Rédaction
15 February 2019
En sortant hier de la projection de So Long, My Son, j'éprouvais ce sentiment de bonheur que nous donne la rencontre de romans essentiels comme Illusions perdues, L'Education sentimentale ou Guerre et paix. Ces références littéraires ne devraient surtout pas suggérer que le film de Wang Xiaoshuai a quelque chose de passéiste.
© Li Tienan/Dongchun Films |
Au contraire, il s'inscrit dans le présent de son pays, cette Chine dont il évoque à travers l'histoire d'un couple les trente dernières années. À 53 ans, le cinéaste né à Shanghai s'est imposé depuis un quart de siècle comme un créateur indépendant par excellence, avec des films comme Beijing Bicycle, Chongqing Blues ou Red Amnesia.
© Xu Shengzhi |
Le scénario de So Long, My Son, écrit par le cinéaste lui-même, part d'un drame imprévisible (la noyade d'un jeune garçon) qui aura des répercussions pendant plusieurs d'années sur la vie des protagonistes. Ce qui est passionnant dans ce film, c'est la manière dont la destinée des deux époux s'entremêle à l'existence de toute une série de personnages (parents proches ou lointains, amis perdus ou retrouvés) sans que jamais l'auteur du récit perde le fil de sa narration.
© Li Tienan/Dongchun Films |
Contrairement à ce qu'on observe chez des collègues de Wang Xiaoshuai (Wang Bing, Zhang Yimou) , la politique n'apparaît ici qu'obliquement, dans la mesure où les décisions du pouvoir chinois (comme l'obligation de l'enfant unique) ont des répercussions sur la vie privée des citoyens .
So Long, My Son est avant tout un film d'émotions, une une œuvre d'une grande humanité. Je n'y ai pas trouvé le pessimisme d'un Jia Zhang-ke - autre réalisateur chinois de première importance - dont les dernières productions (Touch of Sin, Mountains May Depart, Ash is purest white) offrent une image accablante du pays que gouverne un président désormais omnipotent.
© Li Tienan/Dongchun Films |
S'il fallait ne retenir qu'un moment dans un récit qui nous tient captifs pendant trois heures, ce serait cette visite du couple à la tombe de leur enfant disparu, une image que je trouve aussi poignante que la conclusion du Voyage à Tokyo d'Ozu. Bien entendu, s'il ne tenait qu'à moi, l'Ours d'or de la 69e Berlinale irait sans hésiter à So Long, My Son. Mais je garderais une place dans le palmarès pour Öndög, le film sino-mongol de Wang Quan'an dont la beauté plastique et le sens du mystère l'emportent pour moi sur trop de productions où domine un message politico-social.
Rendez-vous ici lundi matin pour un bref commentaire sur le résultat final.
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