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Alan Mudie : le tour du monde en quelques paragraphes

Rédaction

27 December 2016

© Droits réservés

Pour Alan Mudie, stratégiste à la Société Générale, l'actualité économique et financière commande de faire des choix nouveaux. Lesquels ?

Comme la croissance économique mondiale restera molle, « je conseille à mes clients de se concentrer sur les secteurs où elle sera plus élevée », dit Alan Mudie, Group Head of Investment Strategy à la Société Générale Private Banking.
C'est le bon sens même. Encore faut-il les identifier, ces secteurs à plus forte croissance. Le stratégiste en voit deux :

- les infrastructures de transport et d'énergie, où les besoins sont criants

et

- les services d'utilité publique, notamment l'eau, un secteur dans lequel la technologie va jouer un rôle de plus en plus important, tant dans le recyclage (il est de 15 % seulement alors que dans un pays comme Israël il est de 90 %, preuve qu'il y a moyen de faire nettement mieux) que dans la distribution (20 % de l'eau distribuée se perd en route du fait de l'obsolescence de beaucoup d'infrastructures).

 
 Les besoins en infrastructures de transports d'énergie sont criants © Shutterstock

Les outils


Pour investir à long terme dans ces secteurs à (plus) forte croissance, quels outils choisir ? Les actions, les obligations ? « Très clairement les actions », répond Alan Mudie. La question vient immédiatement à l'esprit : au nom de la diversification, ne faut-il pas une proportion d'obligations pour atténuer les risques inhérents aux marchés boursiers ? « Non, les obligations n'offrent pas de protection du pouvoir d'achat ». On le sait, les taux d'intérêt sont fort peu élevés et à l'heure où votre serviteur écrivait ces lignes ils amorçaient une hausse, ce qui est de nature à faire baisser leur valeur. La mécanique obligataire est mal connue, trop d'amateurs d'obligations se frottent les mains en voyant monter les taux : « on va enfin pouvoir toucher des coupons dignes de ce nom ! » Peut-être, mais au fur et à mesure que les taux montent, la valeur des obligations existantes ne cesse de baisser, si bien qu'on perd d'un côté ce qu'on gagne de l'autre. Pour s'en persuader, il suffit de voir comment évolue la valeur des sicav obligataires.


Nouvelle question : il n'est même pas intéressant de se tourner vers les obligations indexées sur l'inflation ? Réponse « Si. Eventuellement des obligations françaises ou italiennes. Il faut rester dans la zone euro parce qu'une obligation indexée n'apporte pas de protection en dehors de sa monnaie d'émission ».

 
"Une obligation indexée n'apporte pas de protection en dehors de sa monnaie d'émission" explique Alan Mudie © Shutterstock


Le sujet du moment, ce sont les taux d'intérêt. Ils ont été au plus bas, ce qui veut dire que la probabilité la plus forte est qu'ils remontent, mais « en tout état de cause, poursuit Alan Mudie, la politique de la Banque centrale européenne va rester accommodante parce la croissance et l'inflation sont faibles ». Ce qui n'enlève rien à la légitimité de la question que tout le monde se pose : à partir de quel moment les politiques monétaires vont-elles adopter un tour plus restrictif ? Hélas, dit le stratégiste de la Société Générale, « il n'y a pas de réponse à cette question pour le moment ».


Dollar et pétrole

Si les taux américains montent, comme le souhaite la Réserve fédérale, et s'ils montent au-delà de l'effet déjà senti sur le marché après la victoire de Donald Trump, le dollar montera aussi. Il monte déjà. Mais il ne faut pas exagérer. En fait, le dollar est remonté à peu près... au niveau où il était il y a un an. À l'époque, on parlait même de possible parité avec l'euro. Ne digressons pas, l'histoire se répète et nous le savons tous. Entre-temps, la remontée du dollar est une bonne chose pour l'euro, la Banque centrale européenne et les exportateurs ayant ce souhait commun : faire baisser la monnaie unique pour renforcer la compétitivité des entreprises européennes.

 
 "Le pétrole devrait se stabiliser" estime Alan Mudie © Shutterstock


Le pétrole devrait se stabiliser, estime Alan Mudie. « Devrait » peut être pris dans deux sens différents : le conditionnel indique une possibilité, le mot « devoir » que ce serait un bienfait pour tous. Première question : à quel niveau « devrait-il » remonter ? Réponse : au dessus de 55 dollars « parce qu'en dessous de ce montant le secteur est financièrement fragilisé ». On l'a vu à Wall Street, lorsque le prix du pétrole baisse, le Dow Jones baisse. Dans l'état actuel des choses, la vérité commande de dire que l'or noir, même s'il remonte, n'arrive que très péniblement à 50 dollars – cette année, il n'a franchi la barre que brièvement en juin et en octobre. Mais le processus est en marche, semble-t-il. Les producteurs de pétrole, même si leurs intérêts divergent, ont compris que l'union fait la force. De plus, le secteur pétrolier contrôle de mieux en mieux ses coûts – il y est contraint – et il ne faut pas y sous-estimer l'influence de la technologie. Que l'on songe au gaz de schiste par exemple.

L'Asie

Beaucoup d'observateurs estiment que la zone euro se dirige de plus en plus vers un scénario à la japonaise, dont les principales caractéristiques sont une croissance molle, une vraie déflation et un vieillissement de la population. Faut-il en avoir peur ? « Pas forcément, répond Alan Mudie, au contraire même. Il y a moyen de s'inspirer de ce que font les Japonais ». La population y vieillit à tel point que le nombre des actifs se contracte – c'est donc pire que chez nous -, mais le taux d'emploi y est élevé grâce aux femmes et... aux personnes âgées. De plus, « le Japon montre que l'on peut vivre en déflation ».

 
 Au Japon, le taux d'emploi y est élevé grâce aux femmes et... aux personnes âgées © Shutterstock


Et la Chine ? Pour le stratégiste de la Société Générale « la Chine ne connaîtra plus une croissance économique à deux chiffres ». L'atterrissage se fera en douceur : « il n'y a pas de risque de ralentissement brusque. Mais je ne m'attends plus à voir la croissance chinoise dépasser 3 % à l'horizon 2025-2030 ».
Parfois, l'histoire peut fournir de quoi se fonder un jugement nuancé. Dans les années soixante, la croissance économique au Japon flirtait avec la barre des 12 %. Elle n'est plus que d'un demi pour cent aujourd'hui. Aux Etats-Unis, la croissance économique ne dépassait pas 2,3 % en 1961, elle est de 2,4 % aujourd'hui. Et en Belgique ? 5 % en 1961 et 1,4 % aujourd'hui.

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