Corinne Le Brun
29 September 2021
Eventail.be - "Bigger Than Us" a été présenté au Festival de Cannes, dans la section éphémère "Le cinéma pour le climat"...
Flore Vasseur - On était ravis d'y être! Quand on porte un message il n'y a pas beaucoup d'endroits qui ont cette puissance-là. Le film devait aller à Cannes, c'était un rêve. Ce fut l'occasion de nous retrouver ensemble, après plusieurs années de séparation. Cannes est un symbole monstre pour tous les jeunes qui, aujourd'hui, hésitent ou veulent agir. J'espère que l'industrie du cinéma va comprendre qu'elle a un rôle dans cette période folle et, qu'aujourd'hui, il est temps que le divertissement se politise. Aujourd'hui, on a besoin d'images différentes, de récits, de concret, de nouveaux messages et l'industrie du cinéma doit s'en emparer. Le cinéma est LE médium le plus puissant pour raconter ces histoires car, dans une salle de cinéma, on arrive à capter le cœur des gens.
© Norbert Scanella/PanoramiC/Photo News |
- Marion Cotillard et Denis Carot ont coproduit le film. Un partenariat facile à réaliser ?
- Marion Cotillard, Denis Carot partagent le même amour pour le cinéma. Ils connaissent le pouvoir de l'image. Marion (Cotillard) est engagée depuis longtemps dans les causes environnementales et sociales. Mon projet l'a interpellée. Je lui ai proposé de coproduire le film. C'est formidable de pouvoir continuer un engagement ensemble. On a voulu rendre à ce combat-là toute la noblesse qu'il mérite.
- Quel est le point de départ de votre documentaire ?
- Il y a cinq ans, mon fils, 7 ans, me demande ce que veut dire "la planète va mourir ?" J'ai pris conscience que j'étais incapable de lui répondre avec ses mots à lui. Pendant quinze ans, j'ai écrit des livres, traqué des lanceurs d'alerte pour faire en sorte que les gens comprennent et se mettent à agir Je n'y suis pas parvenue. Les gens n'arrivaient pas à s'identifier à Edward Joseph Snowden1 parce qu'il était trop énorme, trop magnifique. Je n'appuyais pas sur le bon bouton... J'entends parler de Melati Wijsen, activiste indonésienne. En 2016, je fonce à Bali, réaliser un documentaire.
- Vous deviez la convaincre de rencontrer d'autres jeunes activistes dans le monde...
- Elle a démarré son combat pour faire interdire les sacs plastiques à Bali à 12 ans. Moi, je l'ai rencontrée à 16 ans. Elle était au summum de son action. Quelque chose d'extraordinaire était en train de se produire. Au fil de mes recherches, j'ai vu qu'il y avait plein d'autres jeunes qui agissaient pour l'écologie mais aussi pour les droits humains, la liberté d'expression, l'éducation des filles.....Des histoires merveilleuses pour toutes celles et ceux qui cherchaient à s'engager. Melati était face à quelque chose de très, très gros. On s'est très bien entendues. Ce n'était pas difficile de la convaincre. J 'ai eu envie de répondre à sa quête de lien avec d'autres personnes comme elle. Ces jeunes activistes tiennent parce qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas seuls et qu'ils appartiennent à un groupe. J'ai eu envie de rendre ce groupe visible.
© DR |
- Comment avez-vous trouvé les six autres jeunes qui témoignent?
- Je continue à être journaliste, j'aime mener des enquêtes. Dès 2016, je me suis aperçue que Memory Banda, René Silva, Mohammad Al JOunde, Mary Finn, Winnie Tushabe, Xiuhtezcatl Martinez avaient déjà démarré leurs actions. On parlait d'eux dans la presse. Tous étaient encore actifs sur les objectifs fondamentaux du millénaire. On a voulu faire un film mondial parce qu'aujourd'hui 80% de la jeunesse mondiale n'habite pas en Occident. Ils ont tous démarré très jeunes. C'est longtemps que c'est là, c'est juste qu'on ne voit pas leur engagement. Melati a voulu solutionner le problème des sacs plastiques et elle a réussi son action. Elle est parvenue à imposer un décret disant que les sacs plastiques sont interdits sur l'île de Bali, maintenant. Son association a lancé une filière de sacs alternatifs. Elle a changé quelque chose de concret, comme chacun des personnages.
- Les engagements de Melati Wijnes et de Greta Thunberg sont-ils similaires ?
- Je crois qu'elles se connaissent. Leur point commun, c'est le pouvoir de la jeunesse, l'envie d'agir. Greta apparaît deux fois dans le documentaire. Elle a une lecture de ce qui nous corrompt beaucoup plus radicale que Melati. Elle a une pensée politique bien plus aboutie que ce que le système médiatique et de foire fait d'elle. Cela m'a donné une responsabilité. Les personnages que j'ai choisis devaient être inattaquables parce que il y a tellement de gens, de forces réactionnaires qui ont intérêt à ce que le système ne change pas, Dès qu'il y a le moindre soupçon, ils prennent la brèche et en font des montagnes. Il n'y a pas que Greta Thunberg. On savait que ce mouvement de jeunesse allait arriver. Et nous, journalistes, notre rôle c'est de montrer qu'elle n'est pas la seule. On est en train de mettre toute une génération sur les épaules de cette jeune fille. Elle est vraiment costaude. Effectivement, il y a plein d'autres jeunes qui se lèvent et notre rôle, nous journalistes, c'est de montrer cette histoire aussi.
- Etes-vous optimistes sur l'impact que "Bigger Than Us" aura auprès du public ?
- Mon objectif est que les gens qui ont besoin de ce message l'entendent. Le documentaire de cinéma n'est qu'une étape. On lance le film mais on élucide. On a créé un site2, dans lequel on restitue tout ce qu'on a appris, mis dans le film ou pas, pour tout le monde, même pour ceux qui n'auraient pas vu le documentaire. Le site donne à voir des sous histoires, des podcasts...Notre pari ? Avoir une conversation avec les spectateurs. On ne veut pas les laisser tout seuls dans cet état d'émotions. Ils vont rejoindre une communauté pour agir.
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