Rédaction
06 February 2015
En 1908, au Groenland, une femme américaine (Juliette Binoche) part à la recherche de son mari Robert Peary, un explorateur décidé à trouver la route du Pôle Nord. A mesure que les jours passent, elle s'égare dans l'immensité glacée, accompagnée seulement d'une jeune Inuit qui, de surcroît, se trouve enceinte. Le long métrage de la réalisatrice catalane est non seulement une épreuve pour les protagonistes, mais aussi pour le spectateur. Deux heures dans le blizzard, les tempêtes de neige et la solitude d'une des régions les plus inhospitalières de la planète. En cours de route, la coriace et taciturne Inuit finit par accoucher dans l'igloo, ce qui nous inflige pendant de longues minutes les vagissements du nouveau-né. Juliette Binoche (qui n'est pas mon actrice préférée) surjoue presque constamment. J'ai remarqué que certaines comédiennes éprouvent une sorte de plaisir à s'enlaidir pour démontrer leur bravitude (comme disait l'ineffable Ségolène Royal) dans les circonstances les plus dramatiques.
La cinéaste nous a raconté que son film est une fiction basée sur des personnages réels. Il n'en est pas moins accablant. Et quelle idée de projeter cela pour la soirée d'ouverture, alors que tout le monde grelotte ici par des températures largement inférieures à zéro. Comment font ces stars légèrement vêtues pour franchir les 25 mètres qui les séparent de leurs limousines de l'entrée du Festival ? Le taux de pneumonies risque de grimper allégrement dans les jours qui viennent.
Hier soir j'ai fait - comme c'est le cas chaque année ici à Berlin - un saut dans l'inconnu pour découvrir dans une des sections parallèles (le Forum) le premier long métrage de fiction d'une cinéaste turque, Emine Emel Balci, 30 ans. On est loin de l'esthétisme savant (et à mon avis assez barbant) d'un Nuri Bilge Ceylan, qui avait obtenu la Palme d'or l'an dernier à Cannes pour Winter Dreams. Si on traduisait littéralement le titre, cela donnerait à peu près « Jusqu'à en perdre le souffle ». A Istanbul, une jeune fille qui travaille dans un atelier de repassage entretient une relation difficile avec son père, un chauffeur de camion toujours dans la dèche et mêlé sans doute à on ne sait quels trafics. Je vois là un héritage du néo-réalisme italien, et surtout une influence (c'est le cas dans une foule de premiers métrages, quels que soient les pays) de nos multipalmés Frères Dardenne. La caméra portée à l'épaule suit constamment la jeune héroïne (excellente actrice) au boulot ou dans les quartiers pauvres d'Istanbul. Le scénario est un peu mince, mais cette réalisatrice a du talent. Un nom à retenir. Demain matin, un film très attendu : la dernière production de l'Iranien Jafar Panahi, interdit de tournage par les ayatollahs.
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