Martin Boonen
03 May 2024
Entrer chez Paulette à bicyclette, c’est accepter de revoir un peu ses à priori sur la cuisine du Béwé. Point ici de savant marketing, de décors clinquants, de menus à la mode. D’ailleurs, la première impression est un peu déconcertante. On arrive chez Paulette en suivant un joli chemin de campagne comme il en existe de moins en moins dans ce Brabant de plus en plus urbain. Au bout de ce chemin, il y a L’Arbre qui pousse, une de ces fermes qui portent, comme Foster ou Froidefontaine, un nouveau modèle agricole partagé. On y retrouve des maraîchers, des éleveurs, un vigneron (le domaine “Les pieds dans la Dyle“, de Pablo Cremers, un copain de Laurent Mélotte), une boulangerie, un espace de co-working, de l’éducation avec une école Montessori ou l’antenne belge du Schumacher College, les Schumacher Sprouts. À L’Arbre qui pousse, il est aussi question de mobilité (douce, évidemment), puisqu’un magasin et atelier de vélo (Fharbar) y a trouvé sa place. Et c’est justement dans un espace ouvert sur ce magasin que Pra Smetryns à installé son restaurant.
Pra Smetryns © PaB
Incongru ? Peut être. Ou peut-être pas. Car Pra voulait faire de son adresse un hommage à sa propre histoire. Paulette, emmenait Pra, sa petite-fille tout juste arrivée du lointain sous-continent indien dans la campagne binchoise, sur son vélo, faire ses emplettes directement chez les producteurs du coin. Mais le vélo, pour Pra, c’est aussi la réminiscence du Tour du France que ne manquait jamais son grand-père et dont les étapes étaient des prétexte pour rassembler, dans la salon familial, la famille et les amis autour de bonnes choses à boire ou à manger. Pour Pra, c’est tout cela le vélo. Alors partager son restaurant avec un atelier de cycles, c’était parfait pour la cheffe.
© PaB
Voilà pour le décor, mais qu’en est-il de sa cuisine ? Là aussi Pra Smetryns a voulu y mettre son histoire profonde. On retrouve donc partout sur la carte l’intensité des goûts, la variété des couleurs, la force des effluves, la douceur des épices de son Asie natale. On y distingue aussi, avec un immense plaisir, la patte du prodige Sebath Capela, chef que nous avions vu auparavant à l’œuvre chez Élements, le restaurant d’Indrani Lodge. Le chef Capela est en effet venu prêter main forte à Pra le temps que cette dernière se sorte d’un cancer que les médecin lui avait diagnostiqué en décembre 2023. Il en a profité pour imprimer dans le menu, outre son aisance technique et son sens des associations de goûts, sa passion pour son Afrique d’origine.
© PaB
La carte est courte (gage absolu de fraîcheur des produits et une garantie de fait maison) et les choix en sont d’autant plus cornéliens. Comment départager, en entrée, les boules de riz croustillantes au curry rouge et noix de coco, les samosa végétarien (ou à la viande) aux pommes de terre, les falafels indiens, le dahi Vada, le raïta vert au cerfeuil, la focaccia maison au pesto rouge d’épices Gochujang, ou encore l’effiloché de volaille, ail et oignons et son escabèche de choux de Bruxelles ? C’est pire encore pour le plat où il faut trancher entre l’appétissant burger de boeuf de la boucherie Alain (il est également proposé dans une déclinaison végétarienne), les boulets à la bière de Wister-Z (d’une brasserie voisine, à Court-Saint-Étienne) et deux plats fusions : chicons & champignons gourmands (chicons braisés, pommes de terre croustillantes, crème de champignons-châtaignes, crumble de pain) ou le Tikka Masala & Co (volaille marinée au yaourt et aux épices tandoori, sauce tikka masala crémeuse aux tomates confites, cumin, cardamome, girofle, miel belge, coriandre fraîche et noix de cajou). En dessert, une poire confite au vin rosé bio et cardamome (servie avec un sorbet au litchi et un biscuit au granola épicé), les brownies aux pistaches, noix et chocolat noir 75%, ou bien la boule de glace vanille à base de lait de chèvre de la ferme Altitude 150, achèvent de rendre les choix des convives douloureux.
© PaB
© PaB
C’est bien simple : tout sent bon, tout est beau et donne envie. C’est à un véritable voyage culturel et sensoriel que nous convie Pra et son équipe. En fin de compte, ce qui pourrait s’apparenter à un méli-mélo un peu brouillon est en fait savamment réfléchi et surtout très bien exécuté. Les nombreuses techniques de cuisson qui traversent la carte font un sans faute. Les assaisonnements montrent du caractère et s’imposent sans jamais écoeurer. Le ballet des textures flatte le palais. Il y a une âme, quelque chose de joyeux et de rare, dans la cuisine de Paulette à bicyclette.
© PaB
© PaB
Cette réussite, le restaurant le doit autant au brio de l’équipe en cuisine qu’à la qualité des produits, méticuleusement sourcés (et présentés en toute transparence sur la carte). Sans surprises, Pra ne se fournit que chez des producteurs ultra-locaux (et le plus possible à L’Arbre qui pousse). C’est d’ailleurs ce qui crée une grande distorsion dans notre esprit à la fin du repas. Par quelle magie Pra Smetryns parvient-elle, en proposant des produits si intimement ancrés dans leur terroir, à nous faire voyager aussi loin ? Comment arrive-t-elle à donner des accents si exotiques à des produits tellement locaux ? Pour espérer percer les secrets de la cuisine de Paulette à bicyclette, il faudra y revenir, encore, et encore… Comment ne pas s’en réjouir ?
Restaurant
Paulette à bicyclette
Adresse
Chemin du Griffon, 1
1340 Ottignies-Louvain-la-Neuve
Réservations
Par téléphone, uniquement : +32 (0)471/28.27.35
Sur internet
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