Agnès Zamboni
16 March 2022
Vue de l'entrée de la villa. © STEPHAN JULIARD
“Les propriétaires ont décidé de nous confier le projet de rénovation de leur habitation, suite à la visite de notre propre maison, située dans le Brabant wallon”, raconte Olivier Lempereur qui a piloté cette ambitieuse restauration. Sa complicité avec les clients, pour lesquels il a esquissé des propositions à leur image, a favorisé la réussite du programme, fruit du dialogue instauré pour que les propriétaires s’approprient aisément les idées avancées par le couple professionnel.
La villa, construite probablement à la fin des années 1960 par l’architecte Marc Corbiau et aménagée avec le concours de sa collègue Claire Bataille, réclamait une sévère requalification. La mission d’Olivier et Hélène reposait sur le challenge de conserver le dessin extérieur, élégant et sobre, de la construction avec son toit de chaume, mais de transformer l’intérieur pour l’adapter au confort actuel, avec les normes techniques en vigueur. L’espace de 800 m² devait aussi répondre aux besoins de tous les membres d’une grande famille sur trois générations, et de leurs amis, de façon à les accueillir, tout au long de l’année, à des périodes différentes. “Au souhait de profiter d’une maison de famille, pour tous les âges, avec des matériaux peu fragiles, s’ajoutait le désir qu’elle bénéficie d’éléments d’exception, des effets waouh, qui la rendent unique”, précise Hélène.
Dans l’entrée, chaise en béton, Linde Freya Tangelder. © STEPHAN JULIARD
À l’intérieur, les volumes existants ont été fortement décloisonnés pour recomposer deux niveaux principaux d’habitation. L’espace de vie du premier, retravaillé en connection avec l’extérieur, a été redécoupé en plusieurs zones, reliées entre elles par une communication fluide. L’entrée, située sur l’arrière de la maison, elle-même localisée dans une impasse, a été sublimée façon coup de théâtre. Parquet et boiseries en chêne brossé, siège sculptural en béton de Linde Freya Tangelder du collectif Destroyers/Builders (modèle Bolder chair II) faisant référence à l’architecture brutaliste des stations balnéaires, et tableau monochrome jaune soleil, le décor est planté !
Tables basses Tobi-Ishi, création d’Edward Barber et Jay Osgerby chez B&B Italia. © STEPHAN JULIARD
Îlot rétro-éclairable en Corian® et tabourets hauts, modèle Laia, création Jean-Louis Iratzoki chez Alki. © STEPHAN JULIARD
La configuration particulière du hall cache les espaces qu’il dessert, tout en dévoilant des angles particulièrement attractifs pour susciter la curiosité des visiteurs. Ce volume distribue les pièces principales : d’un côté, le triple espace cuisine (espace de préparation traité comme un laboratoire culinaire, salle à manger de tous les jours et bar avec îlot, travaillés en espaces indépendants) et, de l’autre, le salon s’ouvrant sur la salle à manger, réservée aux invités et donnant sur la piscine. À ce niveau, l’espace est complété par un salon télé structuré par un canapé d’angle en velours de coton (Dedar) au bleu abyssal, et par une bibliothèque en acier. “C’est le seul témoignage de mobilier intégré, dessiné autrefois par Claire Bataille. Nous avons traité le fond des étagères en laque bleue pour l’associer à notre choix d’harmonie de couleurs”, précisent Hélène et Olivier. Quant à l’effet waouh, il se focalise dans le vaste salon attenant, séparé de la salle à manger par des cloisons intégrant une cave à vins. Derrière les vitres translucides de ses armoires qui conservent et protègent les meilleurs crus, les couleurs des nectars nous entraînent vers les profondeurs insondables des fonds marins.
