Sarah Belmont
11 April 2022
© The NEW Hotel
Il est idéalement situé, à deux pas – top Cronos ! (*) – de la place Syntagma, cœur battant de la ville d’Athènes qu’encadrent notamment le musée Benaki et l’inénarrable Acropole. Ouvert en juillet 2011, le NEW Hotel s’impose comme le plus central des trois membres du groupe YES ! Hotels, fondé en 2004 par le collectionneur grec Dakis Joannou. L’établissement, fort de 79 chambres décorées avec le plus grand soin, a d’ailleurs la particularité d’abriter une impressionnante collection d’œuvres d’art contemporain. Visite de bas en haut.
Le sous-sol n’échappe pas à sa fonction d’exposition. Les murs de la salle de sport, tout d’abord, arborent une série de photos dominée par un bleu profond propice soit à stimuler, soit à apaiser la clientèle sportive. Ladite installation intitulée A NEW Kaktorium a été conçue – comme le suggère son nom – pour le NEW, par Tassos Vrettos. Dans la prolongation de cet espace comportant également une cabine de soins se profile le Business Corner où trône, passé une rangée d’ordinateurs, Monument for X (1998), vidéo d’un baiser passionné filmé dans son intégralité par l’artiste écossais Douglas Gordon (Turner Prize 1996). Gardez-vous de passer vos appels téléphoniques depuis la cabine Numbers Runners (1979). Elle est l’œuvre de Laurie Anderson, musicienne et réalisatrice américaine réputée pour sa grande polyvalence.
© The NEW Hotel
Le rez-de-chaussée rend peut-être le mieux compte des intentions du propriétaire. Dakis Joannou, ne souhaitant pas faire appel à des architectes aguerris dans le domaine de l’hôtellerie, a confié la décoration de son établissement aux frères Campana, surtout connus pour leur rapport responsable à l’environnement. Et pour cause ! Le NEW est le fruit d’un recyclage, ou plutôt d’un surcyclage (upcycling, en v.o.) devrions-nous dire. Dans les années 1950, le bâtiment était occupé par l’Olympic Palace, dont le mobilier imaginé par Iasonas Rizos tapisse désormais les parois de l’entrée et du restaurant. Cette fresque au relief unique, le tandem brésilien l’a baptisée Favela Wall, en référence aux bidonvilles qui prolifèrent dans leur pays natal.
Les luminaires suspendus au plafond du NEW Taste (où le petit déjeuner est servi aux aurores, afin que les lève-tôt puissent explorer la ville à l’abri du soleil) ressemblent comme deux gouttes d’eau aux lampes qui surplombent le Café Campana, inauguré en 2011 (quelques mois avant le NEW…) au 5e étage du musée d’Orsay. Ce n’est pas un hasard ! Il s’agit du même modèle. Dans cette salle à manger moderne se détachent des chaises en velours aussi rouges et dodues que des tomates. D’où leur nom : Tomato Chairs. Leurs pendants jaune anis occupent le dernier étage.
© The NEW Hotel
D’autres sièges contribuent à asseoir la singularité des frères Campana : la Newspaper Chair, par exemple, revêt habituellement une sélection de journaux internationaux, mais la crise sanitaire en compromet actuellement la livraison. La voilà donc bien dénudée. Chaque chambre possède au moins une Ladder Chair, reconnaissable à un long dossier en forme d’échelle. Sans oublier la Hanger Chair, que couronne un cintre, la Cork Chair, en liège, la Layer Chair, qui consiste en une superposition de plusieurs couches de tissus bigarrés, et l’Abacus Chair, doué d’un boulier multicolore, chacune postée devant l’ascenseur à un étage différent.
© The NEW Hotel
Les tables circulaires stockées au niveau de la mezzanine, surnommée Workshop Floor, renferment les lettres qui composaient autrefois l’enseigne de l’Olympic Palace. À côté, dans une vitrine, se trouve Always Lost, Never Alone (2014), couple de figures mythologiques, probablement un Minotaure et un centaure, qu’une sculpture picassienne aurait inspiré à Johnson Foster. Apparaît sur le mur d’en face Applause (1997) de Jack Pierson, signe utilisé sur les plateaux pour provoquer les applaudissements du public. Ainsi, l’artiste détourne une injonction, un réflexe, en un objet de contemplation. Les toilettes des femmes valent également le détour : dans ce cabinet entièrement vêtu de miroirs à la manière d’une infinity room de Yayoi Kusama, se cache une photo de Barbara Kruger datée de 1985.
Avec le NEW, les frères Campana signent leur toute première création hôtelière. La fratrie a toutefois tenu à s’entourer d’étudiants en architecture et design de l’université de Thessalie, afin d’apporter une couleur locale à leur travail. Et ces derniers de déterminer trois thèmes à décliner dans les chambres. Les unes rendent hommage à Karaghiósis, personnage archétypique du théâtre d’ombres turc et grec. Les autres invitent à voyager dans le temps, à travers des collages de vieilles cartes postales d’Athènes. La dernière catégorie est placée sous le signe du “mauvais œil” (vaskania), motif bleu et blanc paradoxalement à même de conjurer la malchance.
Outre sa vue exceptionnelle sur l’Acropole, l’Art Lounge du 7e et dernier étage ne manque pas d’art. Une sélection d’affiches de Jeff Koons mène au bar derrière lequel se déploie une bibliothèque de quelque deux mille ouvrages thématiques, essais esthétiques, guides, catalogues d’expositions… à consulter sur place, autour d’un verre ou d’un plat aux saveurs méditerranéennes. En face, au-dessus de tables soigneusement dressées, ressort une inscription, iiNtendto (2016), contraction de “I intend to” (“j’ai l’intention de”…) qui reprend la charte graphique de Nintendo. Ainsi Olga Migliaressi-Phoca, plasticienne grecque qui aime inventer des jeux de mots à partir de logos célèbres, exhorte à l’action. Pas question de végéter devant une console de jeux : il convient plutôt de profiter au maximum de ce que le NEW et Athènes ont à offrir. En avant !
* Cronos est le père de Zeus, le maître des dieux, dans la mythologie grecque.
Adresse
The NEW Hotel
Filellinon 16
Athènes 105 57, Grèce
Téléphone
+30 21 0327 3000
Réservations
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