Martin Boonen
19 November 2020
Un peu plus de 30 ans et une carrière déjà bien étoffée pour Guillaume Smets. Après son diplôme au Vesalius College, le Luxembourgeois d'origine, issu d'une famille de collectionneur d'art, fait un premier stage chez Maruani & Noirhomme. Il file ensuite à Paris, chez Perrotin, puis Artcurial (« une expérience intéressante, mais j'ai rapidement su que je ne voulais pas faire carrière dans les maisons de ventes »). Après un bref retour chez Maruani & Noirhomme en plein divorce, il rencontre à New-York José Martos. Le courant passe et ensemble ils décident d'ouvrir une succursale de la galerie new-yorkaise, Shoot the Lobster, à Luxembourg (« absolument pas rentable », de l'aveu même de Guillaume). Le jeune galeriste rêve de rentrer à Bruxelles et s'associe avec sa grande soeur, Pascaline, acheteuse et directrice créative du groupe Smets fondé par leur maman, pour lancer Stems Gallery, une galerie à l'image du nouveau duo : pointue, branchée, moderne et tournée vers les artistes émergents des États-Unis.
© Stems Gallery |
Eventail.be - Pourquoi quittez-vous votre espace rue de la Concorde ?
Guillaume Smets - On était super bien. Mais finalement, on s'est retrouvé un peu à l'étroit. Notre programme était booké jusqu'en 2023 ! C'était difficile d'expliquer à un artiste qu'on adorait son travail mais qu'on ne pourrait le montrer que dans trois ans. La plupart des artistes ne se projettent pas aussi loin. Ça n'avait aucun sens, ni pour nous, ni pour eux. On avait peur de passer à coté de belles opportunités à cause de ce délai. Alors nous nous sommes mis en quête d'un autre espace, si possible sans quitter ce quartier que l'on adore.
- Que recherchiez-vous ?
- L'important pour moi, c'était de grandir en superficie sans devoir augmenter la taille du staff. C'est ce qui tue souvent les galeries : les frais fixes et le personnel. On devait rester une petite structure, la plus familiale possible et très flexible. Du coup, on a d'abord pensé à faire des travaux dans l'espace que nous occupions déjà, l'agrandir, le rénover... pour ensuite trouver un second espace, accessible sur rendez-vous uniquement (toujours dans un souci de contenir l'équipe). Et puis à force de chercher, je suis tombé sur ce bâtiment qui était trois fois trop grand pour nous.
© Stems Gallery |
- Qu'est-ce qui vous a décidé ?
- En réfléchissant, je me suis dit qu'avec toute cette place, il me suffisait de construire des cloisons légères, éphémères ou mobiles, pour multiplier les espaces et montrer deux solo shows en parallèle. C'était la solution à beaucoup de nos problèmes. Pascaline a tout de suite embrayé !
- Il y a d'autres avantages ?
- Au contraire de notre précédent espace, celui-ci est grand et tout à fait neutre (Guillaume et Pascaline avaient pris le parti, dans leur précédente galerie, de conserver aux murs les lambris et les moulures, donnant un cachet très typé à leur espace, ndlr). Ici, on peut tout faire ! La flexibilité est immense. Nous avons notamment la place pour stocker beaucoup de choses, en plein centre d'Ixelles. La plupart des galeries louent des stocks à proximité de Zaventem par exemple. C'est un coût considérable en moins que nous n'avons plus à supporter. La visibilité depuis la rue est incomparable aussi. Surtout vers une façade classée avec une véritable histoire, intimement lié à l'histoire scientifique belge et mondiale ! Il faut se rendre compte que par ces portes sont entrés ici Albert Einstein et Marie Currie !
© Stems Gallery |
- Vous avez fait beaucoup de travaux avant de recevoir votre premier show ici ?
- En terme de travaux, les galeries, c'est vite fait : des luminaires professionnels, un sol un peu net... L'espace était très brut, et déjà comme ça, Pascaline était prête à accueillir un premier show sans toucher à rien. On a quand même fait un minimum de travaux pour accueillir les gens confortablement. Par contre, on a gardé un maximum l'ambiance brut et minimaliste de cet endroit qui nous plait énormément. Pour l'instant, cela nous correspond bien : on est une jeune galerie avec des petits moyens... on ne peut pas se payer le luxe d'un environnement aseptisé. Et ça nous va comme ça !
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- Dans votre précédent espace, vous aviez également gardé l'esprit du bâtiment en conservant les moulures, les lambris et la cheminée en marbre...
- Garder l'esprit et le style des bâtiments que l'on occupe nous tient a coeur. C'est une démarche que les artistes apprécient. Après, cela nous complique la vie. Dans notre précédente galerie, les murs étaient en brique... je devais parfois faire dix trous pour accrocher un tableau ! Ici, on a enfin un véritable outil professionnel avec une vraie visibilité !
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- Avec ce nouvel espace, la programmation artistique de la galerie va-t-elle évoluer ?
- Nous allons rester sur la même ligne. Mais puisque l'idée, c'est de passer un cap, on voudrait aussi attirer des artistes un peu plus établis, en cours d'installation pourrait-on dire. Tout en laissant une place importante à des acteurs émergents qui sont l'ADN de notre programmation. On voulait quitter l'image de petite galerie de quartier, mais passer de 120 à 450m2, c'est un très gros step d'un coup... À Bruxelles, vu les prix de l'immobilier, c'est possible. Nous ne voulions pas être mégalomane, mais on a vu une opportunité dans un quartier important pour nous. En réalité, ouvrir une galerie d'art dans un bâtiment historique à la façade classée, c'est le rêve !
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- Aujourd'hui démarre votre deuxième show dans ce nouvel espace
- Oui, le premier, avec Alejandro Cardenas, a été très court (du 22 octobre au 14 novembre), et aujourd'hui on présente Nick Doyle (jusqu'au 2 janvier 2021), un sculpteur de Brooklyn qui utilise des matériaux et des symboles typiquement US pour démonter la fabrication du mythe américain. C'est assez critique en fait. Les derniers élections et les rebondissements en politique aux États-Unis font échos à ses oeuvres. C'est brulant d'actualité et Pascaline et moi sommes très fiers de montrer le travail de Nick à Bruxelles.
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