Sarah Belmont
24 May 2018
Ses dreads gorgonesques ont de quoi forcer l'attention de n'importe quel modèle. Sous cette toison faussement négligée se cache un œil affuté. Né à Munich en 1968, Martin Schoeller a fait ses armes aux côtés de la fameuse portraitiste américaine Annie Leibovitz, jusqu'à ce que sa technique de gros plans soit finalement remarquée par de gros titres, tels que The New Yorker. « Après avoir erré d'anniversaires en mariages, je me suis retrouvé submergé de travail », confie l'artiste qui, malgré ce déclic tardif, a su garder la tête froide.
Barack Obama, 2004, Archival Pigment Print © Martin Schoeller |
Devant son objectif, tout le monde est logé à la même enseigne. C'est pourquoi la première section de l'exposition mêle des portraits de célébrités à des visages inconnus. « Je braque mon appareil sur des stars ou des clochards. Il n'y a pas de juste milieu », lance Schoeller avec un aplomb séduisant. Dans le monde des paillettes, les athlètes ont sa préférence, car « ils ne se prennent pas la tête. Quant aux acteurs, ils se confondent en moues, alors que je recherche des expressions naturelles », s'exaspère Schoeller.
Jay-Z with Cat, New York, 2007, Archival Pigment Print © Martin Schoeller |
À des clichés d'une crudité entêtante, sur fond noir (Anthony Hopkins), gris (Christopher Walker), ou blanc (Rihanna), répondent des mises en scène plus travaillées. « Selon le budget imparti, je laisse plus ou moins libre cours à mon imagination ». Sur un pan de mur, Mike Tyson se refait lui-même le portrait, les mains pressées contre son visage. « Lady Gaga est arrivée un jour dans mon studio avec un bleu au bras gauche. Sa maquilleuse a opté pour une mise en beauté à dominante mauve, assortie à la lésion que la chanteuse ne tenait pas à dissimuler. J'adore ce genre d'idées ! »
George Clooney with Mask, Brooklyn, NY, 2008, Archival Pigment Print © Martin Schoeller |
Autre audace : faire poser Marina Abramovic, plasticienne connue pour ses performances exhibitionnistes, vêtue de la tête au pied au milieu de figurants, eux, nus. « Je regrette que seulement quatre personnes se soient prêtées au jeu. Deux de mes collaborateurs ont fini par se déshabiller et rejoindre le décor afin de donner un peu plus de corps à l'ensemble », raconte l'artiste.
Barack Obama, 2004 ; Donatella Versace, 2010 ; Jack Nicholson, 2002 © Martin Schoeller |
On gardera aussi en tête les séries Bodybuilders, Identical et Transgender. Le photographe a réalisé la première à l'instigation de son assistant, lui-même adepte de la gonflette ; et la seconde, à la demande de National Geographic. Et l'artiste d'attirer l'attention des visiteurs sur deux jumeaux, dont l'un aurait changé de sexe. Transition idéale vers la troisième section, composée de portraits de femmes que l'on imagine difficilement avoir été des hommes. Et pourtant... « J'aime troubler mon public ». Martin Schoeller se paierait-il notre tête ?
Big HeadsNederlands FotomuseumRotterdamPublicité