Martin Boonen
16 August 2018
Le Notos, meilleur restaurant grec de Bruxelles ? C'est sûr ! De Belgique ? C'est probable. Du monde (en dehors de la Grèce) ? C'est possible. Le restaurant du Châtelain a reçu cette récompense honorifique il y a quelques années.
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Oubliez tout ce que vous savez sur les restaurants grecs ! Ici, pas de colonnes doriques en stuc, pas de feuilles de vignes pour décorer les tables ou de nappes aux couleurs méditerranéennes. Le cadre (en plein coeur du quartier du Chatelain, à Bruxelles) est sobre et élégant. Un peu intimidant même peut-être. Ici, pas de chichis : la star, c'est le produit.
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Et même si ça devient un poncif de tous les blogs culinaires et gastronomiques, force est de constater que c'est particulièrement vrai au Notos, et ce depuis des années. Le chef, Constantin Erinkoglou, n'aime visiblement pas les dressages tapageurs et spectaculaires. Pas d'esbroufe, rien que du bon, du très bon et surtout : très bien fait ! Tout est préparé minute et avec une précision redoutable. C'est cette maitrise implacable et cette sobriété qui justifie l'étiquette gastronomique que porte le Notos.
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Également réputé pour la qualité des flacons qu'il propose, le Notos propose désormais à la dégustation des vins jusqu'à présent décriés par les spécialistes : les retsina. Les retsina, ce sont ces vins que l'on sert, chers et vilains, aux touristes au pied du Parthénon, et dont le goût, épouvantablement épicé, sert surtout à masquer leurs lacunes oenologiques.
Le vignoble grec © DR |
Il va sans dire qu'il y a peu encore, le Notos n'envisageait même pas d'en mettre à la carte. Alors, ce bastion de la délicatesse et du bon goût cède-t-il bassement à la tentation du folklore ? On vous rassure tout de suite : la réponse est non ! Mais avant de vous dire pourquoi, il est peut-être bon de rappeler ce que sont les retsina.
Les retsina ont une histoire ancestrale. Elle remonte à l'Antiquité. À l'époque, le vin était stocké dans des amphores en terre. Pour protéger les vins qu'elles contenaient de l'oxydation, les Grecs prirent l'habitude de badigeonner les parois intérieures des amphores de résine de pin. Si le procédé était efficace pour empêcher l'air d'altérer le vin, il est inévitable que la résine ne finisse par y infuser. Ce procédé n'est donc pas sans conséquences oenologiques. Mais c'est ce qui fait toute la spécificité et l'intérêt des retsina ... quand ils sont bien travaillés.
Le chef du Notos, Constantin Erinkoglu © DR |
Et c'est précisément ce qu'a trouvé Constantin Erinkoglou et son équipe avec le domaine Domaine Stelios Kechris. Entreprise familiale plus que centenaire, la génération actuelle s'est échiné à rendre ses lettres de noblesse à des vins dont la réputation était complètement défaite.
Appliquant les standards internationaux des vins haut de gamme à la viticulture de leurs parcelles, puis à la vinification du vin, Stelios Kechris a créé (à partir du fameux cépage grec Assyrtiko) en 2006, une nouvelle génération de retsina, résolument moderne et capable de tenir la dragée haute à des vins issus de vignobles plus huppés.
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Pour accompagner notre assiette hellénique (aubergine fumée, artichaut violet et tarama, lentilles vertes au gingembre, galette de tomate, fava kaparokoumb), nous dégustons un retsina rosé du domaine Kechris. Surprenant, les épices conférées par la résine de pin sont bien présentes. Cette robustesse lui permet d'être associée, sans aucun problème, avec les plats que l'on nous sert. Les épices délicates de l'assiette répondent superbement à ceux du verre. La surprise est excellente et on attend la suite avec impatience.
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La suite, c'est Afros, du même domaine. Un retsina blanc et sec, légèrement voilé (il n'est pas filtré). La présence d'un tout petit peu de gaz carbonique traduit une grande jeunesse. Une petite faiblesse rapidement compensée par sa belle fraicheur, minérale et végétale (l'apport de cette résine de pin, toujours). À nouveau, il accompagne merveilleusement bien le trio de ravioles dans un bouillon que le - très attentionné - maitre d'hôtel nous sert en même temps.
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Alors que nous attentions du rouge, le dernier retsina que nous goûtons est blanc (et sec) lui aussi. Avec ce Tear of the pine (littéralement « larme de pin »), nous passons encore dans une catégorie supérieure. Il ressemble au Afros précédent, mais en plus élégant dans tous les domaines. Plus minéral, les notes de pins viennent toujours relever l'ensemble, mais elles sont plus fondues : elles interviennent moins intempestivement au palais. Elles donnent un relief légèrement boisé à ce vin sans pour autant faire penser le moindre instant à celui d'un chardonnay bourguignon, par exemple. Étonnant et formidable, surtout accompagné du veau glykanissos à l'orange et anis étoilé, lui aussi extrêmement frais et vif en bouche !
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Avant de passer les portes du Notos, nous n'avions jamais bu de Retsina, ni même de vins comparables. Du coup, nous n'avions jamais bu non plus de ces mauvais retsina que l'on sert partout dans les gargotes à touristes. Difficile donc d'évaluer la différence entre ces derniers et les superbes flacons dégustés au Notos.
En revanche, l'équipe de Constantin Erinkoglou a définitivement fait évoluer nos aprioris et préjugés sur ces vins millénaires, malheureusement trop souvent maltraités par les vignerons locaux, aux dépends des touristes et de la gastronomie grecque toute entière. Il faut donc rendre hommage au Notos, à son chef et ses équipes, pour cette prise de risque. Et pour ça, quoi de mieux que de se laisser tenter sur place ?
NotosRue de Livourne, 1541000 Bruxelleswww.notos.bePublicité