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Ruffus, la vingtaine pétillante !

RuffusVignoble des AgaisesVinVin Belge

Martin Boonen

03 June 2022

La cuvée Ruffus fête ses 20 ans

L’un des tout premiers vignobles du renouveau viticole belge fête cette année ses vingt ans. Après deux décennies, ce qui était une idée folle s’est transformé en une success story belge et wallonne reconnue à l’étranger. L’histoire n’est d’ailleurs pas prête de s’arrêter.

Tous les spécialistes s’accordent pour le dire : Ruffus (et le Domaine du Chenoy, avec ses cépages interspécifiques, dont nous vous parlions ici) ont été les déclencheurs de la renaissance du vignoble wallon… jusqu’alors, il y avait quelques vignerons amateurs, connaissant de diverses réussites, mais aucun domaine n’avait encore franchi le cap de la professionnalisation… Comme a tenu à le rappeler Pierre Rion, président de l’Association des Vignerons de Wallonie, lors de la conférence de presse donnée par le domaine à l’occasion de son jubilé : “Sans Ruffus, y aurait-il eu le Chant d’Eole, le Vignoble du Château de Bousval, le Domaine La Falize, les vins du Château de Bioul et tous les autres, petits, moyens ou grands, qui portent le vignoble wallon à un niveau d’excellence qu’il n’a jamais connu ?” La question est rhétorique. En effet, en 2002, alors que les effets du réchauffement climatique (dont profite le nouveau vignoble belge) ne se faisaient pas encore sentir, planter du chardonnay à Binche avait quelque chose d’insensé. Pourtant, le projet de Raymond Leroy, fondateur du Domaine des Agaises, est encore plus ancien !

Les pionniers

Le vin, Raymond Leroy est tombé dedans à la naissance. Issue d’une famille active dans le négoce de vin à Binche (les Vins Leroy-Prévot), il rentre en Belgique, diplôme d’œnologie de la faculté de Montpellier en poche, bien décidé à développer l’importation de vins français pour la maison familiale. Mais… dans un coin de sa tête… naît aussi le projet d’avoir son propre vignoble. Vendre du vin, c’est très bien. Faire du vin, c’est encore mieux.

Evidemment, racheter un domaine dans un petit coin de campagne française semble le chemin le plus évident. De son regard avisé, il repère pourtant un petit coteau calcaire bien exposé à deux pas de chez lui. Il contacte le propriétaire, Joseph Delbeke, et lui propose d’y planter du raisin… pour faire du vin… Intrigué mais pas fermement opposé, Joseph Delbeke décline la proposition… pour le moment…

Un peu dépité, Raymond Leroy plantera finalement 600 pieds de pinots noirs au fond de son jardin, et s’essaiera comme viticulteur amateur pendant des années. Aujourd’hui, les raisins de son Clos Les Mouligneaux sont toujours ajoutés à l’assemblage du Ruffus.
L’histoire aurait pu s’arrêter là si Raymond n’avait pas rencontré Etienne Delbeke, le fils de Joseph, en 2001. Ensemble, ils reparlent de ce petit coteau de leur région que Raymond avait repéré dans les années 80’. Le moment est mieux choisi pour le négociant et l’agriculteur. Raymond Leroy et Etienne Delbeke tombent d’accord pour consacrer ce bout de terrain à la vigne.

Raymond Leroy

Raymond Leroy © Cici Olsson

Etienne Delbeke

Etienne Delbeke © Cici Olsson

Thierry Gobillard

Thierry Gobillard © Cici Olson

Faire pousser de la vigne, c’est une chose ; vendre du vin en est une autre ; faire du vin, une troisième. Force est d’admettre, que, si Etienne et Raymond n’ont besoin de personne pour les deux premières, en ce qui concerne la troisième, ni l’un, ni l’autre, ne savent vraiment par quoi commencer. Ils demandent alors à Thierry Gobillard, célèbre vigneron en Champagne, de leur donner un coup de main. Séduit par le terroir et le projet, ce dernier accepte de les aider, mais à une condition : planter au moins 2ha de vignes. “Moins, c’est du jardinage” déclare-t-il.

En 2002, les deux premiers hectares de chardonnay sont plantés : le Vignoble des Agaises était né.

