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Carnavalet raconte l’histoire de Paris

ArtFranceMuséeMusée CarnavaletParis 3e

Jean des Cars

01 March 2022

L'Hôtel Varnavalet remonte en partie à la Renaissance. Ici la façade du bureau des marchands drapiers. © DR

Après quatre ans et demi de travaux considérables, ce musée est redevenu un univers passionnant dans le quartier du Marais, à deux pas de la place des Vosges. Avec ses belles façades, ses cours, ses jardins et ses trésors admirablement mis en valeur, c’est un exceptionnel îlot patrimonial au cœur de la capitale.

Marie de Rabutin-Chantal, la marquise de Sévigné peinte par Claude Lefebvre (1632-1675). © DR

Marie de Rabutin-Chantal, la marquise de Sévigné peinte par Claude Lefebvre (1632-1675). © DR

On ignore souvent qu’en réalité, le musée Carnavalet s’étend sur deux anciens hôtels particuliers. Le premier, dit des Ligneris, au 23 rue de Sévigné (actuelle entrée du musée), est l’un des plus anciens de Paris et constitue l’une des rares traces de l’architecture Renaissance dans la capitale. Construit entre 1548 et 1560 pour Jacques de Ligneris, président au Parlement de Paris, il est vendu en 1578 à Françoise de la Baume, épouse d’un chevalier Kernevenoy. En cette époque où l’orthographe est fantaisiste, le patronyme est déformé en… Carnavalet. Un siècle plus tard, l’architecte François Mansart crée deux nouvelles ailes et surélève le porche d’entrée. La marquise de Sévigné s’y installe de 1677 à 1694, appréciant “une belle cour, un beau jardin, un beau quartier”. Les lieux ont gardé la trace de ses séjours, dont son secrétaire en laque de chine, sur lequel elle écrivait ses lettres aussi fameuses que spirituelles. La rue a fièrement pris son nom après son départ. On sait que le Marais est alors un quartier d’hôtels aristocratiques et d’échoppes d’artisans réputés. Il tombe ensuite un peu en désuétude.

Les peintures murales du grand escalier, réalisés en 1748 par les Brunetti, proviennent de l'hôtel de Luynes. © DR

Les peintures murales du grand escalier, réalisés en 1748 par les Brunetti, proviennent de l'hôtel de Luynes. © DR

C’est sous le Second Empire que l’énergique préfet Haussmann veut transformer l’hôtel Carnavalet en musée historique de la capitale qu’il remodèle. Le Paris de Balzac et d’Eugène Sue va devenir la ville que nous connaissons. Dans ce quartier du Marais, certains éléments architecturaux du “vieux Paris”, celui du XVIIe siècle, menacés de disparition, sont ainsi sauvés et transférés rue de Sévigné. Par exemple, des avant-corps du XVIIIe siècle, la façade du bureau des marchands drapiers des Halles, une statue de Louis XIV debout et un bas-relief d’Henri IV. Ainsi, la légende d’Haussmann le destructeur doit être ici révisée : l’homme a aussi préservé des éléments menacés en divers endroits du centre de Paris.

Le musée de l’Histoire de Paris ouvre ses portes plus tard, en 1880, et contient déjà une précieuse bibliothèque historique. Les Parisiens, éblouis, découvrent le passé de leur cité. Mais la place manque. En 1898, la bibliothèque déménage dans l’hôtel voisin, Lepeletier de Saint-Fargeau, dont la façade est plus sobre que celle du premier. L’extension exige des travaux pour permettre au public de passer d’un hôtel à l’autre. Entre 1907 et 1925, la surface du musée double : autour de deux nouvelles cours, dites Henri IV et de la Victoire, des bâtiments de style XVIIIe sont construits par ajouts successifs.

Une des 'period rooms' représentant le cabinet de l'hôtel Colbert de Villacerf. © DR

Une des 'period rooms' représentant le cabinet de l'hôtel Colbert de Villacerf. © DR

Si Carnavalet s’est constitué au fil du temps et si l’on aimait se perdre dans ses dédales, il fallait que la muséographie et la circulation des visiteurs soient cohérentes. L’architecte François Chatillon a été mandaté en 2017 pour une rénovation avec l’ouverture de fenêtres, des escaliers moins tortueux, moins sombres et un parcours chronologique. Pari réussi : les visiteurs s’orientent plus facilement et la visite est fluide. Autre objectif atteint : si l’ancien Carnavalet s’arrêtait à 1910, aujourd’hui il évoque aussi de grands moments parisiens du XXe siècle et même l’incendie de Notre-Dame de Paris, ce qui correspond à la volonté de la directrice, Valérie Guillaume, plaidant avec raison pour “une histoire vivante de Paris”. Entre ces extrêmes, la Révolution française à Paris est très largement évoquée, y compris la proche Bastille, et une ouverture donne directement sur le lycée Victor Hugo, voisin.

La chambre à coucher de Marcel Proust. © DR

La chambre à coucher de Marcel Proust. © DR

On pourra regretter que l’évocation de la chambre de Marcel Proust, qui vécut dans trois adresses différentes, dont celle de la rue Hamelin, dans le 16e, où il mourut en 1922, manque d’intimité. Mais on sera ému de voir la pelisse en drap de laine et à col de loutre doublée de vison que ce grand frileux étalait sur ses pieds et endossait lorsqu’il sortait, par exemple pour aller au Ritz. Dans cette chambre-refuge où il élabora sa grande œuvre, on remarque aussi la chaise sur laquelle s’asseyait le compositeur Reynaldo Hahn, un des seuls amis de Proust autorisés à entrer dans cet antre, dont les murs devaient être recouverts de liège pour étouffer les bruits de la ville.

La salle de bal Wendel. © DR

La salle de bal Wendel. © DR

On s’extasie sur la spectaculaire salle de bal de l’hôtel Wendel, décorée du sol au plafond par le peintre catalan José-Maria Sert, “le Tiepolo des milliardaires”. Sa composition, magistralement restaurée, évoque le cortège de la reine de Saba quittant l’Afrique avec ses éléphants pour rejoindre le roi Salomon.

Vue de l'escalier monumental depuis la salle de bal Wendel. © DR

Vue de l'escalier monumental depuis la salle de bal Wendel. © DR

On reste choqué que sur de nombreux cartels, les chiffres romains, par exemple pour Louis XIV, aient été remplacés par des chiffres numérotés, tels que “Louis 14” ! Ridicule ! On nous assure que c’est pour le public ayant des difficultés à comprendre les conventions classiques. C’est un grave abaissement du savoir et une atteinte à une longue tradition respectueuse. En revanche, on apprécie que sur 3800 œuvres présentées dans le parcours rénové, 380 soient exposées à hauteur d’enfant.

Chapeau bas à Stephen Jones !

Arts & Culture

Il a élevé le chapeau au rang d’œuvre d’art.

France, Paris

Du 19/10/2024 au 16/03/2025

Informations supplémentaires

Adresse

Musée Carnavalet

23 Rue de Sévigné,

75003 Paris, France

Téléphone

+33 1 44 59 58 58

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