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Françoise de Lobkowicz, une princesse au service du Liban

Portrait Gotha

Christophe Vachaudez

20 August 2018

© DR

Infatigable, la princesse Françoise de Lobkowicz va fêter es nonante ans en ce mois d'août. Elle se consacre depuis plus de trente ans au sort des plus démunis. Ils sont des milliers à avoir transité par les centres médicaux qu'elle a mis sur pied au Liban à travers une association dans laquelle elle s'investit sans compter avec une abnégation qui l'honore.

Fille de la comtesse Madeleine de Bourbon-Busset et du prince François-Xavier de Bourbon-Parme dont elle a hérité la droiture et le sens du devoir, la princesse a épousé le prince Charles-Edouard de Lobkowicz en 1959. C'est à ses côtés qu'elle va découvrir le pays des cèdres en 1981. Depuis lors, elle partage sa vie entre Paris et Beyrouth et veille à la pérennité d'une initiative qui fait l'unanimité. Elle évoque pour L'Éventail un parcours exemplaire au service d'autrui.

L'Eventail - Madame, en 2017, l'association Malte-Liban a célébré ses 30 ans d'existence. Pourquoi avoir décidé de la créer à l'époque ?

Princesse Françoise de Lobkowicz - Je l'ai créée alors que mon époux était ambassadeur de Malte au Liban car la situation était dramatique. Les Palestiniens occupaient Beyrouth, le sud était sous contrôle israélien et les Syriens étaient dans la Bekaa. Á son arrivée, en 1981, il s'est immédiatement organisé pour mettre sur pied des unités médicales. Très vite, il y en eut onze. J'ai tenu à ne pas abandonner le projet car je connais bien le terrain et les médecins. Aujourd'hui, nous avons un ambassadeur exceptionnel car il a l'expérience de la région. Le marquis Charles-Henri d'Aragon a en effet été ambassadeur de France en Arabie Saoudite, au Koweït et en Syrie. J'apprécie énormément son calme car moi, je pars toujours comme une flèche. Il arrive ainsi à tempérer mes élans.

 
La princesse Françoise de Bourbon-Parme, lors de son mariage avec le prince Charles-Edouard de Lobkowicz, le 7 janvier 1960 © DR 

- Vous souvenez-vous de votre première impression à votre arrivée au Liban ?

- L'impression, c'est ce que nous ressentons, et ce que j'ai ressenti, c'est notre tradition à nous français qui est ici très forte. Saint-Louis avait dit : "Je donne aux Libanais les mêmes droits qu'aux Français" et les choses se sont poursuivies avec François Ier qui a signé un accord avec Soliman le Magnifique afin de mettre les Chrétiens du Moyen Orient sous protectorat français. De même, les bateaux battant pavillon fleurdelisé étaient protégés. Aujourd'hui, la France continue à soutenir le Liban en prenant des positions souvent courageuses. En quelque sorte, j'ai pris le relais de ma famille. Mon mari et moi, ainsi que nos responsables libanais, avons sillonné le pays pour le découvrir, une façon aussi de mesurer les besoins et de déterminer les lieux où implanter nos centres.

- Dans quelles circonstances votre époux a-t-il été nommé ambassadeur au Liban ?

- Jean-Paul II a fait près de 64 appels en faveur du Liban. Il pensait que les Européens avaient un rôle à y jouer et un jour, il décida de convoquer le Grand maître de l'Ordre de Malte et lui demanda ce qui était fait là-bas. Ce dernier répondit que la situation était trop complexe et qu'il n'avait pas l'homme. Le Saint-Père a rétorqué : "Et que faites-vous du prince ambassadeur de Lobkowicz ?". Mon marie était ambassadeur en Côte d'Ivoire et a alors été nommé à Beyrouth. Le Liban est un pays essentiel dans l'équilibre du Moyen Orient. Le président actuel est chrétien, les rapports avec les Musulmans sont très bons. Le Liban est l'un des seuls endroits au monde où il y a une vraie coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans, ce qui est vital.

