C’est le règne du panoramique, du décor aux teintes dégradées jusqu’à l’évocation d’un paysage réduit à ses lignes essentielles. Le panoramique se décline aussi en imagerie concrète, offrant une nature luxuriante et exaltée, retravaillée avec une sensibilité artistique et une palette chatoyante. Dans les scènes chimériques, on fait la rencontre de créatures fantastiques, croisant l’oiseau et le dragon. Parfois, le regard du créateur se focalise sur une structure, un détail, comme le plumage d’un volatile, point de départ de la recherche d’un tissage innovant. Terre, feuillages, mer et nuages… les éléments sont omniprésents, repoussant les murs pour offrir, à la vue et à l’esprit, une véritable envolée. Le voyage commence en Extrême-Orient et se termine en Afrique du Nord, les deux contrées les plus plébiscitées.

Tissages d’émotion

L’étoffe se lit comme une partition, transcription tissée de rythmes orientant les diagonales d’un motif, les nuances de couleurs, les trames et les chaînes, les rayures et les carreaux, avec des sections plus ou moins larges. Les dessins géométriques se font écritures et compositions. Les tissus panoramiques, issus d’œuvres initialement éditées en papier peint, se déploient en impressions textiles grande largeur, sur des panneaux à tendre ou à draper, en 3 mètres de hauteur. Les décors sont imprimées sur différentes toiles de lin et de coton, à la contexture variée, pour jouer du tombé et de la transparence : paysage idyllique du Midi de la France, lever ou coucher du soleil, ombres et lumières des pins parasols ou des agaves, scène exotique peuplée de papillons, d’oiseaux colorés et de flamants roses, ligne de montagnes retravaillées à l’encre de Chine, composition inspirée d’une tapisserie d’Aubusson, façon verdure, projetant le spectateur dans un sous-bois à la lisière d’une forêt… tandis qu’au loin, on devine un château sur un promontoire. Ou geste fort faisant exploser les couleurs et les textures… Lorsque les rideaux se ferment, une belle histoire commence !

Décor résolument arty

De l’état contemplatif de la couleur bleu outremer synthétique, signé Yves Klein, à la vision d’un lac de montagne dans lequel se reflètent des sapins avec effet de légère brume, suggérée par l’utilisation de l’aquarelle, la pure sensibilité à la peinture exalte nos murs et devient un panoramique en quatre lés, reproduisant le résultat d’une performance. Les techniques de lavis ou d’encres colorées reproduisent des morceaux de nature onirique, sublimés par une touche d’essence asiatique. Les effets de matières spectaculaires ou réalisés à partir de fibres naturelles traduisent le mystère de la forêt dense, la magie de la soie chatoyante. Les dessins voyagent dans le désert du Sahara, représenté sous toutes ses facettes, de l’éclaboussure du soleil au zénith à l’étincelant ciel étoilé. Les textures de liège, de bois, de corde, de sisal, de raphia sont travaillées avec des savoir-faire artisanaux, comme des matériaux précieux. Les papiers peints se fabriquent aussi à la feuille, en domino, en référence à l’histoire du papier peint, pour être encore plus précis dans l’interprétation de la matière vivante. Ils s’inspirent de la tradition ancestrale nippone de teinture du shibori. Matières froissées vibrantes, repliées et ligotées, les couleurs se diluent et prennent vie dans la fragilité apparente du papier. Ces créations manuelles sont reproduites numériquement pour conserver les traces de l’agilité de la main et son imperfection bavarde, composant ainsi un décor aux nuances uniques.

Éclosion de motifs géométriques

Les dessins puisent leurs racines dans les années 1920 et l’Art déco, le modernisme, voire plus tôt, dès l’éclosion de l’abstraction, en s’emparant de formes symboliques d’une grande richesse et d’une grande liberté d’interprétation. Les rythmes et les aplats de couleurs suscitent des émotions ou favorisent la méditation. Le rêve devient cubiste. Les jeux de formes et de contreformes XXL, imbriquées les unes dans les autres, se déclinent dans des harmonies subtiles de couleurs. Un traité façon peinture à la chaux enrichit le minimalisme des dessins. La rigueur des formes géométriques est parfois contrebalancée par des lignes irrégulières, des effets de gouache et d’aquarelle laissant des traces caractéristiques. La palette des tons doux (terracotta, ocre, gris taupe, jaune paille, vert tilleul, rose poudré…) s’associe à des inspirations marocaines, berceau de l’artisanat, avec des motifs rappelant les zelliges, mais aussi le Bauhaus ou le style Memphis. L’architecture est évoquée avec des esquisses de gratte-ciel américains, de New York à Miami, et des effets d’arches épurées. Les motifs façonnent des puzzles et des jeux de lignes verticales et horizontales flirtant avec des courbes dynamiques, des traits plus ou moins épais, dessinés à la mine de plomb. D’autres formes géométriques sont convoquées, comme les hexagones ou les losanges qui rappellent le tangram, puzzle chinois pour créer des formes à partir de sept pièces composant originellement un carré. Les treillis en 3D poussent vers une évocation des œuvres de Vasarely adoucie par des dégradés de couleurs très proches. L’inspiration années 1960-1970 est toujours présente en version pastel avec teintes en camaïeux.

Retour à l’illustration

Les motifs issus du patrimoine de chaque maison d’édition forment toujours un riche répertoire de sources. Ils sont réédités soit à l’identique, soit à une échelle différente, soit encore en isolant une partie du dessin, parfois associés à d’autres créations, des coloriages plus actuels, d’autres techniques réinterprétant les codes des héritages comme autant de valeurs transgénérationnelles. Fleurs hypnotiques et imaginaires, jardins classiques ou exotiques, arabesques et autres figures de style, petites bêtes d’un bestiaire enchanté : la fin du XVIII^e siècle est particulièrement à l’honneur. Avec leurs airs faussement classiques, ces décors donnent une seconde jeunesse à des motifs oubliés qui font la richesse ornementale d’aujourd’hui.

En couverture : Scène mythique magnifiée sur fond de velours, papier peint ‘Zerzura’, collection Kharga chez Arte © Arte International