Rédaction
06 October 2015
Le constat n'est pas nouveau, dans l'histoire de l'art, peu d'artistes féminines sont présentes. Il y a différentes raisons à cela. Pour commencer, les artistes comptent, historiquement, une minorité de femmes. Cela s'explique par le fait que les femmes ont majoritairement œuvré dans des domaines où l'anonymat était courant (dentelle, tissage, etc.). Par ailleurs, au Moyen-âge et à la Renaissance, beaucoup d'artistes (masculins ou féminins) travaillaient dans des ateliers et que les productions étaient souvent signées par le maître d'atelier et travaillaient donc anonymement... D'ailleurs, jusqu'au XIXe siècle, on ne recense pas de femmes à la tête d'un atelier. Encore une piste ? Aux XVIIIe et XIXe siècles, certains hommes se sont réappropriés le travail artistique de femmes... Soulignons également le fait que le travail des manuscrits et du textile laisse peu de témoins car les matériaux utilisés sont très sensibles et une infime quantité d'œuvres nous sont parvenues. Enfin, dans certaines cultures, l'identité des femmes change car en se mariant, elles abandonnent leur nom de jeune fille. Les pistes et explications sont donc nombreuses.
Actuellement, dans une manifestation culturelle, il est rare de trouver une majorité d'artistes féminines à moins que ce ne soit un choix délibéré de féminiser le propos et de mettre l'accent sur la femme comme pour Elles@centrepompidou à Paris, Elle tissent la toile au Cinéma Le Parc à Charleroi ou encore, récemment, Body Talk au Wiels à Bruxelles. Pourquoi ?
Orlan © Fabrice Lévêque |
En 2014, à l'occasion d'une conférence intitulée Corps féminin et art contemporain : un nouveau regard ? au Grand Palais à Paris, Orlan (Saint Etienne, France, ° 1947) disait: « Quand il y a une artiste dans une exposition, c'est bien. Quand il y en a deux, c'est encore mieux. Quand il y en a quatre, c'est une expo féministe. » Cela donne parfois l'impression que l'art masculin est universel tandis que le féminin est particulier... Est-ce que l'art est conditionné par le genre ? Est-il est vraiment important de connaître l'auteur dès lors que l'œuvre existe ?
Dans les années 1970, les femmes artistes se sont posées certaines questions : Est-ce qu'elles doivent faire partie du système ? Ont-elles la possibilité d'influencer l'art ? Comment ? En instaurant la parité et en mettant des quotas ? Mais dans ces cas, certains observateurs se sont demandés si cela ne mettait pas les femmes dans une sorte de ghetto ! Une façon d'intervenir dans le domaine fut, pour les artistes, de devenir actrices de leur mise en image et de ne plus être représentées de manière idéalisée par les hommes.
Suzanne Lacy et Leslie Labowitz, artistes militantes. Ici: performance "Three Weeks in May" (1977) © theartblog |
Au XXIe siècle, l'art féministe a pour ambition de mettre en lumière le décalage entre les pratiques et les lois qui sont sensées avoir donné des droits égaux aux femmes et aux hommes. Certaines œuvres se veulent une sorte de militantisme contre les violences faites aux femmes ou en faveur de l'émancipation féminine. D'autres artistes cherchent à affirmer leur différence à travers la pratique de techniques habituellement associées aux femmes dans certaines cultures, comme la couture, le tricot, le patchwork et le canevas; les formes rondes, la spirale; les matériaux souples, la couleur rose, etc.
La douzième édition de ce festival multidisciplinaire ne fait pas exception à sa marque de fabrique : ce sont les femmes qui créent ! Liège, Bruxelles et Gand accueilleront une création féminine contemporaine protéiforme. L'appendice No borders fait penser à l'actualité mais, dans le cadre du festival, l'accent est posé sur la « création féminine sans frontières » avec des artistes de 11 nationalités différentes. Référence aussi, au fait que la classification des arts se complexifie ou carrément disparaît. Même si ce n'est pas nouveau, les frontières entre les différentes disciplines se déconstruisent et Voix de femmes propose donc l'expérience de concerts, expositions, projections, performances, installations, web-doc, giff-wall, ateliers et rencontres en tous genre.
« Raconter des histoires de femmes », c'était le souhait de la photographe Valérie Nagant. En avançant dans le projet parrainé par Yolande Moreau, elle s'est concentrée sur les femmes de cinéma belges. Elle a réalisé le portrait de femmes gravitant dans l'univers du 7e art. Des images figées pour montrer des femmes qui jouent des images animées. On a l'impression qu'on connaît déjà ces femmes mais les photos nous les font apparaître sous un autre visage. L'occasion de redécouvrir Emilie Dequenne, Cécile de France, Marie Gillain, Yolande Moreau et Virginie Efira (quasiment méconnaissable, voir plus haut, la première photo) dans le cadre de cette exposition itinérante qui accompagnera différents festivals cinématographiques ou dans l'ouvrage qui l'accompagne. Les portraits sont accompagnés de textes écrits par les sujets sur la manière dont elles gèrent leur image ou bien leur rapport à cette dernière. Pour les pressés, jusqu'au 9 octobre, l'exposition est à voir en parallèle au FIFF (Festival International du Film Francophone).
Voix de femmes #12 : No bordersPublicité