrez que la chicorée sauvage catalogne puntarelle di galatina vient bien d’Italie. Cette variété fait d’ailleurs bien plus penser à l’asperge qu’à son lointain cousin le chicon, bien de chez nous, lui. L’échine de porc se mange à la petite cuillère tellement elle est fondante. Sa caramélisation fait apparaître des notes de noisettes et de caramel qui viennent parfaitement compléter le côté végétal de la chicorée.

© Miranda/DR

Le dolce arrive sous la forme d’un strudel aux pommes et coing, sabayon au vin chaud, qui nous ramène dans le Nord du pays. D’un réconfort absolu, il convoque toutes les saveurs de fin d’année. Maria, pour l’accompagner, dégaine l’une de ses trouvailles étonnantes et rarissimes : la Xyauyù, une bière de la brasserie artisanale italienne Baladin vieillie en fût. L’accord, sur les noix et les fruits secs, avec un petit côté oxydatif, est impérial.

© Luc Viatour

© Luc Viatour

En quittant Alessandro et Maria, non sans avoir traîné un peu autour d’un dernier verre d’une liqueur de fenouil maison dont la fraîcheur n’était pas sans rappeler celle de la Chartreuse, nous éprouvions le sentiment très heureux d’avoir découvert une facette de la cuisine italienne que nous ne connaissions pas encore, loins des poncifs ou des concepts à la mode. La cuisine d’Alessandro Miranda réussit le tour de force d’être effectivement très italienne, presque rigoureusement italienne (dans l’origine des produits, leurs saisonnalité, les techniques employées) pourrait-on dire, mais de ne ressembler à rien de ce que à quoi on a tendance à la réduire. Revisitée de manière bistronomique, elle fait honneur aux traditions de sa région et offre à ses invités un voyage dans une Italie culinaire méconnue qu’ils ne sont pas prêts d’oublier.

Photo de couverture : © Equinox Light Photo

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Informations supplémentaires

Retaurant

Miranda

Adresse

Rue du Page, 38
1050 Ixelles

Réservations

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