Bertrand Leleu
24 December 2022
© Dorotheum
Lucio Fontana (1899-1968)
Concetto Spaziale, 1965, huile sur toile déchirée, 92 x 74 cm
Vente du 30 novembre, Dorotheum, Vienne
“Le trou est mon invention […]. Après cette invention, je peux mourir.” Ces mots de Lucio Fontana font référence à son travail des années 1957 à 1968, pendant lesquelles l’artiste tend à mettre en avant le caractère matériel des médiums qu’il utilise. L’objet est rendu tangible en le transperçant et en le coupant, lui donnant ainsi une spatialité différente de sa surface plane. Les huiles de Fontana, ainsi que ses œuvres en métal créées à la même époque, témoignent de la relation sensuelle de l’artiste avec la matière, particulièrement celles qui mettent en évidence rayures et percements. Il disait ainsi que ses œuvres n’étaient pas des tableaux ou des sculptures mais des concepts artistiques, d’où les titres donnés à chacune d’elles.
© Osenat
Joseph Chinard (1756-1813)
Le Silence, vers 1798, sculpture en marbre blanc, 86 x 25,5 x 21,5 cm
Vente du 4 décembre, Osenat, Fontainebleau
Si les sculptures pouvaient parler, on apprendrait beaucoup de ce Silence, réalisé par Joseph Chinard en 1798… Inspirée d’un marbre antique, identifié successivement comme Véturie, Sabine, Agrippine, Vestale, Polymnie, Vénus, puis finalement Thusnelda, celle-ci fut très certainement réinterprétée par Chinard sous les traits de la fameuse Juliette Récamier, l’une des trois grâces du Directoire (avec Joséphine de Beauharnais et Madame Tallien) à qui elle a appartenu. Placée à gauche de son lit, aujourd’hui conservé au Louvre, la sculpture a vu défiler le Tout-Paris pendant plus de dix ans, puisque c’est là que Madame Récamier tenait salon. En 1808, la banqueroute de son mari l’oblige à revendre son hôtel particulier au banquier belge François-Dominique Mosselman, dont les descendants se séparaient de quelques pièces issues de ce lieu historique.
© Rémy Le Fur
Michel Colombe (vers 1430-1512)
Vierge à l’enfant, sculpture en terre cuite, 102 x 40 cm
Vente du 30 novembre, Rémy Le Fur, Paris
Seules trois œuvres de Michel Colombe nous sont parvenues documentées : Le Retable de saint Georges pour la chapelle du château de Gaillon, la Médaille commémorative de l’entrée de Louis XII à Tours (1500) et Le Tombeau de François II de Bretagne dans la cathédrale de Nantes. C’est dire comme cette fascinante Vierge à l’enfant était attendue ! C’est finalement le Louvre, par le biais de préemption, qui l’a acquise. Commandée par Jacques de Beaune pour son château de La Carte, à Ballan-Miré (édifié à partir de 1497), cette œuvre est d’une vivacité et d’une originalité incroyables. Le visage ainsi que le sein nous font immanquablement penser à la Vierge de Fouquet (conservée à Anvers), qui serait, selon certains, un portrait d’Agnès Sorel. Mais une maîtresse royale aurait-elle vraiment pu prêter ses traits à une représentation de la Vierge ?
© Ader
Marie Cuttoli (1879-1973) d’après Pablo Picasso (1881-1973), Myrbor Édi-teur
Tapis verre et pipe, d’après le tableau de Picasso de 1917, 144 x 200 cm
Vente du 9 décembre, Ader, Paris
Que ce soit par lui ou d’après lui, les œuvres de Picasso sont toujours un succès aux enchères. Il s’agit ici probablement d’une pièce unique, réalisée entre 1927 et 1929 par Marie Cuttoli, éditrice de tapis d’après des œuvres de ses contemporains. Picasso lui en confia ainsi deux à la fin des années 1920 : Pipes (1918) et Verre et pipes (1917), qu’elle transposa en tapis. Les deux amis renouvelleront cette association à plusieurs reprises jusqu’aux années 1960, mais ces deux tapis seront les seuls tableaux cubistes du maître à être ainsi réinterprétés. Ayant appartenu à Thérèse Bonney, photographe et spécialiste des arts décoratifs et de l’architecture dans les années 1930, ce tapis fut présenté en vente chez Christie’s New York, en 2008, d’un “Artiste inconnu” ! L’heureux adjudicataire de l’époque acheta alors ce tapis pour un peu plus de 20 000 euros.
© Elsen
Belgique, 1834, pièce de 40 francs-or de Léopold Ier
Vente du 7 décembre, Elsen, Bruxelles
À partir de 1832, le tout jeune Royaume de Belgique décide de frapper les premières monnaies en argent et en cuivre pour remplacer les florins néerlandais qui circulaient encore. Le jeune Etat décidait alors d’aligner sa nouvelle monnaie sur celle de son allié français. C’est en effet Napoléon (encore lui) qui imposa le franc germinal à tous les territoires conquis, créant ainsi une première monnaie unique ! Et dont l’usage, malgré les changements politiques, restera inchangé jusqu’à la Première Guerre mondiale, gage d’une stabilité monétaire remarquable. À partir de 1834, on frappa un monnayage d’or non pour le faire circuler, mais en cadeau à des personnalités publiques. On reconnaît l’influence de nos voisins dans l’effigie de Léopold Ier, coiffé d’une couronne de chêne comme son beau-père, Louis-Philippe. L’exemplaire vendu en décembre était donc un rare spécimen, issu d’une émission très restreinte.
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