Martin Boonen
03 August 2021
C’est en 1993, dans le petit Verger des Moines, clos de murs et attenant à la belle ferme seigneuriale de Mellemont (à Thorembais-les-Béguines, dans le Brabant wallon) chez lui, qu’Etienne Rigo et ses deux associés Pierre Rion (devenu entretemps président de l’Association des Vignerons de Wallonie, soit le patron des vignerons wallons) et François Vercheval, plantent les premiers pieds de vigne du Domaine de Mellemont.
Le beau pigeonnier de la ferme seigneuriale de Mellemont © Domaine de Mellemont
Aujourd’hui, à la faveur du réchauffement climatique, les vignobles fleurissent en Belgique, mais à l’époque, il y a presque trente ans, faire du vin en Belgique avait tout du délire agricole. « À l’époque, il y avait un petit côté expérimental » convient Matthieu Dumont de Chassart, l’un des quatre jeunes repreneurs. Il faut croire que les premières expériences furent encourageantes puisque, en 1995, le Domaine de Mellemont comptait déjà 3 400 pieds de vignes. À l’époque, en plus d’être l’un des tout premiers vignobles modernes en Belgique, c’était aussi l’un des plus grands !
Sur deux hectares, s’étendant sur une légère pente d’un terroir plus agricole que viticole, le Domaine de Mellemont produit, à partir d’un assemblage de cépages interspécifiques et traditionnels, des vins, tranquilles et effervescents, en rouge, blanc et rosé, frais et légers. Au fil du temps, ils ont su séduire les plus exigeants des palais, comme celui du chef doublement étoilé Sang Hoon Degeimbre, de l’Air du Temps. Le pinot noir titre, selon les millésimes, à moins de 12°, une qualité rare de nos jours. Son petit passage en barrique lui donne de la structure sans dénaturer sa spontanéité. Il “cousine” avec les vins légers de la Côte de Beaune ou de Nuits en Bourgogne.
La parcelle principale du vignoble du Domaine de Mellemont © Domaine de Mellemont
Les blancs vont volontiers sur les agrumes et les fruits blancs et donnent beaucoup de fraîcheur, en particulier la très intéressante cuvée “Verger des Moines”. Plus gastronomique, sa rondeur vient donner un peu plus de complexité à un ensemble qui conserve sa vivacité. D’une manière générale, les vins du Domaine de Mellemont sont accessibles à tous les niveaux. Ce qui n’est pas encore une vérité absolue quand on parle des vins belges. Quoi qu’il en soit, les vins de Mellemont peuvent compter sur une clientèle fidèle qui écoule chaque année toute la production, et une réputation de valeur sûre du vignoble belge.
Après avoir marqué le renouveau du vin en Belgique, Pierre Rion, François Vercheval et Etienne Rigo ont senti qu’il était temps désormais de passer la main. Le Domaine de Mellemont, avec ses deux hectares de vignes, est donc repris par Antoine de Thibault, Pierre-Alexandre Peters, Matthieu Dumont de Chassart et Marc-Edouard (dit « Marcus ») Humblet. À première vue, le profil de ces quatre repreneurs, tous fraîchement entrés dans la trentaine, peut surprendre. Pourtant, en y regardant d’un peu plus près, les contours du renouveau du domaine commencent à se dessiner.
Les fondateurs du Domaine de Mellemont (de gauche à droite) : Etienne Rigo, Pierre Rion et François Vercheval © Domaine de Mellemont
Matthieu Dumont de Chassart, issu d’une vieille famille de propriétaires terriens et d’agriculteurs brabançons, après 10 ans d’une carrière dans la consultance en santé publique dans des pays émergents en Afrique, avait envie de chausser ses bottes pour arpenter les champs. Actuellement en formation viticole à l’IFAPME, ce sera le viticulteur de la bande. Marcus Humblet, cadet d’une célèbre famille de brasseurs (la Brasserie Bertinchamps, dont nous vous parlions ici) a déjà une belle expertise du processus de fermentation. Avec Matthieu, il s’occupera de la vinification et du marketing pour lequel il a, visiblement, un penchant naturel. Antoine de Thibault et Pierre-Alexandre Peters eux, prendront en charge le volet administratif, économique et business developpement du Domaine. Passionnés par le vin, aux palais déjà très aguerris, ils seront également précieux sur les étapes d’assemblage.
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« La précédente équipe nous accompagnera sur les deux prochains millésimes, précise Matthieu Dumont, le passage de témoin se fera progressivement. » Bien sûr, le quatuor va d’abord se concentrer sur l’apprentissage d’un nouveau métier et donc, dans un premier temps, maintenir les grands principes et directions pris par les précédents propriétaires. Cela ne les empêche pas de réfléchir déjà au développement du domaine. « Nous ne savons pas encore, par exemple, si nous allons continuer avec des cépages traditionnels ou interspécifiques, mais nous savons que nous voulons, à terme, obtenir la certification bio, que nous voulons aussi développer une activité d’œnotourisme avec un chai ouvert aux visites, pouvoir offrir une solution pour déguster les vins sur place et de la restauration »… Reste encore à savoir où : des discussions sont d’ores et déjà en cours. La communication et la distribution sont les deux autres grands chantiers des quatre garçons.
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Pour l’instant disponible dans un petit rayon d’épiceries et de cavistes autour de Thorembais (Grez-Doiceau, Chaumont-Gistoux), le Domaine de Mellemont va viser une plus large distribution et l’HoReCa. « Nous allons faire évoluer un peu la gamme. Peut-être réduire le nombre de cuvées en bulles et en blancs tranquilles. Nous tenons fermement à continuer de proposer des vins accessibles, mais nous réfléchissons à produire aussi des cuvées spéciales en petites quantités et plus premium » précise Matthieu Dumont.
Même si 2021 s’annonce comme un millésime difficile, il nous tarde de savoir ce que les quatre mousquetaires de Mellemont vont tirer de leurs raisins de Thorembais, désormais plus verts que jamais !
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