Agnès Zamboni
31 December 2024
Fauteuils Allaperto Mountain en teck décapé, création Matteo Thun & Antonio Rodriguez. Lampes Ginger en teck naturel et aluminium, création Niccolò Grassi © Ethimo
Hommage aux architectes et designers pionniers de l’aménagement des chalets et des premières stations de ski dans les années 1950-1960. Cet esprit s’incarne dans le charme vintage de la Casa Garelli, dans le Val d’Aoste, ou de la Villa K2, maison personnelle de Carlo Mollino à Agra, sur le lac Majeur. La structures de ses meubles sculpturaux et très expressifs présente des éléments biomorphiques stylisés, inspirés notamment des bois de cerf, quand elle ne réinterprète pas des traces dans la neige. Cet univers élitiste croise les idées modernistes et plus démocratiques de Charlotte Perriand. Cette créatrice, passionnée de montagne, a participé activement, pendant vingt ans, à l’aménagement de plusieurs grands ensembles aux Arcs. Dès les années 1930, la création de son Refuge tonneau véhicule une nouvelle gestion de l’espace, tandis que l’aménagement de son propre chalet, à Méribel, intègre des influences japonaises. Dans cette fusion des inspirations, l’élégance à l’italienne se teinte d’un mode de vie qui va à l’essentiel, mixant passé et présent. Le chalet traditionnel, revu et corrigé, avec des meubles plus fonctionnels, met en évidence une idée de confort simple et chaleureux. Les couleurs vives (rouge, bleu et vert) rehaussent les tons de bois. Les tissus écossais et à carreaux sont à l’honneur, avec des mailles tricotées et des textiles à bouclettes. Les matériaux et objets de style industriel, des trouvailles de brocante et de l’art populaire chinés sur les marchés aux puces de la région apportent de la personnalité à l’espace.
Papier peint panoramique Green Lake © Les Dominotiers
C’est un univers magique de matières et de couleurs uniques, bien plus riche qu’une simple couche de neige immaculée apparente. Le spectacle de la nature, ses paysages et ses sommets, nous offre le plus beau des modèles pour orchestrer la décoration de notre intérieur. Dans la transparence des textures brisées, la finesse des broderies du givre, le mouvement des draperies ou le mille-feuille des graviers, les fines couches de glace dessinent des motifs aléatoires. Les matières, toujours en mouvement, passent du cristal au duvet ou déclinent un chapelet de bulles provoquées par le regel. Blanc, bleu, vert, noir, granit, couleur terre marron ou chocolat, or ou bronze… les jeux de couleur de l’eau gelée et la fusion des matières tutoient les gris argentés et les anthracites les plus profonds. Éternelles et éphémères flaques de ciel, gigantesques cavités de la roche, ombres des crevasses, coups de gouges ou nids d’abeille résultant de la fonte causée par l’air chaud turbulent qui s’engouffre dans les cavernes, ici, le mouvement figé est roi. Le sérac et sa fracturation, la congère aux allures de meringue, tout évoque un univers de courbes et de reptations.
Comment retranscrire cette poésie dans votre intérieur ? Avec des objets en résine ou en verre translucide, des effets de surfaces opaques en papier, plâtre ou velours sur lesquelles glisse la lumière. Sans oublier les objets aux lignes organiques, les motifs marbrés et abstraits, les reliefs tourmentés et les teintes en subtils dégradés.
Collection de linge de table en lin lavé, Libeco. Photo : © Libeco
Retour aux sources avec des matériaux et lignes sobres, des objets d’esprit brut, façon artisanat local. Fabriquées à partir de chutes de production, de matières et textiles de recyclage, façon patchwork, les formes irrégulières et imparfaites sont travaillées à la main et flirtent parfois avec la philosophie du wabi-sabi. La tendance valorise les restes de bois, qui permettent aux arbres en pleine croissance de se développer dans de meilleures conditions. On note aussi l’assemblage des meubles par tenon et mortaise, les techniques des chaisiers d’antan pour faire naître des objets qui ont une âme. C’est le retour de la laine lavée et filée, du mohair, de la fourrure d’animaux d’élevage. Les créations issues de traditions vernaculaires, dépouillées de tout détail décoratif superflu, racontent la simplicité de la vie rurale dans les alpages, réinterprètent et ressuscitent une décoration quasi monacale, avec des archétypes du mobilier, comme la table de ferme, la chaise paillée, le banc-coffre, les pièces de vaisselle essentielles, le linge de maison en lin et chanvre, la céramique en grès… Outre le bois local, d’autres matières sont à l’honneur : la vannerie d’osier (notamment pour les paniers) et de rotin (pour les meubles), le cuir tanné écologiquement ou les tapis en feutre, considéré comme le plus ancien textile connu. À la rusticité de l’architecture alpine on oppose des formes contemporaines ponctuées d’éléments traditionnels revisités.
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