JC Darman
27 April 2022
Cette pièce du jeune auteur (aussi acteur et réalisateur) belge Boris Prager utilise un procédé qui rappelle quelque peu la série de films Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? : recourir au rire pour dénoncer l’aspect ridicule, non pas d’une communauté, mais du racisme méprisant dont cette communauté peut être l’objet. En tout cas, quand on parvient à faire passer l’humour au deuxième degré. Cela ne devrait pas poser de problème pour le spectacle actuel du TTO tant la mise en scène d’Emmanuel Dell’Erba y a insufflé d’outrances.
Les comédiens ne parlent pas, ils hurlent, vocifèrent et s’engueulent en employant les termes les plus orduriers avec des accents hennuyers-liégeois à couper au couteau. Leur dégaine et leurs postures sont d’une incroyable vulgarité et leurs accoutrements d’un mauvais goût parfait. L’action se déroule dans un milieu de « barakis », expression wallonne qui désigne une personne vivant dans une baraque ou une roulotte et, par extension, un individu vulgaire, de la plus basse extraction. À cet égard, la mise en scène s’avère très réussie car au travers de ces immodérations recherchées perce une véritable tendresse de l’auteur pour ses personnages. Il parvient à susciter auprès du public une empathie pour cette espèce de famille Tuche version carolo, attachante par son côté rebelle et anti-petit bourgeois.
Il y a Marlène, la matriarche du clan, jouée par Marie-Hélène Remacle qui ajoute ici un personnage inattendu à la longue liste des rôles qu’elle a interprétés avec talent dans sa carrière. Il y a Jo, sa fille, jouée par Ingrid Heiderscheidt, bonne comédienne (mais aussi historienne, autrice et réalisatrice) que l’on peut voir plus souvent au cinéma qu’au théâtre. La fille de Jo, Esmeralda (Esmé), prête à accoucher, rôle tenu par Julie Lenain, habituée du TTO, qui fait preuve ici d’un plaisant don de chanteuse. Le décor sonore très typé, sur fond de musette, de chansons de Claude François et de Céline Dion a été réalisé par Laurent Beumier. Aurelio Mergola est Giuseppe (Pippo), le frère jumeau d’Esmé. S’agissant du personnage le plus délirant de la pièce, il ne pouvait être interprété dans la sobriété. Enfin, Pierre Lafleur est l’infatué Freddy Starlight, imprésario de chanteuses de kermesses de village. Quant aux thèmes de la pièce, ils sont ceux que l’on peut retrouver dans les tragédies de la Grèce antique ; disons que le traitement diffère.
On rit beaucoup, mais pas aux dépens des personnages ou de leur milieu social. Du moins dans l’esprit de l’auteur, car si le rire a ses degrés, le rieur n’a pas toujours conscience de cette gradation. Mais ce n’est sûrement pas le cas pour les spectateurs habituels du TTO.
Couverture : © Vivien Gheron
Pièce
Tuning
Mise-en-scène
Emmanuel Dell’Erba
Théâtre
Théâtre de la Toison d’Or
Galeries de la Toison d’Or, 396-398
1050 Ixelles
Dates
Jusqu’au 28 mai
Billetterie
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