Florence Thibaut
19 June 2023
Créée par Jean-Jacques Pagnano, à Bruxelles, voici plus de soixante ans, pour aider des hommes sortant de prison à se réinsérer, l’ASBL est plus que jamais nécessaire. Elle offre aujourd’hui différents services de première nécessité et un accompagnement sept jours sur sept, dont des solutions d’accueil d’urgence ; un hébergement temporaire et des activités de formation à l’emploi. “Le fil rouge de toutes nos actions est d’aider nos bénéficiaires à retrouver une certaine autonomie et des conditions de vie décentes”, introduit Ariane Dierickx, directrice générale de l’ASBL depuis 2014.
En 2022, près de 1713 personnes ont été accompagnées par ses soins, dont 319 femmes et trente-six enfants, grâce à une dizaine de services différents, en particulier trois maisons d’accueil qui ont assuré 20 311 nuitées et servi 35 635 repas. 92 personnes ont également pu être relogées. Depuis des années, l’équipe de l’ASBL se rend compte que ses services sont peu utilisés par les femmes vivant en rue. Elles sont à peine 10 % à venir dans les centres. “Le sans-abrisme a trop longtemps été pensé au masculin. Le constat est sans appel : notre secteur a beaucoup de difficultés à répondre aux besoins spécifiques des femmes”, note la directrice de l’Îlot.
www.franktoussaint.be, KBS_Venture Philantrophy_L'Ilot-Ariane Dierickx
Suivre les trajectoires féminines
Pour mieux comprendre l’ultra discrétion des femmes auprès des services d’aide, une vaste étude-action est menée sur le terrain en 2021. Parmi ses apprentissages phares, un nombre de femmes sans abri ou mal logées qui dépasserait largement les 20 % recensés actuellement. “Cette sous-représentation des femmes dans les chiffres est liée à un phénomène appelé le ‘sans-abrisme caché’ qui les concerne particulièrement. Ainsi, pour ne pas se retrouver dans la rue, elles ont toutes sortes de stratégies d’évitement : elles dorment une nuit chez une relation, une autre dans leur voiture et échappent aux statistiques, précise encore Ariane Dierickx. Elles ont également de multiples techniques d’invisibilisation dans l’espace public. Par exemple, elles se masculinisent ou se déplacent continuellement, jusqu’à parfois marcher toute la nuit, ce qui les rend très discrètes, voire invisibles.”
Autre constat dégagé : l’offre de services actuelle ne leur est pas adaptée. Elles subissent davantage de violences que les hommes et évitent les centres par peur des agressions. “La plupart ont connu des parcours de violences, qu’elles soient conjugales, familiales, sexuelles ou physiques, qui les poussent dans la rue. Mieux comprendre les trajectoires est essentiel pour apporter les bons services.” Face à l’urgence d’avoir des infrastructures adaptées, l’ASBL décroche un financement de la Cocom pour ouvrir enfin un centre pensé par les femmes pour les femmes avec, dans un premier temps, une soixantaine de places. “L’équipe sur place sera entièrement féminine. Chacune sera formée sur les violences de genre et aux droits des femmes, afin que les bénéficiaires puissent se sentir en sécurité et à l’abri.” Le nouveau centre, qui ouvrira ses portes dans le courant du mois de juin sur le parvis de Saint-Gilles, aura également un impact sur les familles. Environ 20 % des enfants sans abri recensés accompagnent en très grande majorité leur mère. “En aidant les mères, on casse le cycle de la précarité. Nous vivons dans un pays relativement riche. Ce n’est simplement plus acceptable que des gens soient obligés de vivre dehors”.
L'îlot
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