Sur la console, céramiques de Marit Kathriner. Au centre de la table, sculpture Vestige III de Baptiste Sévin et Jaïna Ennequin, galerie Fracas à Bruxelles. © STEPHAN JULIARD
La salle à manger fusionne avec l’extérieur. © STEPHAN JULIARD
Et l’effet waouh se poursuit en découvrant la salle à manger, dédiée aux invités, sous son plafond recouvert d’un puzzle géant de dalles en polymiroir, où se reflète la surface ondoyante de la piscine. Son dessin répond aux revêtements muraux en nubuck et marqueterie de paille, travaillés dans un esprit similaire de composition géométrique, et composant un écrin pour cette pièce vraiment atypique. L’intérêt de ces matériaux, outre le contraste fort qu’ils apportent dans leur association insolite, n’est pas uniquement esthétique. Ils participent aussi à l’isolation acoustique de la pièce, accueillant une table sur un piètement en acier teinté noir. Dessinée par Olivier Lempereur, elle peut accueillir jusqu’à quatorze personnes, autour de son plateau rond en Corian®. Ce n’est pas la seule pièce de mobilier imaginée sur mesure par Olivier, qui a également dessiné une console minimaliste fabriquée à partir d’une fine lame de métal plié et laqué, dotée de tiroirs en noyer.
Même conception épurée pour les tables basses du grand salon où le canapé à hauteur d’assise basse (modèle Extrasoft de Living Divani) ne coupe pas la vue à 360° sur l’extérieur ; même esprit dépouillé d’artifices pour le canapé du salon télé et subtile réinterprétation de l’idée d’un coffret dans la conception des tables de chevet dans la suite parentale… aménagée au second niveau. À cet étage, l’espace a été scindé en deux pour créer le domaine des enfants, avec un dortoir pour quatre personnes à la façon des couchettes d’un bateau, et celui des adultes, avec une chambre parentale et deux salles de bain séparées par un dressing. Deux autres suites pour les invités, accompagnées de leurs salles de bain respectives, ont été aménagées à ce niveau, tandis qu’une troisième chambre d’ami, donnant sur un patio, a été installée, au niveau inférieur, dans la partie en angle de la maison. Les salles de bain des propriétaires ont été conçues selon leurs désirs : pour madame, un espace féminin déclinant la gamme des blancs avec une baignoire sur estrade offrant une vue sur le jardin ; pour monsieur, une atmosphère masculine jouant sur une palette de bruns chauds, avec une douche lovée dans un écrin de béton lissé à la main (réalisation de L’Ocrier).
Luminaire graphique chez Kreon. Photo de Guillaume Roemaet, représentant la chanteuse Grace Jones vue de dos. © STEPHAN JULIARD
Partout l’éclairage a été particulièrement soigné. Les luminaires dessinent des lignes verticales et horizontales qui participent à la géométrie de l’architecture. “Nous avons travaillé à partir d’éléments industriels (marque Kreon) recomposés et organisés de façon personnalisée pour s’adapter à l’espace.”
Autre singularité de l’architecture intérieure, Hélène met en scène des matières très tactiles qui, comme les espaces reconfigurés, usent de la force de l’illusion et jouent avec les ressentis et les émotions. Matières aux finitions subtiles des grands tapis en lin ou soie, aspect seconde peau du béton lissé ou grain du cuir des têtes de lit, textures retravaillées dans des camaïeux de teintes dégradées et des effets ton sur ton, recherche de la lumière et de l’opalescence… Ici, les matériaux ont toujours la parole.
Dans l’écrin du parc historique, un ponton surplombe les bassins aux nymphéas. © STEPHAN JULIARD
Quant au jardin, dessiné à l’origine par Jacques Wirtz, il a été retravaillé par le paysagiste Dominique Eeman qui a mis en valeur la générosité du parc de 40 ares, une surface rarissime dans cette région. À l’extérieur, la nouvelle piscine, façon double couloir, qui peut accueillir deux nageurs, étire son bassin de 40 mètres de long et s’associe aux bassins à nénuphars existants, repensés de façon épurée et surmontés d’un ponton permettant de contourner la maison et d’accéder à la terrasse : une véritable pièce à vivre aménagée dans la continuité du salon aux baies vitrées, souvent ouvertes, en version grand angle !
En couverture : Les lignes de la villa de 800 m2 ont été mises en valeur par de larges ouvertures. Le toit de chaume a été percé de fenêtres. © STEPHAN JULIARD
Architecture d'intérieure
Olivier Lempereur
www.olivierlempereurinteriors.com
Stylisme & décoration
Hélène Guillon Lempereur
www.imperatricedesign.com
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