 
La Princesse avec Michel Aoun, Président de la République libanaise depuis 2016 © DR 

- Quelle est la situation actuelle du Liban avec l'arrivée massive des réfugiés syriens ?

- La situation est catastrophique. Le gouvernement annonce 1.500.000 réfugiés mais on croit qu'il y en a bien davantage car il y a ceux qui ne sont pas enregistrés. Ils sont logés dans des campements sur des terres que l'on cultivait jadis, un vrai problème pour les Libanais qui sont très pauvres, leurs villages sont devenus des poubelles. Au début, les réfugiés furent accueillis à bras ouverts mais trop, c'est trop. De plus, parmi les réfugiés s'infiltrent nombre d'éléments indésirables, sans compter les combats à la frontière libano-syrienne, dans la plaine de la Bekaa, près de Raas Balbeek où j'étais encore cet automne. L'armée a été extraordinaire et a repoussé Daech de l'autre côté de la frontière. Ce qui est incroyable, c'est la population de tous ces villages chrétiens qui s'est mobilisée et qui a demandé au général commandant en chef ce qu'elle pouvait faire pour l'aider et le général a répondu : "Priez pour nous !". Les habitants sont parvenus à rassembler 17 camions de nourriture pour les soldats au combat.

- Séjournez-vous encore parfois au Liban ?

- J'alterne : un mois au Liban puis un mois en France. Á Paris, nous avons un bureau. Au Liban, l'ambassadeur s'occupe en premier lieu de la partie diplomatique et moi, plutôt de l'humanitaire. J'ai une chambre dans chaque centre. De cette façon, j'accomplis mes tournées le jour et je peux m'entretenir avec les médecins, les infirmières et les religieuses le soir venu.

 
© DR 

- Financièrement, comment fonctionnent-ils ?

- Malte-Liban finance une partie de la maintenance et paie entièrement les médicaments. Nous travaillons avec les laboratoires pharmaceutiques dont Biogaran et les malades sont rassurés de prendre des médicaments d'origine française. Certains de nos médecins ont d'ailleurs étudié en France. Afin de remercier les 15.000 donateurs qui nous aident avec tant de générosité, j'édite un bulletin qui me permet de les informer mais surtout de les remercier personnellement. Eux font l'effort de donner de l'argent et moi, je suis témoin du résultat. Il me parait donc important de leur transmettre mon émotion, de la partager avec eux.

- Les religions cohabitent-elles en toute sérénité au Liban ?

- Nos médecins chrétiens travaillent sans aucun problème avec les médecins musulmans. Seule la qualité de l'homme suffit. De même, nous accueillons les malades de toutes confessions. Nous nous rallions à cette phrase de Pasteur : "Je ne te demande ni ta race, ni ta couleur, ni ta religion, mais dis-moi quelle est ta souffrance". Au Liban, c'est la manière de vivre...un vrai exemple ! Les chrétiens portent la croix ils font des crèches pour Noël. Les musulmans ne respectent les chrétiens que si ils sont fiers de leur religion.

La Princesse et son fils, le prince Charles-Henri de Lobkowicz, dont nous vous faisions le portrait ici © DR 

- Quel souvenir de votre enfance vous a le plus marqué ?

- L'arrestation de mon père avec les autos-mitrailleuses qui encerclaient le château. Mon père parlait un allemand parfait et il a tellement protesté qu'il fut le seul d'entre nous à être déporté à Dachau. Les Allemands ont épargné ma mère et nous, les enfants. Il est revenu vivant par miracle. Léon Blum qui l'a rencontré à la sortie de Dachau et était pourtant un socialiste a écrit : '"Je n'ai jamais vu autant de courage et de détermination que chez le prince de Bourbon". Mon père s'entendait très bien avec l'empereur Charles, son beau-frère, et lors de la première guerre mondiale, ils ont tenté d'établir un traité de paix séparée refusé par Clémenceau qui a dit : "Nous n'avons pas besoin d'un prince royal pour sauver la République".

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