Maxime Delcourt
04 April 2024
Eventail.be – Vous êtes êtes à la fois agent et manager de groupes au sein d’Odessa, mais aussi musicien au sein de Pale Grey ou Dan San. D’où est venue l’envie de créer un projet en solitaire comme Danube ?
Maxime Lhussier – Disons que j’ai toujours eu besoin de rester musicien pour garder une forme d’équilibre au sein de mon quotidien. On pourrait se dire que ça fait beaucoup de projets, entre le Dan San sorti l’année dernière et celui qui arrive le 19 avril, plus solaire que le précédent, mais Danube est un projet plus solitaire, né pendant le confinement. J’avais envie de proposer une musique plus légère, plus ouverte, à entendre comme une invitation au voyage.
– Cities contient en effet sept morceaux, tous nommés d’après une ville européenne. Pourquoi ce choix ?
–J’ai la chance de voyager grâce à la musique, que ce soit via les tournées de mes groupes ou en tant que manager pour accompagner certains de mes artistes dans différents festivals. Au bout d’un moment, j’ai eu envie de composer des mélodies en référence aux différentes villes qui m’ont marqué, de traduire en notes leur énergie, même si celle-ci est forcément biaisée, dans le sens où mes séjours se font très souvent dans des festivals de musique, entouré de gens qui ont globalement les mêmes sensibilités que moi. Par exemple, j’adore Paris, je suis toujours heureux d’y aller, mais je sais aussi que je ne suis jamais impacté par les clichés ou les aspects négatifs de la ville (les gens pas sympas, le prix des loyers, etc.). Ma vision n’est pas neutre, j’en conviens, mais je tenais à la traduire en mélodie.
– En même temps, l’art n’a peut-être pas vocation à être systématiquement documentaliste. Il peut aussi être au service du rêve, de l’émerveillement…
– Totalement, et c’est pour ça que j’assume complètement ma démarche ! Au moment de composer Bruxelles, par exemple, je sais que j’ai encore en tête cette vision édulcorée de la ville lorsque j’y vivais, il y a une sorte de fantasme de l’homme que je pourrais être si j’y étais resté. Mais j’aime ce que cela suggère, j’aime l’idée de pouvoir mettre en son une vision fantasmée de la ville.
– Jusqu’ici, tu avais toujours œuvré au sein de différents groupes. Cette aventure en solitaire est-elle née d’une frustration ?
– En quelque sorte, oui. En groupe, il y a toujours des idées auxquelles on tient qui sont refusées par les autres membres. C’est normal, c’est le jeu. Pendant le Covid, je me suis toutefois retrouvé soudainement avec toutes ces idées non abouties et tout ce temps à tuer. J’en ai donc profité pour approfondir, peaufiner et affiner l’identité de toutes ces mélodies, notamment via un clavier analogique et des guitares que je m’amusais à faire sonner différemment, simplement dans l’idée de triturer les instruments et de coller avec certaines sonorités typiques des villes évoquées. Pour Lisboa, par exemple, il y a cette guitare vaguement flamenco. Ce sont des clins d’œil, des expérimentations qui, en un sens, en y repensant à présent, m’ont probablement aidé à voyager pendant une période où le monde entier était confiné.
© Mayli Sterkendries
– Cities a beau être un EP très mélodique, propice à la rêverie, Berlin, le premier morceau, s’ouvre malgré tout sur un déluge de sons presque bruitistes. Avais-tu envie de prendre le contrepied de ce que l’on connaît de toi via Dan San ou Pale Grey ?
– Disons que j’ai voulu me faire violence (rires). Je me suis imaginé dans la cave d’un club à Berlin, et je voulais transposer cette rage de vivre, ce lâcher-prise. Ça se traduit via une grosse basse complètement distordue et compressée, avec plein d’overdubs, avant de revenir petit à petit vers un propos plus mélodique, plus doux, qui correspond davantage à mes goûts.
– À l’écoute de Cities, on pense à des artistes comme Kiasmos et Caribou. Qu’est-ce qui te plaît dans la musique de ces artistes ?
– Je ne suis pas quelqu’un de dépressif, mais j’aime cette touche mélancolique dans leur musique. J’aime aussi ces progressions de notes mineures, ce côté cinématographique qui, paradoxalement, provoquent des émotions joyeuses. À l’origine, je suis un très grand fan de la scène post-rock (Mogwai, Explositions In The Sky), et je vois chez ces artistes une évolution de ce style, notamment dans leur façon de s’autoriser le temps long, de laisser à la musique le temps de s’exprimer pleinement. Modestement, ça a également mon ambition sur Cities.
Photo de couverture : © Mayli Sterkendries
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