Corinne Le Brun
05 December 2018
Eventail.be - Fanny Ardant, pour la première fois, vous tournez avec Diane Kurys. Quel a été le déclic ?
Fanny Ardant - Diane m'avait souvent proposé des rôles mais que je n'aimais pas. Je ne suis pas assez professionnelle pour jouer un personnage que je n'aime pas. Il vaut mieux aller vers quelque chose qu'on aime. Diane m'a renvoyé un nouveau scénario. J'ai tout de suite aimé ce personnage, sans ombre au tableau. C'était lumineux.
© Alexandre Films |
- Pourquoi le personnage de Nina vous plaît tant ?
- F.A. : Tout me plaît chez elle. La liberté, le non conformisme, l'irréductibilité, un amour fou de la vie, des hommes, son fils. Elle est affranchie.
- Vianney, vous incarnez Baptiste, le fils de Nina. Est-elle vraiment folle ?
Vianney - Elle est libre, décomplexée, désorganisée. Alors que Baptiste, architecte aux Pays-Bas, est carré, pas très fun. Il a du mal à accepter sa mère comme elle est. Il l'aime mais il ne la supporte plus. Il réapprend à l'accepter pendant ce voyage en voiture de Paris à Amsterdam.
- Fanny Ardant, vous apparaissez en blonde platine, c'est votre choix ?
- F.A. : J'avais déjà joué en blonde dans Les beaux jours de Marion Vernoux (2013), cette nouvelle tendance américaine qui consiste à devenir presque blanche comme Marie-Antoinette. Ce qui est magnifique, quand on est actrice, c'est qu'on vous propose tout d'un coup de sauter dans le vide d'un personnage. Rien ne vous rattache à vous. Moi je suis de nature obsessionnelle : je serais toujours pareille si on me demandait mon avis. J'aime rentrer dans le goût de quelqu'un d'autre qui me dit vous serez rousse, vous aurez les cheveux en pétard. Cela ne tient pas tellement à moi que je veuille absolument être d'une certaine façon. Tout commence avec la costumière parce qu'elle va vous mettre des choses que vous ne mettriez jamais. Après, vous allez vous retrouver dans les vêtements que vous aimez. Nina est une femme qui a du goût. Elle ne suit pas les modes. Elle porte un pantalon, un blouson et basta pour un road movie.
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- Vianney, Baptiste est votre premier rôle au cinéma. Etre musicien vous aide-t-il dans votre tout nouveau métier de comédien ?
- V. : C'est comme la musique. Je marche mieux à l'instinct. Je suis un autodidacte. Je m'amuse beaucoup plus quand j'apprends tout seul. Je me casse la figure par moi-même. Et le cinéma, c'est vraiment un travail d'oreille aussi. C'est l'amour de l'instant, de l'écoute. Pour la musique comme pour le cinéma, il n'y a que le moment où on vit l'émotion qu'on peut connaître celle-ci. J'étais quelque peu intimidé puisqu' il s'agit de respect vis-à-vis de grands acteurs et actrices. Mais ces gens-là sont des êtres bons, bienveillants et rassurants. J'ai adoré.
- Fanny Ardant, vous aviez déjà joué avec Johnny Hallyday, Bashung...
- F.A. : Oui. Et j'aurais adoré jouer avec Jacques Brel. Ce que j'aime dans un musicien c'est qu'il arrive tout nu sur un plateau, à la grâce de dieu. Pour moi, c'est un condensé de l'acteur, du chanteur, du danseur, de l'opéra lyrique. En disant « aide-moi» , on sait qu'il est passé par cette purification du sang.
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- Nino est un jeune migrant que Nina prend sous aile. Elle semble avoir un rapport affectif plus facile avec lui...
- F.A.: Je pense que le rapport qu'on a avec un enfant qui n'a pas encore atteint l'âge abject de l'adolescence, est plus sain parce que rien n'est retenu contre vous. Dès qu'on a des enfants adultes, ils deviennent des juges. Ils ont rejoint la cohorte des un peu abrutis et des un peu intelligents. J'aime beaucoup la compagnie des enfants parce qu'on peut faire l'idiot, inventer, être magicien, sévère, violent. Un enfant fait partie de vous. « Tu honoreras ton père et ta mère » veut dire tu ne portes pas de jugement. Tu n'as qu'un père et qu'une mère. Avec les lois bibliques, il n'y aurait pas de guerre, il n'y aurait rien. Dès que vous portez un jugement sur votre mère ou votre père vous cassez le lien, fragile, sacro saint. Dirait-on à sa grand-mère t'es folle ? On le ferait comme un compliment.
- Vous avez également tourné à Ittre, Jette. Une découverte de la Belgique ?
- V. : J'ai surtout parcouru la Belgique à vélo, vers la Scandinavie, l'Allemagne. Je m'arrêtais trois, quatre jours, à dormir dehors ou chez l'habitant, notamment à Charleroi.
- F.A. : Moi je me souviens des Fagnes, lors du tournage d'Australia de Jean-Jacques Andrien (1989). En dehors de Bruxelles, cette partie de la Belgique est pour moi magique.
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