Sarah Belmont
30 March 2022
Vue du château depuis les jardins. © JC COUTAND
Il était une fois, en Touraine, un domaine édifié au XIIIe siècle par les Beauvau, famille proche des rois de France. Jeanne d’Arc y passe quérir des chevaux avec ses compagnons, en 1429, dans des écuries datant, elles, de la Renaissance. Classé monument historique, ledit bâtiment revêt la forme d’un L, évoquant désormais le nom de Laigneau. Patricia et Éric, de leurs prénoms, couple de choc qui depuis 1992 œuvre à redonner corps et vie à l’ensemble du site.
Le Dernier Souper de Corine Borgnet, subtile allusion au dernier repas du Christ, se compose d’une vaisselle en jesmonite (résine calcaire) et d’un bestiaire en os de volaille. Appétissant ! © CHATEAU DU RIVAU
Ce travail de réhabilitation passe par une généreuse programmation artistique. Chaque année, le château accueille, au sein de ses collections permanentes, un parcours thématique. Ainsi, le portrait de René-François de Beauvau du Rivau par Hyacinthe Rigaud (1659-1743) dialogue-t-il en ce moment avec des œuvres d’art contemporain déclinées autour de la pomme. Le fruit défendu ouvre Le Goût de l’art II, prolongement d’une exposition gourmande initiée l’an passé.
Mike Kelley, The Big Day, 1980 © CHATEAU DU RIVAU
Les cinquante créateurs à l’affiche de cet événement interrogent ce qui nourrit le corps et l’esprit. Il faut emprunter des escaliers en pierre pour errer librement d’une section à l’autre. De Pink Lady, reproduction d’une nature morte de Paul Cézanne où Clémentine Mélois appose une étiquette marchande, au grand gâteau d’anniversaire de Mike Kelley intitulé de The Big Day (1980). Du Dernier Souper de Corine Borgnet, table dressée in situ de verres et couverts en os de volaille, à In Advance Of The Institution de John Isaacs, mannequin en cire doué d’une tête de pomme de terre qui menace de tomber.
Philippe Ramette, Piercing, 2003 © CHATEAU DU RIVAU
Cette passion pour l’art déborde largement le cadre de la forteresse. La visite se prolonge dans les jardins du Rivau, où se cachent une vingtaine d’installations toutes plus impressionnantes les unes que les autres. À commencer par Encore et toujours (2009) de Pierre Ardouvin. Ce carrousel décalé donne le ton : la collection extérieure s’articule autour du merveilleux. Juste en face se dresse une taupe géante campée au milieu de plantes potagères. À cette Taupologie du Rivau (2011) de Ghyslain Bertholon répond une bottine géante signée Amy O’Neill (2009), dépôt du CNAP (Centre national des arts plastiques), qui renvoie à un conte anglais, celui d’une vieille femme vivant dans une chaussure. Levez les yeux, ou vous risqueriez de manquer un paresseux suspendu à une branche. Intervention d’Élodie Antoine. Plus loin, c’est un énorme Piercing de Philippe Ramette qui, depuis 2003, orne un arbre séculaire.
Du “Potager de Gargantua” au “Chemin du Petit Poucet”, la balade artistique se poursuit au rythme des découvertes botaniques. Au cœur du verger surgit une paire de bottes géantes, deux pieds gauches que Lilian Bourgeat intitule, au vu de leur inutilité, Invendus – bottes (2008). Un arrosoir XXL de la même artiste jouxte une haie labyrinthique dédiée à Alice aux pays des merveilles. Plus loin, un marronnier victime d’intempéries arbore La Ronde (2010) de Céline Turpin, collier en céramique qui agit désormais comme un talisman. Quinze jardins se succèdent au total. Un ensemble créé de toutes pièces par Patricia Laigneau, l’artiste numéro un du Rivau.
© CHATEAU DU RIVAU
Forte d’un double cursus à l’École du Louvre et à l’École nationale supérieure de paysage (ENSP) de Versailles, cette passionnée veille à l’harmonie chromatique du domaine. À chaque parterre de fleurs, sa couleur. Une attention au détail qui vaut au site le label “Jardin remarquable“, distinction mise en place par le ministère de la Culture en 2004. Plus de 486 variétés de roses parfumées y cohabitent. Sans compter les espèces comestibles qui alimentent, au restaurant Jardin secret, la cuisine du chef Nicolas Gaulandeau. Un délice !
Il y a deux ans, cette esthète à la main verte a décidé, avec son époux, de transformer une partie des écuries royales en hôtel, lequel compte à présent sept chambres, dont une suite. Chacune pavoise aux couleurs d’un personnage historique. Richard Cœur de Lion, par exemple, aura inspiré aux époux une décoration à dominante pourpre. Au sol, des tomettes. Au plafond, des poutres et des fanions d’époque. Et aux murs, bien sûr, des œuvres d’art car, au château du Rivau, la beauté prévaut.
Adresse
Château du Rivau
9 Rue du Château
37120 Lémeré, France
Téléphone
+33 (0)2 47 95 77 47
Réservations
Billeterie
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