Corinne Hubinont
29 January 2025
Dans le règne animal avec une reproduction sexuée et dans l’espèce humaine, le mâle et la femelle ont un patrimoine génétique différent. Chez l’homme, on a 23 paires plus un chromosome X et un chromosome Y. Chez la femme, la présence en plus des 23 paires comme chez l’homme, de 2 chromosomes X, va entraîner des caractéristiques sexuelles distinctes tant au niveau physique que comportemental.
Le comportement humain est-il exclusivement sous l’influence de nos sécrétions hormonales ? La réponse n’est pas aussi tranchée car il est évident que le comportement présente une multitude de facettes dues aussi à l’environnement et aux facteurs psychiques et socioéconomiques.
Les hormones dites « féminines » sont produites par les ovaires sous le contrôle de l’hypophyse, une glande située à la base du cou :
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À côté de ces hormones, il existe des neurotransmetteurs qui sont des agents de transmission entre le cerveau et les glandes comme la sérotonine et la dopamine. Ils vont jouer un rôle dans le comportement sexuel, que ce soit dans le désir, le sentiment amoureux ou encore l’attachement au partenaire.
Depuis une dizaine d’années, la neurophysiologie s’intéresse aux différences anatomique et fonctionnelle du cerveau chez l’homme et la femme. Sur le plan anatomique, le cerveau de la femme est plus petit, représentant 90 % de la taille de celui de l’homme : Heureusement, on y note le même nombre de neurones, ce qui explique que les femmes ont une capacité intellectuelle identique !
L’analyse des structures cérébrales du cerveau féminin montre un développement plus important de certaines parties :
– Le cortex cingulaire antérieur et préfrontal qui ont pour rôle la régulation de l’humeur, du poids et du seuil de la douleur.
– L’Insula et l’hippocampe qui sont responsables de la gestion et de la mémoire des émotions.
Par contre, chez l’homme, on note une augmentation de la taille de l’amygdale, une partie du cerveau responsable du comportement instinctif et agressif.
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Cette différentiation liée au sexe survient durant la première moitié de la vie fœtale sous l’influence de la testostérone. Ce n’est donc pas tant le sexe génétique mais plutôt l’imprégnation hormonale prénatale qui va influencer le développement du cerveau. Ceci pourraient expliquer que certains individus génétiquement hommes (XY) ou femmes (XX) aient un comportement de genre différent. Un taux plus élevé d’hormones males en prénatal pourrait théoriquement prédisposer à une reconnaissance différente des émotions et pourrait même être responsable de certaines formes d’autisme, une maladie qui est beaucoup plus répandue chez les garçons.
Cette dépendance hormonale du cerveau va persister durant toute la vie tant chez l’homme que chez la femme, avec des perturbations marquées lors des grands changements hormonaux de la vie : pour la femme au moment de la puberté, apparaissent les premiers effets de l’imprégnation hormonale qui va entraîner une instabilité d’humeur, une gestion difficile des émotions mais aussi des problèmes de poids.
Lors de la grossesse, le cerveau de la future mère (“Mommy brain”) est soumis à une avalanche d’hormones sécrétées par le placenta : la progestérone qui a un effet “relaxant”, est d’ailleurs utilisée en pratique clinique pour certaines complications (menace de fausse couche ou d’accouchement prématuré). La progestérone est sensée non seulement relâcher les muscles lisses dont l’utérus mais aussi atténuer les manifestations de stress.
Autre caractéristique importante de la grossesse au niveau du cerveau de la femme : elle induit une diminution de la taille de certaines parties du cerveau. Cet effet est temporaire et on n’en connaît pas la raison si ce n’est, peut-être, une réorganisation des structures et du métabolisme cérébral pour entraîner une diminution des capacités de mémorisation et un oubli (amnésie) de certains épisodes désagréables de fin de grossesse. Il serait d’origine hormonale et liée à la sécrétion d’ocytocine déjà présente lors de la grossesse.
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Eh oui, les cerveaux masculins et féminins sont différents. Cependant, ces données neurophysiologiques un peu caricaturales, doivent être prises avec les précautions d’usage car les comportements féminins ne sont pas tous hormonodépendants et aussi parce qu’il existe des caractéristiques neurophysiologiques similaires chez un certain nombre d’hommes normaux ! Néanmoins, ces observations nous permettent de mieux comprendre la problématique complexe de nos comportements surtout en période de grands changements comme la puberté, la grossesse et la ménopause.
Le Baby défi, par Corinne Hubinont, éd. Anthemis, Vie et société, 2009
The Female Brain, par L.Brizendine, éd. Broadway Books, 2006
Fetal testosterone and autistic traits, par Auyeung B, Baron-Cohen S, et al., British Journal of Psychology, 2008
Le Dr. Corinne Hubinont, gynécologue obstétricienne de renom, est Professeur Émérite en obstétrique à l’UCLouvain dont elle a également été pendant des années la cheffe de service clinique du département d’obstétrique (médecine fœtale et maternelle) et la responsable à l’IREC du département de recherche en obstétrique.
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