3 / 3 épisodes
Corinne Le Brun
30 May 2022
Coupez ! « Le Festival se retire mais pour les films c’est maintenant que tout commence » a plaidé la maîtresse de cérémonie Virginie Efira. La 75e édition du Festival de Cannes aura brillé par une sélection de qualité, l’absence de coups d’éclat majeurs et par une kyrielle de prix.
Le président du jury Vincent Lindon en redemande : « Un seul mandat d’une dizaine de jours seulement. Vous trouvez ça normal ? (…) Innovons ! Et commençons par nous. Soyons réalistes, demandons l’impossible en 2023 : reconduisons un groupe qui s’est acquitté de sa tâche avec sérieux et passion. »
Le jury du Festival de Cannes a donc récompensé le très clivant Triangle of Sadness (Sans filtre) du cinéaste suédois Ruben Östlund, Un brûlot satirique sur l’éternelle lutte des classes, une critique ironique du luxe et des ultra riches. Après l’excellent The Square, c’est sa deuxième Palme d’or. Désormais, il rejoint le club très fermé de cinéastes qui ont reçu deux Palmes d’or. Comblé, comme il y a cinq ans, le vainqueur suédois a tenté de faire rugir la salle.
Le jury a eu du mal à trancher. Résultat: des ex aequo comme ce double Prix du jury décerné à Stars at Noon de Claire Denis et à Close de Lukas Dhont qui était l’un des favoris pour la Palme d’or. La salle était debout et les applaudissements nourris pour le jeune cinéaste belge, 31 ans, et le très jeune acteur Eden Dambrine, qui a subjugué la Croisette dans ce drame vibrant, son premier rôle au cinéma. Ex aequo également les deux Grands prix : Les Huit Montagnes du couple belge Félix van Groeningen et Charlotte Vandermeersch et EO du Polonais Jerzy Skolimowski . « Je voudrais nommer mes six ânes, tous italiens, de Sardaigne, avec une croix sur le dos: Tako, Ola, Marietta, Cipolino Ettore, Rocco et Mela. Merci à mes ânes. Hi han ! ». a lancé un Jerzy Skolimowski placide et très drôle. Assurément, le discours le plus surréaliste de la soirée comme chaque séquence de son EO, très inventif. « Nous avons réalisé un film qui parle des quatre saisons de la vie qu’on a qu’à accepter. On a été forts et fragiles, ensemble. Je t’aime, merci » a osé Charlotte Vandermeersch aux côtés de Félix van Groeningen. Et en guise de déclaration d’amour, un baiser fougueux !
Felix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch © Borde-Jacovides / Bestimage
« C’est beau, non, de s’embrasser ? C’était très émouvant le baiser » a enchaîné Carole Bouquet. Répondant au baiser des réalisateurs belges, l’actrice française et le président du jury du 75e festival de Cannes Vincent Lindon se sont embrassés à leur tour. « C’est ça, le cinéma ! », a renchéri l’actrice française. Et de poursuivre, avant de remettre le prix spécial 75 ans du Festival de Cannes : « 75 ans, c’est l’âge de la joie retrouvée. Et ce n’est qu’un début.» Et ils étaient deux à fêter l’anniversaire. Jean-Pierre et Luc Dardenne seront les seuls à avoir ce prix exceptionnel, pour Tori et Lokita, un drame sur une invincible amitié entre deux jeunes mineurs réfugiés face aux terribles épreuves de l’immigration. « Nous serons quatre à vous remercier ce soir, Tori, Lokita, mon frère et moi-même. Nous dédions le prix à un boulanger de Besançon qui s’est battu pour que son apprenti réfugié africain ne soit pas expulsé » a commenté Luc Dardenne.
© Borde-Jacovides / Bestimage /Photo News
Le prix d’interprétation féminine a été attribué à Zar Amir Ebrahimi, protagoniste du film Holy Spider, d’Ali Abbasi. « Ce film parle des femmes, de leur corps. C’est un film rempli de haine, de mains, de pieds, de seins, de sexes, tout ce qu’il est impossible de montrer en Iran » a déclaré l’actrice iranienne dont la carrière a été brutalement interrompue en 2006 à cause d’un scandale sexuel. Scandale qui l’a poussée à quitter son pays pour la France.
Le prix d’interprétation masculine a été remis à Song Kang-ho, à l’affiche du film japonais Decision to leave (Les Bonnes Etoiles), de Hirokazu Kore-eda. Chouchou du Festival depuis la Palme d’or décernée à Parasite en 2018, Song Kang-ho se retrouve dans le rôle d’un escroc paternel et généreux. Peut-être une autre façon de récompenser Hirokazu Kore-eda, Palme d’or pour Une affaire de famille, en 2019.
© Borde-Jacovides/ Bestimage/Photo News
Le Suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh a reçu le prix du scénario. Tourné en Turquie, Boy from Heaven est, sous des allures de polar, une parabole politico-philosophico religieuse d’une finesse diabolique. Le réalisateur s’était fait connaître en 2017 avec le thriller Le Caire confidentiel. Le Prix de la mise en scène est décerné au Sud-coréen Park Chan- wook et Décision to leave, un vertigineux thriller sentimental.
On ne va pas vous mentir. On était tombés sous le charme du somptueux La femme de Tchaïkovsky de Kirill Serebrennikov et de sa remarquable actrice principale Odin Lund Biron, son premier rôle au cinéma. R.M.N. de Cristian Mungiu est aussi le grand absent du palmarès. Maintenant aux spectateurs, cinéphiles ou insatiables curieux de découvertes, d’adouber les choix cannois. « Viva il cinema ! »
Publicité