Marcel Croës
29 April 2022
Auteur également du scénario, le réalisateur Geng Jun est né en 1976 dans le Heilungjiang, une province industrielle du grand Nord. Dans ce pays ravagé par une industrie minière anarchique, et où les hivers durent six mois, les personnages sont façonnés par un environnement hostile qui pèse sur les relations personnelles, comme si le froid mordant paralysait l’expression des sentiments.
Le cinéaste confie volontiers que ses personnages sont inspirés par certains de ses amis ou par des inconnus qu’il rencontre dans le train. Le protagoniste de Manchurian Tiger, un grutier qui bosse pour une compagnie minière, mène une existence grisâtre entre une épouse enceinte, une jeune maîtresse envahissante et des conversations plus ou moins incohérentes avec un type du coin qui se prétend poète. En fait, la seule passion de notre homme est son animal de compagnie, un chien-loup nommé Ruyi qui lui témoigne une affection débordante. C’est précisément la disparition du chien qui va déclencher une mécanique infernale. Le film devient alors le récit d’une vengeance obsessionnelle liée à une arnaque immobilière de plus en plus sordide.
© DR
Si certains aspects du scénario peuvent échapper à un spectateur occidental, la force du film tient surtout à un climat émotionnel qui nous entraîne dans une spirale de rage et de violence. Geng Jun a une maîtrise du langage cinématographique qui se traduit par des images et des cadrages superbes. Et les acteurs traduisent à merveille cette incapacité à communiquer d’hommes et de femmes murés dans leur solitude. Quant au chien, je préfère ne pas évoquer son sort, les lecteurs trop sensibles risqueraient de m’en vouloir…
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