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Filippo La Vecchia : “La cuisine simple ne pardonne rien, c’est pour ça qu’elle est difficile”

BruxellesChefFoodGastronomieRestaurant

Martin Boonen

25 April 2024

© Osteria Romna

Arrivé en Belgique, un peu par défaut, il y a plus de 10 ans, Filippo La Vecchia fut l’un des pionniers du renouveau de la cuisine italienne à Bruxelles. Depuis une décennie, le chef romain n’a de cesse de tirer vers le haut la cuisine populaire et généreuse de sa région d’origine : la Latium. Rencontre avec l’un des chefs les plus attachants de la capitale.

Depuis son ouverture, l’Osteria Romana a pris une place unique dans le paysage de la cuisine italienne à Bruxelles. Elle se tient au carrefour des populaires La Mama et I Monticelli (du temps où le restaurant était installé à Saint-Gilles), des bourgeois Al Piccolo Mondo et Emily, et des gastronomiques Senzanome et San Daniele. On entre à l’Osteria Romana comme dans un speakeasy chigagoan, comme dans un restaurant italo-américain du temps de la prohibition. C’est un endroit élégant où l’on vient pourtant s’encanailler. Cette atmosphère baroque, soulignée par les tatouages arborés par le chef, porte en elle toute l’histoire de Filippo La Vechia.

© Osteria Romana

© Osteria Romana

Eventail.be – Quand on vient de Rome, s’installer à Bruxelles, c’est une évidence ?
Filippo La Vechia –
Non, vraiment pas (rires). En revanche, c’est très belge comme histoire puisque c’est celle d’un compromis. Avant de poser mes couteaux à Bruxelles, j’ai beaucoup travaillé aux États-Unis et j’avais très envie d’y revenir. Ma compagne de l’époque avait, elle, pas envie d’aller si loin. Et vous voyez de quel compromis j’ai parlé (rires). J’avais un ami qui vivait ici et je connaissais donc un peu la ville. De ce que j’en savais, je ne doutais pas que la cuisine que je voulais faire trouverait sa place à Bruxelles.

© Osteria Romana

– Comment définiriez-vous la cuisine du Latium ?
C’est une cuisine vraie, directe, intense, c’est une claque dans la figure. Ce n’est pas la cuisine la plus complexe d’Italie. Elle a même un petit côté rustique et populaire, mais c’est un exemple d’équilibre. À l’origine, c’est de la cucina povera, fait avec des produits simples et basiques. Depuis quelques années, ces produits sont devenus beaucoup plus recherchés. Ils se sont anoblis et cela nous permet de tirer cette cuisine humble vers quelque chose de plus bourgeois. La disponibilité de ces nouveaux produits de luxe fait en sorte que, désormais, il me coûte plus cher de faire une recette à base de tripes (spécialités romaines de la cuisine populaire et classiques, ndlr) que des pâtes au caviar ou à la truffe. Amener à l’excellence un plat à base de queue de bœuf, cela va me prendre deux jours. Alors qu’avec de la truffe, cela me prend trente secondes.

© Osteria Romana

– Ce fut difficile de faire comprendre la cuisine romaine aux palais bruxellois ?
Aujourd’hui, le public qui s’intéresse à la cuisine sait ce qu’est une vraie carbonara. Mais quand j’ai commencé en Belgique, personne ne comprenait. Où était la crème ? Qu’est-ce que c’était que ces lardons ? J’entendais que c’était trop salé et on me demandait même où étaient passés les champignons et les petits pois. J’étais révolté ! La carbonara était un plat populaire mais paradoxalement inconnu du grand public ici. À l’époque, la majorité des restaurants italiens en Belgique servait des plats belges italianisés. C’était sans doute une conséquence de l’immigration transalpine en Belgique des années 60’ et 70’. Ces migrants ont participé, à leur façon, à l’histoire culinaire du pays. Le meilleur exemple est votre spaghetti bolognaise qui n’existe nulle part en Italie. Mais les choses ont bien changé : maintenant, on peut trouver du guanciale même en grande surface.

© Osteria Romana

© Osteria Romana

– Y a-t-il des plats ou des recettes que vous ne pourrez malgré tout pas proposer à Bruxelles ?
J’ai essayé de cuisiner des abats ici, mais ça prend du temps à préparer et ça ne se conserve pas très bien. Et puis, trop peu de monde est encore disposé à en manger. Les plats finissaient par me rester sur les bras et j’en étais réduit à en manger à la maison tous les jours pour éviter de jeter. Mais je n’ai pas renoncé complètement. Parce que si proposer des abats est difficile, ce n’est pas impossible non plus. Nous préparons par exemple des tripes de wagyu, une race bovine d’exception. Nous amenons donc ce produit traditionnel de la cuisine romaine mais à l’image ingrate vers l’excellence gastronomique. Cela fait un plat plus léger, plus élégant. Certains de nos clients ne viennent que pour ça.

© Osteria Romana

– Le terme “Osteria” fait référence à l’univers de la brasserie, ce que n’est pas vraiment votre restaurant
En Italie, l’osteria, c’est un bistro, un restaurant de quartier familial. Il y a onze ans, j’ai immédiatement voulu jouer sur le contraste d’une appellation qui fait référence à quelque chose de très simple, mais dans un cadre plus sophistiqué. Depuis, de véritables osterie ont ouvert à Bruxelles et le contraste est moins lisible. Si je pouvais, je nommerais le restaurant aujourd’hui, mais nous priver de notre image et de notre réputation serait une folie à l’heure actuelle.

© Osteria Romana

– C’est donc le choix assumé d’une cuisine simple mais résolument haut de gamme ?
Oui, mais attention : simple, cela ne veut pas dire facile. Une carbonara, c’est quatre ingrédients. Un caccio e pepe, c’est deux ingrédients seulement. On ne peut pas se permettre de se louper. La cuisine simple ne pardonne rien, c’est pour ça qu’elle est difficile. Nous proposons une cuisine simple, mais technique et avec soin méticuleux. C’est de là que naît le raffinement.

L’Osteria Romana chez soi

Jamais à court d’idées pour développer son activité et partager sa cuisine généreuse et savoureuse, Filippo La Vecchia vient d’inaugurer un service de plats à cuisiner à la maison à l’image de son restaurant : élégant et iconoclaste. “En offrant la possibilité d’emporter nos plats, nous préservons la qualité des ingrédients tout en réduisant les coûts superflus liés au service en salle ou encore aux services de livraison, qui coûtent très cher tant au client qu’au restaurateur. C’est une manière de revenir à l’essentiel et de rapprocher nos clients de nous, mais dans le confort de leur foyer », explique le chef. Ce service de take away (disponible du mardi au samedi) propose tous les incontournables de l’avenue Legrand : de la pasta carbonara au luxueux caviar. C’est donc un vrai petit morceau d’Italie (du Latium pour être précis) qui se propose de débarquer dans votre cuisine.

© Osteria Romana

La carbonara, l'or de l'Osteria Romana

Gourmet

[caption id="attachment_22766" align="alignnone" width=""]Les veritables pâtes à la carbonara sont le trésor de l'Osteria Romana[/caption]L'Osteria Romana fait partie de ces adresses chic et discrètes qui renferment des trésors insoupçonnés. Le sien s'appelle carbonara.

Informations supplémentaires

Restaurant

Osteria Romana

Chef

Filippo La Vecchia

Adresse

Avenue Legrand, 11
1000 Bruxelles

Réservations

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