Marcel Croës
22 February 2023
Le film de l’Allemand Robert Schwentke évoque les derniers jours de celui qui fut le conseiller de l’empereur : tombé en disgrâce, le noble penseur n’eut d’autre choix que de se donner la mort.
Le réalisateur nous a expliqué qu’il avait été fasciné par la personnalité de Sénèque. L’homme prônait le mépris des biens terrestres, mais il était en même temps un des citoyens les plus riches de l’empire. Philosophe stoïcien, il enseignait la moralité la plus stricte, mais il mettait son intelligence et son érudition au service d’un despote. Au fond, ce récit m’apparaît comme une sorte de parabole liée à l’actualité la plus brûlante. À travers la figure de Sénèque, on ne peut s’empêcher de penser à ces conseillers-philosophes qui gravitent paraît-il autour du président Poutine… Dans le rôle titre, John Malkovich s’affirme une fois de plus comme un maître de l’understatement : sa diction parfaite et son jeu d’une sobriété exemplaire sont un régal.
On connaît trop peu chez nous la poétesse et romancière autrichienne Ingeborg Bachmann. Le film de Margarethe von Trotta, Voyage dans le désert, fait revivre une personnalité complexe : une femme indépendante, à la fois fragile et volontaire, dont la vie sentimentale fut traversée d’orages. Au fond, elle avait mis en pratique le polyamour bien avant que la chanteuse Angèle n’en fasse un slogan.
Ronald Zehrfeld, Margarethe von Trotta, Vicky Krieps © Sandra Weller/Berlinale 2023
Dans le film de Margarethe von Trotta – toujours active à 81 ans, elle fut avec Volker Schlöndorrf, Fassbinder et Werner Herzog une des pionnières du nouveau cinéma allemand – il est question de deux épisodes : la relation d’I.Bachmann avec le dramaturge suisse allemand Max Frisch, qui se termina par une rupture douloureuse avec un macho jaloux et dominateur ; et la fuite de la poétesse dans le désert égyptien en compagnie d’un autre homme. Féministe avant l’heure, l’auteur de Malina (son unique roman) apparaît ici comme une héroïne atypique, rebelle à la dictature du patriarcat, quitte à en souffrir psychiquement et physiquement. La salle a été impressionnée par la prestation de la jeune comédienne Vicky Krieps, découverte récemment dans Corsage.
© Wolfgang Ennenbach
Quelques jours à peine avant l’ouverture de la Berlinale, on apprenait la disparition à 91 ans du réalisateur Carlos Saura. Le directeur du Festival a aussitôt décidé de rendre hommage à celui qui a été un des créateurs emblématiques d’un nouveau cinéma espagnol sous Franco, puis dans la période qui a suivi le régime du Caudillo (La Chasse, Cria Cuervos, Tango et tant d’autres longs métrages où s’exprime un amour de la vie et de la liberté). J’ai vu hier le dernier film du maître, tourné en 2022, un documentaire intitulé Les Murs parlent où le cinéaste joue son propre rôle. Saura a été fasciné par les liens entre les peintures rupestres de grottes préhistoriques comme Altamira, et les créations spontanées des muralistes et virtuoses du graffiti qui fleurissent dans les villes espagnoles. Le frère du metteur en scène et ses proches collaborateurs étaient présents à cette projection où l’émotion était palpable dans la salle.
Photo de couverture : © Filmgalerie 451
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