Martin Boonen
28 February 2019
Une réussite évidente qui n'a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Alors qu'il se lance un nouveau défi dans le secteur de la mobilité avec Pikaway, nous avons tenu à faire avec lui le bilan d'une expérience entrepreneuriale hors-normes, faite de succès commerciaux mais aussi de contestations sociales et politiques. L'ancien General Manager de Deliveroo Benelux n'évite aucun sujet.
Eventail.be - Pourquoi quittez-vous Deliveroo ?
Mathieu de Lophem - Je m'en vais pour plusieurs raisons. La première c'est cette opportunité formidable de rejoindre Pikaway qui évolue dans un secteur, la mobilité, où les défis sont nombreux, à Bruxelles, en Belgique et en Europe. Ensuite, je quitte Deliveroo au meilleur moment : les affaires n'ont jamais été aussi bonnes, et l'équipe n'a jamais été aussi forte... Je pars l'esprit tranquille. Cela faisait trois ans que j'étais là et je me suis rendu compte que ce qui m'avait amusé le plus, c'était la phase du lancement. J'ai passé trois années passionnantes. Il y a eu des moments difficiles, mais c'était exceptionnel. De plus, Pikaway cherchait un CEO, ce qui signifie que je m'occuperai aussi des équipes de développement et des levées de fonds. Des responsabilités que je n'avais pas comme Général Manager Benelux de Deliveroo.
© Gregory Van Gansen/Photo News |
- Les choses ont-elles été plus difficiles que prévues ?
- Beaucoup de choses ont été beaucoup plus complexes que ce que j'avais imaginé. Notamment la communication à travers une équipe. Chaque étape du développement requiert une façon de communiquer différente. À quatre ou cinq, on peut facilement tous se réunir autour d'une table et tout le monde sait tout. À sept ou huit l'équipe est assez petite pour que tout le monde pense pense être au courant de tout, alors que ce n'est clairement plus le cas. Et à trente ou quarante, les façons de faire circuler une information n'ont plus rien à voir. Ce que cette expérience m'a appris dans la compréhension du fonctionnement d'une entreprise est phénoménal. Je retiendrai en particulier la nécessité de rester flexible et agile, de ne pas se laisser enfermer dans une structure trop rigide : c'est la seule façon de faire rapidement beaucoup de choses efficaces. Une conviction que j'ai déjà pu confirmer ici, chez Pikaway.
- Vous avez été durement, parfois même personnellement, attaqué par les syndicats, les politiques et certains médias. Avez-vous douté ?
- J'ai vécu des émotions très intenses et paradoxales aussi. Mon fils, par exemple, est né le jour d'une importante grève de nos livreurs. Au niveau nerveux, c'est le grand écart absolu. Répondre aux micros des journalistes presque en sortant de l'hôpital, avec tout ce que cela implique comme maitrise de soi, c'était une expérience très spéciale. Est-ce que j'ai douté ? Heureusement, j'ai eu la chance d'être très bien entouré : mon épouse, ma famille, mon équipe... je les questionnais et ils me questionnaient pour être certains que ce que nous faisions était correct. Nous n'avons d'ailleurs jamais cessé d'écouter les livreurs et nous avons toujours essayé de leur proposer des réponses. Donc, non, je n'ai jamais vraiment douté. J'avais même promis que, quelques mois après l'éclatement de la grogne, nos livreurs seraient payés plus, en continuant d'être assurés. C'est ce qui s'est passé (à ce sujet voire notre article ici). Je suis très heureux d'avoir pu tenir cette promesse. J'ai évidemment douté sur pleins de choses (on doute constamment), mais jamais sur les fondamentaux de notre activité.
© Gregory Van Gansen/Photo News |
- Vous ne vous attendiez pas à gérer une crise sociale.
- Quand j'ai commencé, je pensais vraiment faire livrer leurs plats favoris à des clients contents par des livreurs contents. Quand ma responsable de la communication était au forum économique de Davos pour parler de notre activité avec le ministre des affaires sociales Belge, j'ai pris conscience que le projet avait une autre ampleur. Et que je l'avais sous-estimé. En sachant ça, est-ce que ma décision aurait été différente ? Je ne pense pas. Je ne regrette rien. En revanche, j'aurais peut-être pris trois jours pour me décider au lieu de deux (rires). Ça n'a pas toujours été évident.
© DR |
- Que retiendrez-vous de votre passage chez Deliveroo ?
- Heureusement, les grandes joies ont toujours été plus importantes que les difficultés vécues. Et certains des plus grands bonheurs sont venus de toutes petites choses : la première commande d'un client que l'on ne connaissait pas, le cap des cent, puis mille commandes par jour. Il y a aussi les fois où nous avons été en mesure de convaincre certains - très - grands acteurs du marché de travailler avec nous, comme Quick. Si l'on arrivait à convaincre de tels partenaires, alors c'est que nous faisions du bon travail. Une vraie reconnaissance. Et puis, évidemment, le plaisir de vivre des moments avec une équipe formidable. Lors de la fête de Noël de Deliveroo Benelux à Amsterdam nous étions plus d'une centaine. Je me suis alors rappelé que nous étions quatre à Bruxelles au départ. C'est un sentiment génial.
- Pourquoi rejoindre Pikaway ?
- Pikaway, c'est une app' multimodale : elle combine toutes les options de transports, publiques ou privées, pour optimiser les trajets de l'utilisateur. On y intégrera également les moyens de paiement pour tous ces moyens de transports. Non seulement l'utilisateur saura comment rejoindre sa destination le plus rapidement, le plus écologiquement ou le plus économiquement possible, mais il pourra réserver et payer l'intégralité de son trajet avec une seule application. La réussite de notre modèle passa par l'intégration de tous ces services, condition indispensable pour nous positionner comme une alternative crédible et facile à l'utilisation systématique de la voiture. Car limiter l'utilisation de l'automobile est un des plus gros enjeux de nos sociétés et le marché est énorme. C'est ce défi qui m'a plu !
© Pikaway |
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