Corinne Le Brun
07 March 2018
Elle incarne Louloute, mariée avec Gus (Guy Lecluyse) et belle-sœur de Valentin (Dany Boon) monté à Paris. Avec Constance son épouse, il forme un couple de designers très en vogue. Alors qu'ils préparent le vernissage de leur rétrospective au Palais de Tokyo, personne ne sait que Valentin a menti sur ses origines prolétaires et ch'tis pour s'intégrer au monde du design et du luxe parisien, jusqu'à renier sa «môman» (Line Renaud). Pour la première fois, Valérie Bonneton retrouve ses origines ch'tis dans une comédie sans grande surprise, dix ans après l'incroyable succès de « Bienvenue chez les Ch'tis ».
© David Koskas |
Eventail.be - Comment Dany Boon vous a-t-il convaincue de jouer votre premier rôle en langue ch'ti ?
Valérie Bonneton - Je connais Dany depuis vingt-cinq ans. Quand il propose de jouer avec lui, on a très envie d'accepter. Evidemment, j'avais envie de lire le scénario, de savoir si le rôle allait me plaire. J'ai été très agréablement surprise parce qu'il y a une profondeur dans l'histoire. Elle n'est pas que drôle. Elle me faisait penser à un conte. Valentin est mangé par l'ambition. Voulant être quelqu'un d'autre, il devient un designer connu. Un jour, il se rappelle qui il est. Il retrouve ses origines, ses amours d'enfance, moi (rire). Ce thème est profond et assez touchant. Le plaisir de jouer dans ma langue d'origine a été très naturel.
- Louloute est un personnage touchant...
- Cela m'a beaucoup plu de retourner à mes origines et de reprendre cet accent. Et puis, j'avais déjà l'impression déjà de connaître mon personnage. Quand j'étais petite, j'ai grandi parmi dans la culture ch'ti. Ces personnes n'ont rien ou pas grand-chose mais elles ont le cœur sur la main. Gus, son mari, a de sérieux travers mais ils sont ensemble depuis vingt ans. Cet amour est toujours là. Dany raconte cette famille soudée malgré toutes les difficultés. Il n'y a rien de plus beau. À Paris c'est différent. L'argent corrompt facilement les relations dans le couple. On n'en parle pas beaucoup. Dans le nord, l'intégrité est une valeur très importante. Louloute me plaisait car elle n'arrête pas de vouloir dire la vérité alors que Gus, lui, hésite... C'est bien qu'il y ait des travers dans les personnages. Personne n'est tout blanc ou tout noir. Ni chez les Parisiens ni chez les Ch'tis.
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- Retrouver l'accent ch'ti était difficile ?
- Pas du tout. Je suis née ch'ti et j'ai toujours l'accent. Ma mère ne voulait pas trop qu'on le parle, mon père oui. Je ne me suis jamais posé la question si je devais perdre mon accent ou pas, il a toujours été en moi. Basta. Le ch'ti est une langue forte, il ne faut pas avoir peur de l'assumer. Il reflète une mentalité intérieure. Il y a plusieurs accents ch'tis, le mien est plutôt fermé dans la bouche. J'ai grandi à Aniche, près de Douai jusqu'à seize ans. Je suis partie à Paris à dix-huit ans mais j'avais déjà perdu l'accent dans le nord.
- Le retour aux racines est important pour vous ?
- Le sujet, profond, universel me parle aussi : je ne me suis jamais posé la question d'avoir honte de mes origines. Mais à l'adolescence, j'avais envie de partir du nord parce qu'il n'y avait rien à faire, parce que c'était triste. Pourtant, j'y retourne toujours pour voir mes tantes. Quand je suis arrivée à 16 ans en Normandie, on me prenait pour une folle parce que je disais bonjour à tout le monde. J'ai été élevée ainsi. À Paris, ça refroidit mais je n'ai pas changé mes habitudes. J'aime discuter avec les gens. Quand j'arrive chez les Belges, je reconnais tout de suite cet esprit-là. « Il ne faut pas jouer les riches quand on n'a pas le sou », cette phrase de Jacques Brel m'a longtemps marquée. On est bien plus heureux quand on se rappelle qui on est. Quand on s'accepte. C'est aussi le sujet du film.
© David Koskas |
- Vous alternez les comédies et les films dramatiques. Quel registre préférez-vous ?
- Je n'ai jamais pensé faire une carrière dans la comédie. En ce moment, j'ai plus envie de jouer des rôles dramatiques. Pour moi, en fait c'est la même chose. Il faut d'abord donner une profondeur, décalée si c'est la comédie. J'adore faire rire. On a l'impression qu'on détourne les choses, que ce n'est pas convenu. On rend les gens plus heureux, donc on ne peut pas s'en empêcher. Faire Fabienne Lepic n'est pas un métier. Je suis actrice donc il faut faire autre chose. Je vais tourner cet été avec Benoît Poelvoorde, sous la direction d'Ivan Calberac, une adaptation de son roman « Venise n'est pas en Italie ». Poelvoorde est un des plus grands acteurs. Nous avions joué ensemble dans « Ils sont partout » d'Ivan Attal (2016).
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