Les vignes du Vignobles des Agaises

Après une première plantation de chardonnay en 2002, une deuxième en 2004, 2005 voit l'arrivée du pinot meunier et du pinot noir dans l'encépagement du Vignoble des Agaises. Le domaine fait alors 6ha © DR

Porte étendard de la viticulture belge

Depuis, l’exploitation n’a plus jamais cessé de se développer pour atteindre aujourd’hui 35 hectares. Avec ses 350.000 bouteilles produites par an et 350 km de lignes de vignes, le Vignoble des Agaises est un mastodonte de la viticulture belge. Un succès salué par la critique professionnelle : les différentes cuvées de Ruffus ont en effet briguées, en 20 ans, 29 médailles dans les meilleurs concours internationaux.

Et l’histoire n’est pas prête de s’arrêter : à long terme, les Agaises s’étendront sur 50 ha. Plus près de nous, le vignoble va investir 1,5 millions d’euros cette année dans une nouvelle cave semi-enterrée pour augmenter le temps de vieillissement sur lattes (et donc concevoir des cuvées spéciales, plus âgées).

Le chai de Ruffus

© DR

La cuverie du vignoble des Agaises

© DR

Les vignes de Ruffus

© DR

Un fût de Ruffus

© DR

Festif jubilé

En attendant, l’heure est à la célébration de ces 20 années de succès. Là aussi, le programme est ambitieux. En juin, sortira du chai, 5 ans après la sortie de la dernière cuvée millésimée, une nouvelle édition de prestige qui consacrera l’année 2018. Le même mois, un parcours didactique (gratuit) dans les vignes permettra de découvrir le vignoble.

L'été dernier, un chapiteau couvrait une terrasse festive à côté du chai du Vignoble des Agaises © DR

Les 30 juin, 1 et 2 juillet, deux humoristes (un belge et un suisse) organiseront un spectacle d’1h le long des vignes, suivi d’un repas gastronomique avec le chef Pierre Kaisin à l’intérieur du chai. Rayon gastronomie, les célébrations seront à la hauteur de l’événement. Tous les dimanches en juillet et en août, les chefs Benoît Neusy et Pierre Kaisin s’alterneront pour proposer un repas gastronomique le long des vignes. On monte encore d’un cran lors des nuits étoilées : 8 chefs consacrés par le célèbre guide rouge viendront présenter un menu gastronomique lors de huit dîners exceptionnels. Parmi-eux mentionnons Christophe Hardiquest (Bon Bon**), Eric Fernez (D’Eugénie à Émilie**), Sang Hoon Degeimbre (L’Air du Temps**) ou Hendrik Dierendonck (Carcasse *)… rien que du beau monde ! Mais le clou des festivités, ce sera sans doute la croisière Ruffus. Cinq-cent privilégiés embarqueront pour une croisière en Méditerranée avec l’équipe du vignoble. Au programme : Ruffus à discrétion, le Wine Man Show d’Eric Boschman, un repas (accompagné par 4 cuvées Ruffus) concocté par la cheffe Émilie Fernez (Le Faitout).

Un livre et des Hommes

Un livre rend également hommage à l’histoire des Agaises. Publié chez Sh-Op, on le doit à l’élégante plume de René Sépul. Comme à son habitude, le réputé critique gastronomique s’éloigne du stricte manuel d’histoire pour se pencher sur les hommes et les femmes qui ont construit le projet du vignoble : on y retrouve évidemment les familles Leroy et Delbeke, mais aussi des personnalités reconnues du vin en Belgique qui ont assisté (et parfois participé) à la naissance, puis au développement du vignoble : Fabrizio Buccella, Patrick Fievez ou Eric Boschman pour ne citer qu’eux. Joliment illustré, Ruffus, une histoire belge porte un regard plein de tendresse et d’humanité sur une aventure que seule une poignée prenait au sérieux à son début.

Le livre de René Sepul sur Ruffus fermé
Le livre de René Sepul sur Ruffus

© DR

Si le réchauffement climatique à au moins une vertu, c’est celle de profiter à la vigne belge. Mais jusqu’à quand ? Difficile à dire. Une chose à est sûr : il y a, quelque part en Wallonie, du côté de Binches, une famille et une petite bande de passionnés qui sont prêts à tout pour faire pétiller le vin en Belgique.

© Vignoble du Château de Bousval

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